AMÉNAGEMENT. Les responsables de l'établissement public Paris La Défense ont dévoilé les plans du projet "Le Parc", qui doit verdir le quartier. Michel Desvigne, architecte-paysagiste chargé de ce dossier, souhaite notamment rendre hommage au passé des lieux.
La Défense veut devenir le premier quartier d'affaires au monde "post-carbone" à l'horizon 2030 et diviser par deux ses émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, Georges Siffredi, président de l'établissement public Paris La Défense, a dévoilé le 28 juin 2022 un projet qui compte transformer l'esplanade. "Le jardin urbain de cinq hectares, baptisé 'Le Parc', changera radicalement le parvis", promet-il, lors d'une conférence de presse à laquelle Batiactu a assisté. "Nous voulons faire entrer la nature dans un milieu minéral." L'objectif est, selon lui, d'encourager la biodiversité, de permettre des espaces de respiration pour les usagers mais aussi de lutter contre les îlots de chaleur. Dans cet espace, 70% des surfaces sont imperméables. Le but est d'inverser cette proportion pour obtenir 60% d'espace public végétalisé sur ce grand axe qui fait face, au loin, à l'Arc de Triomphe.
Le jardin est déjà présent sur l'esplanade. Très peu connu des Parisiens, il s'inscrit pourtant dans l'axe historique d'André Le Nôtre, avec le jardin des Tuileries et celui des Champs-Élysées. Il a été imaginé dans les années 1970 par le paysagiste américain Dan Kiley. "'Le Parc' rend hommage à l'ambitieux travail de Kiley, tout en donnant une nouvelle diversité végétale et des promenades et trajets facilités", explique Michel Desvigne, architecte-paysagiste, qui s'est vu confier ce projet.
Magnifier l'histoire du site en apportant une touche contemporaine
"Dan Kiley avait un vrai regard sur le classicisme français et a su le moderniser", salue Michel Desvigne. Le jardin existant, sur dalles, compte 450 platanes et tilleuls âgés d'une cinquantaine d'années. "Il a été si bien pensé qu'il s'inscrit dans la durabilité", estime le paysagiste, qui souligne la pérennité de ces plans et la volonté de conserver les arbres existants. "Dans les jardins que Kiley a conçus à travers le monde, nous retrouvons cette même rigueur, cette géométrie mais aussi ce foisonnement végétal. Notre idée est de transformer l'existant en magnifiant son histoire." L'agence de Michel Desvigne compte ainsi célébrer l'art des jardins classiques et de la perspective, tout en ajoutant trois strates végétales supplémentaires. Un socle sculpté par une composition végétale dense et des strates basses, composées de plantation d'arbustes (du type cerisiers du Japon, pommiers…) et de haies colorés (ilex, myrtes, chèvrefeuilles) se mélangeront à des massifs fleuris et des plantes majoritairement locales (iris, lys, pervenches, etc.). L'espace sous dalles sera comblé par endroits et remplacé par un nouveau sol fertile.
La présence, forte, de vent et d'ombre sur l'esplanade est prise en compte pour permettre une cohérence à la fois écologique, botanique et esthétique. La distribution et les palettes de plantation ont été élaborées en collaboration avec des écologues. "Depuis les tours, les usagers auront une vue plongeante sur le parc, c'est pourquoi une grande importance est apportée au dessin ", expose-t-il. Michel Desvigne joue aussi avec la géométrie de l'architecture de la Défense dans la conception de ce parc urbain de 600 mètres de long.
Dynamiser le quartier
Les pentes existantes, qui créent "une sorte de canyon" selon le paysagiste, seront transformées pour concevoir un continuum fait "de socles et de végétaux libres". L'écriture au sol sera simplifiée et les pelouses seront rendus accessibles. Des pièces d'eau et des bassins successifs apporteront de la fraîcheur. Un dispositif de fontainerie est à l'étude. L'accès aux personnes à mobilité réduite sera permis dans l'ensemble du parc. La finalité est de permettre à des populations et à des usages multiples (sport, relaxation, traversées) de coexister dans cet espace. Le parc devrait également ouvrir des chemins vers les villes de Puteaux et de Courbevoie.
Georges Siffredi ne s'en cache pas : le projet du parc vise à développer la vie au sein de la Défense, animé par les employés de bureaux la semaine. Le projet est la continuité des manifestations urbaines et culturelles qui fleurissent dans cette zone, à l'instar de l'installation du pavillon en bambou Aqua Mater. De plus, il affirme que la stratégie de décarbonation de l'établissement "est construite en partenariat avec les entreprises qui possèdent des bureaux à la Défense. Il est de notre devoir, en tant qu'aménageur public, de les impliquer pour transformer nos villes et les amener vers un futur plus désirable."
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Plusieurs défis à relever
Concernant "Le Parc", une consultation a été engagée avec les habitants en 2019. Les travaux devraient débuter en 2024, pour des premières livraisons dès 2026. La difficulté réside dans le fait de ne pas impacter la vie des 10.000 habitants de la Défense. Le chantier se fera donc par étapes. Paris La Défense peut compter sur une enveloppe d'une "trentaine de millions d'euros", financée par les collectivités locales de la zone qui s'étale entre les villes de Puteaux, Courbevoie, Nanterre et la Garenne-Colombes. "Le coût du projet est toutefois en train d'être stabilisé car nous nous interrogeons encore sur les frontières de ce parc", indique Pierre-Yves Guice, directeur général de Paris La Défense. Mais d'autres défis se posent. Le paysage du site est spécifique, avec une conception sur dalles associée à de forts dénivelés. Y créer un parc est donc un défi technique, selon l'établissement public. Aussi, les tours et les éléments minéraux favorisent les écarts thermiques. La végétalisation devrait aider à réguler les phénomènes climatiques.
Depuis quelques années déjà, le quartier de la Défense a entamé sa transformation. Un travail de végétalisation est mené depuis 2017 sur ce territoire, qui a permis de créer 10.000 m² d'espaces verts. En 2020, 13 jardinières (hors-sol et en bac) ont été installées, comprenant au total 45 essences végétales différentes. "L'idée, c'est que la Défense, lieu de passage, se mue en lieu de vie", conclue Georges Siffredi. Au total, sept hectares de l'espace public sont en rénovation pour faire de cette partie de l'ouest francilien, un espace de promenade et de jeux.
Architecte-paysagiste : Michel Desvigne Paysagiste
Bureau d'études : Arcadis
Spécialiste écologie urbaine : Urban Eco-scop
Concertation et usages : Ville Ouverte
Surface : 5 hectares - 600 m de long
Emplacement : Du bassin Takis au bassin Agam - Axe de La Défense / Esplanade (La Défense)
Livraison : Horizon 2026