TENDANCE. L'impression 3D gagne du terrain. Alors qu'elle est déjà employée en France dans le domaine de la décoration et pour réaliser quelques ouvrages architecturaux d'exception, la technique vient d'être utilisée pour construire... une maison ! Découverte de ce procédé qui pourrait bien changer le visage de nos habitations et aussi les habitudes sur les chantiers...
L'impression 3D, nouveau système constructif pour les maisons individuelles ? S'il est trop tôt pour répondre à cette question, l'on peut en tout cas d'ores et déjà dire que le procédé intéresse très fortement les constructeurs. Il faut dire qu'il a déjà fait ses preuves dans le secteur, plusieurs exemples un peu partout à travers le monde en attestent.
La liste des bâtiments réalisés grâce à l'impression 3D s'allonge en France
En Chine, une entreprise a réussi à édifier une maison de 400 m2 et une autre société à construire un immeuble de 5 étages, des projets réalisés en un temps record : 45 jours pour le premier, et moins d'une journée pour le deuxième. En France également, l'impression 3D a permis de réaliser quelques ouvrages d'exception, notamment un pavillon sur le campus Dassault Systèmes de Vélizy (78) - construit en septembre 2016, c'est le premier bâtiment à avoir été construit à partir d'une imprimante 3D en France - et un poteau de 4 mètres de haut dans la cour d'une école à Aix-en-Provence. De quoi donner envie à d'autres constructeurs, notamment ceux du secteur résidentiel, de se lancer eux-aussi dans l'aventure. Résultat : après Dassault Système et Vinci Construction, voilà que deux autres acteurs ont sauté le pas : Bouygues Construction, d'abord, qui est en train d'édifier une maison de 95m² à Nantes. Destinée à du logement social, elle est réalisée grâce à une imprimante conçue par des chercheurs de l'Université de Nantes, du CNRS, de l'Ecole Centrale, de l'Inria et de l'IMT Atlantique. Et à quelques kilomètres de là, quasiment simultanément, c'est le constructeur de maisons individuelles, Maisons France Confort, qui expérimente lui-aussi la technique. Grâce à une imprimante développée par la start-up XtreeE, il a réussi à fabriquer trois poteaux porteurs ainsi qu'une paroi intérieure pour sa maison YRYS, concept house présenté comme un concentré d'innovations.Deux chantiers, deux techniques d'impression à l'essai
Si les deux projets s'inscrivent dans la même démarche d'expérimentation, ils n'explorent pas les mêmes pistes constructives. Du côté de Bouygues Construction, l'imprimante utilise de la mousse de polyuréthane pour monter deux parois parallèles, elles forment une sorte de coffrage dans lequel le robot vient déverser du béton. Sur le chantier de la maison YRYS, l'imprimante a d'abord travaillé avec un mortier en béton. Elle l'a utilisé pour fabriquer les moules des poteaux et de la paroi. Ils ont ensuite été remplis de béton fibré à ultra-hautes performances.Deux techniques différentes donc pour deux résultats différents. Dans le premier cas, les éléments imprimés en 3D intègrent une isolation et servent de murs périphériques, ils constituent la structure même de la maison. Dans le second cas, si les éléments sont bien porteurs eux-aussi - les poteaux extérieurs soutiennent le plancher -, ils apportent également une plus-value esthétique à la maison. Grâce notamment à la fabrication des moules, les équipes ont en effet pu donner une forme fluide totalement inédite au béton. Au lieu d'être droits, les poteaux sont torsadés, une silhouette qui rappelle celle des arbres. Leur section est, par ailleurs, particulièrement fine au regard de la charge à supporter. Et à l'intérieur, la paroi est trouée, elle laisse donc passer la vue et la lumière. Un élément qui rappelle les fameuses résilles de béton du MuCEM, bâtiment signé par l'architecte Rudy Ricciotti.
Rapidité et liberté architecturale
Pouvoir réaliser de grandes portées et des épaisseurs très réduites, le tout en se passant d'armatures métalliques, offre une grande liberté architecturale. C'est ce qui plaît aux architectes et aux constructeurs qui peuvent ainsi inventer de nouvelles typologies de bâtiments. Et si demain nos maisons n'étaient pas rectilignes mais tout en fluidité ? Autre avantage de l'impression 3D : sa rapidité. Avec une imprimante, les chantiers sont extrêmement rapides. Qui dit délais raccourcis dit économies. Le coût est d'autant mieux maîtrisé que seule la juste quantité de matière est utilisée autrement dit plus de gâchis, de quoi là-encore susciter l'intérêt des professionnels de la construction.Découvrez en pages suivantes un focus sur la technique d'impression 3D utilisée pour fabriquer les éléments de la maison YRYS...
De l'impression 3D dans une maison individuelle, une première en France
Construite à Alençon, en Normandie, sur le site abritant le siège social historique du groupe Maisons France Confort, la maison YRYS est présentée comme un concentré d'innovations "made in France". Pas moins d'une cinquantaine de produits totalement nouveaux devraient ainsi intégrer la maison. Parmi eux : de nombreuses solutions techniques innovantes - utilisation de pré-murs pour l'édification des soubassements, par exemple - ou n'ayant encore jamais été mises en œuvre sur un chantier de construction d'une maison individuelle. C'est notamment le cas de l'impression 3D utilisée pour fabriquer quatre poteaux extérieurs et une paroi intérieure.
Un chantier collaboratif
Pour réussir à fabriquer ces cinq éléments en 3D, le constructeur de maisons s'est associé à deux entreprises : la start-up XtreeE et l'industriel Lafarge. La première lui a fourni l'imprimante, la deuxième, le matériau ou plutôt les matériaux pour l'alimenter. Les trois acteurs ont travaillé de concert pendant toutes les étapes, depuis la phase de R&D jusqu'à la fabrication.
Des éléments fabriqués en atelier via une imprimante géante
Les éléments ont été préfabriqués en atelier via une imprimante géante. Dirigée depuis un ordinateur, elle réalise des couches successives de matière. C'est exactement la même technique que pour réaliser des objets mais à une toute autre échelle !
Première étape : la réalisation de moules
Dans le cas de la maison YRYS, l'imprimante a d'abord fabriqué des moules pour les poteaux mais aussi pour la paroi intérieure (voir photo). Ils ont été réalisés à partir d'un mortier spécifiquement développé pour cet usage.
Un travail net et sans bavure
Les traits sont précis, nets et sans bavure. Au fur et à mesure, la création prend de la hauteur et l'on commence à voir les silhouettes des poteaux apparaître. Il n'y a pas longtemps à attendre puisque qu'il n'aura fallu qu'une heure trente de travail à l'imprimante pour réaliser un poteau.
Deuxième étape : le remplissage des moules
Une fois les moules fabriqués, ne reste plus qu'à venir déverser à l'intérieur un béton fibré à ultra-hautes performances, le même type que celui utilisé pour réaliser la façade résille du MuCEM à Marseille. C'est lui qui garantit la résistance structurelle du poteau.
De l'atelier au chantier, un transfert "délicat"
Contrairement à la maison de Nantes, celle d'Alençon n'a pas été construire in situ par l'imprimante. Tous les éléments 3D ont été fabriqués un par un en atelier puis amenés à Alençon, sur le chantier. Un déplacement qualifié de "délicat" par les équipes d'MFC.
Quatre poteaux extérieurs porteurs
Les poteaux sont venus trouver leur place à l'extérieur de la maison. Positionnés bien en évidence, ils marquent sa différence esthétique. Au premier regard, l'habitation interpelle. Mais ils ont aussi un rôle structurel : ils soutiennent l'étage de la maison.
Des poteaux comme des arbres...
En plus d'être très fins, les poteaux adoptent une forme fluide. Leurs silhouettes, en Y, rappellent celles des arbres. La métaphore ne s'arrête pas là car comme l'explique le constructeur, ils sont agrémentés de trois... cabanes ! Elles sont matérialisées par trois blocs en porte-à-faux - ils abritent les chambres - qui sortent de la façade et lui apportent une certaine singularité.
Une paroi intérieure façon résille
Autre élément fabriqué en 3D : une paroi intérieure - réalisée à partir de la même technique et des mêmes matériaux que les poteaux - qui vient structurer/sécuriser l'escalier. Censée être porteuse, elle n'a finalement qu'un rôle esthétique. En plus de laisser passer la vue et la lumière, elle lui donne du caractère.
Déjà des améliorations à apporter...
Si l'intégration de tels éléments sur une maison individuelle reste une prouesse en France, le chantier a déjà fait ressortir quelques points à améliorer. Pour gagner du temps et donc en efficacité, la phase des moules pourrait être supprimée. Reste encore à trouver le matériau qui permettra à la fois de donner aux éléments 3D une belle forme et de les rendre porteurs. La paroi intérieure, quant à elle, aurait pu elle-aussi devenir porteuse... mais difficile à faire sans l'épaissir davantage... Autant de pistes de travail pour les années à venir...