Quelles sont les obligations et solutions pour les entreprises en matière de délais de paiement ? Depuis la Loi de Modernisation de l'Economie, il semble que ceux-ci ont décru, mais certains obstacles perdurent, comme les délais cachés. Focus sur le secteur du bâtiment, avec Karine Berger, membre de la commission des Finances et députée des Hautes-Alpes.

"Si les préconisations de notre rapport de 2012 avaient été prises en compte, on s'apercevrait que les transferts de crédits vers les PME s'élèveraient à 11 Md€. Ce qui aurait pu aider nombre d'entreprises en difficulté", a déclaré d'emblée Jean-Hervé Lorenzi, à l'occasion de la Journée Crédit organisée, ce jeudi 14 novembre, par l'Association Française des Credit Managers et Conseils (AFDCC).

 

Les délais cachés, véritable fléau
Le président de l'Observatoire des Délais de paiement n'a pas mâché ses mots, reconnaissant également "qu'à la suite de la LME, les délais de paiement avaient fortement décru". Et de dévoiler en avant-première, les tendances du prochain rapport, qui paraîtra en janvier 2014 : "Globalement, ce n'est pas la catastrophe et les résultats ne sont pas mauvais. Mais il y a des difficultés que nous nous attacherons à combattre cette année". Parmi elles, les délais cachés. "C'est terrifiant !", ajoute-t-il. Un problème d'autant plus inquiétant qu'il s'aggrave chaque année. On constate une hausse des litiges (46% en 2012), mais surtout, depuis deux ans, un doublement des litiges non fondés visant à se soustraire à la LME, détaille une étude du cabinet ARC/Ifop sur les trésoreries des entreprises et le recouvrement de créances. Le responsable de la médiation inter-entreprises et des marchés publics, Nicolas Mohr, a, pour sa part, indiqué que Bercy avait émis la volonté de mettre en œuvre un outil de dématérialisation pour réduire les délais de paiement… et, de facto, les délais cachés.

 

L'autre combat de l'Observatoire des délais de paiement portera sur les collectivités locales, loin d'être un exemple en matière de respect des délais de paiement, selon les experts présents à la table ronde. "Il faudra arriver à faire que les calculs moratoires deviennent automatiques pour elles aussi", s'insurge Jean-Hervé Lorenzi.

 

Le bâtiment en exemple
Plutôt que de délais, Thierry Million, directeur des études chez Altarès, préfère parler de retards de paiement. Anticipant l'étude à paraître la semaine prochaine, il révèle que le niveau moyen de retard s'élève aujourd'hui à 15 jours en Europe. En France, le taux d'entreprises qui paient sans retard est de 30.6%, tandis que 37% paient entre 1 et 15 jours. Et d'ajouter : "La France, où la situation est moins critique que dans le sud de l'Europe, est championne des petits retards !". Cependant, il met en garde : "Quand les petits retards augmentent, les faillites augmentent aussi".

 

Et parmi les secteurs qui tirent leur épingle du jeu, on trouve le bâtiment, qui affiche une forte représentativité (42.8%) et un chiffre de 9.1 jours de retards en moyenne. Un record ! "Le bâtiment paie en retard, certes, mais il paie!", conclut-il.

 


Trois questions à Karine Berger, membre de la Commission des Finances et députée des Hautes-Alpes

 

Karine berger
Karine berger © Assemblée Nationale
Batiactu : Où en est la question des délais de paiement dans le secteur de la construction ?
Karine Berger :
C'est le secteur du bâtiment qui a fait valoir en premier qu'il fallait imposer un respect strict des délais de paiement de la part de l'administration. Et c'est aussi celui qui m'a alerté sur le fait qu'il ne fallait pas interdire à certaines entreprises de laisser à leurs clients du temps pour payer. Mais l'état actuel du droit n'est pas évident car un fournisseur est dans l'obligation d'être payé sinon il peut être redressé fiscalement. Il faut donc respecter les délais de paiement chaque fois que le fournisseur le souhaite et laisser la possibilité aux entreprises du secteur de la souplesse dans les moments difficiles, s'il le souhaite aussi.

 

Batiactu : D'où viennent donc les difficultés que vous évoquiez en conclusion de la table ronde, puisque désormais les dérogations dans le bâtiment sont finies… ?
Karine Berger :
La principale difficulté vient du fait que c'est un secteur en ralentissement, voire en contraction économique dans certains sous-secteurs, avec un ralentissement assez net de la commande publique qui induit des tensions de trésorerie. Mais les délais de paiement semblent bien respectés depuis l'atterrissage des accords de dérogation. En revanche, à un moment où les chiffres d'affaires sont en baisse, si on interdit de la souplesse, cela risque de mettre les entreprises en difficulté.

 

Batiactu : Quid de la demande des petites entreprises du bâtiment, qui réclament que des délais de paiement soient aussi appliqués à leurs clients finaux, les particuliers ?
Karine Berger :
La difficulté, c'est qu'il n'existe pas de délai de paiement dans ce cas, puisque le client est censé payer à réception de la facture ! La question porte davantage sur les recours possibles que certaines entreprises peuvent avoir envers leurs clients. C'est compliqué, car la mise en demeure d'un paiement n'est pas ce qui donnera des résultats. La question qui est soulevée, c'est plutôt celle de la solvabilité des clients.

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