INNOVATION. La filière béton fait le point sur les adaptations de son produit aux évolutions sociales et environnementales. Et prône pour une mixité des matériaux, tout en rappelant ses atouts.
Le béton deviendra un matériau fédérateur, autour duquel chacun des autres aura sa place, en vertu de la devise : "Le bon matériau au bon endroit." C'est, en résumé, la vision que plusieurs responsables de la filière béton ont souhaité communiquer lors d'une conférence de presse qui s'est tenue à Paris, fin mars 2019. "Les atouts du béton sont connus : résistance mécanique, inertie thermique, pas d'émission de composé organique volatil, durabilité et résistance à l'incendie", a énuméré Philippe Gruat, président de la filière. Selon lui, il faut moins parler d'une guerre des matériaux, notamment avec le bois, que de mixité des matériaux.
"80% à 90% des déchets inertes recyclés"
C'est sur les points forts de cette industrie que la filière a bien sûr souhaité revenir, en se projetant dans les futurs proche et lointain. Le recyclage, tout d'abord. "Les granulats issus du recyclage des déchets inertes des chantiers du BTP couvrent 28% des besoins pour la construction et l'entretien des infrastructures et ouvrages", indique ainsi la filière béton. "En 2018, 80 à 90% des déchets inertes sont recyclés dès leur sortie de chantier." Avec l'objectif de parvenir à 100% pour 2020.
Un calendrier du déploiement de nouveaux types de béton est déployé : dès 2021, "de nouveaux ciments bas carbone, en cours de normalisation, seront mis sur le marché". "Pour réduire l'impact carbone du ciment, sans modifier ses propriétés mécaniques, certaines combinaisons alliant clinker et d'autres composés cimentaires tels que le calcaire, le laitier, les cendres volantes, les pouzzolanes ou encore les argiles calcinées, se révèlent très pertinentes et prometteuses", indique la filière. Des produits qui pourraient permettre de réduire les émissions de CO2 de -50% par rapport à un ciment pur et sans ajout, et de -35% par rapport à la moyenne actuelle des ciments.
Le béton comme puits de carbone
Étape suivante, en 2022, le béton pourrait concurrencer le bois sur la capacité de stocker le carbone. Cela serait l'aboutissement du projet FastCarb, lancé en 2018, financé en partie par le ministère de la Transition écologique et solidaire. "Son objectif est d'accélérer par la voie industrielle le phénomène de carbonatation naturelle des granulats de bétons recyclés (GBR). Selon les premières évaluations, 10 à 15% des émissions de gaz carbonique liées à la production du béton pourraient ainsi être captées par le matériau lui-même."
"Le bois utilisé dans la construction est prélevé loin, transformé loin... Il faudrait se soucier de l'atteinte de la ressource"
Enfin, dans dix ans, le béton se voit facilitant la conception de bâtiments réversibles. "Par exemple, dans un seul bâtiment, des lots pourront voir leur usage modifié au cours d'une même journée (des chambres d'hôtel transformées en salle de réunion) ou dans la durée (une cité universitaire devient une maison de retraite)", estiment les acteurs.
Reste que la promotion actuelle du bois a le don de faire tiquer le monde du béton - récemment, Jean-Louis Missika de la mairie de Paris avait assuré qu'il souhaitait que le bois devienne la norme et le béton une exception. "Notre matériau est géosourcé et disponible en quantité infinie", assure Philippe Gruat. "Certains ministres, politiques, dont certains sont pourtant ingénieurs, devraient refaire quelques calculs : le bois utilisé dans la construction est prélevé loin, transformé loin... Il faudrait se soucier de l'atteinte de la ressource, et de ce que cela représente en matière environnementale. Plus largement, le rôle des pouvoirs publics n'est pas de choisir les matériaux." La filière béton, elle, fait valoir la proximité du matériau par rapport aux lieux de construction.
La REP : pas une bonne idée pour la filière béton
La filière béton a fait savoir son opposition à l'obligation de reprise des déchets de la construction par le négoce, la Rep. "Dans le secteur du Bâtiment, il y a une multiplicité des matériaux. Nous souhaitons que les autres filières s'engagent pour le recyclage, comme nous l'avons fait, de manière à ce que l'on créé les conditions pour que l'ensemble des matériaux soit repris, recyclé. Nous avons pour notre part un taux de revalorisation de plus de 80% des déchets inertes du BTP. Il n'y a donc pas besoin de faire une Rep, ni économiquement ni politiquement. Mélanger les déchets de matériaux n'a pas de sens. Et nous rappelons que l'enjeu, aujourd'hui, ce sont les déchets du second œuvre (moquettes, tubes..)."