FESTIVITÉS. Que serait l'Alsace sans ses marchés de Noël ? Celui de Strasbourg, le Christkindelsmärik, ou "marché de l'enfant Jésus", existe depuis 1570 et a longtemps été le seul de France ! Comment est construit ce marché considéré comme l'un des plus grands d'Europe ? Réponse.

Qui dit marché de noël, dit odeurs de vin chaud, pain d'épices et fromage fondu, mais aussi et surtout villages de petites maisons en bois. A Strasbourg, ce sont 300 chalets qui investissent les places de la ville pour l'événement. Ils sont construits par l'entreprise alsacienne Rustyle. Fabien Thévenot, gérant, explique : "Les chalets de Noël, ont été ces dernières années en expansion, et nous sommes devenus une référence en la matière après avoir fabriqué des abris de jardin et des clôtures bois. Nous construisons des chalets pour toute la France, mais aussi pour New York, Moscou, Chicago, Dubaï... Les marchés de Noël alsaciens font rêver et nous sommes assez peu à les construire en France. Les prix varient en fonction des options et des tailles. La taille standard est de 3X2m mais nous pouvons faire du sur-mesure, des chalets restauration… Grâce à notre bureau d'étude interne, les possibilités sont infinies. Tout est démontable et remontable en 15min. Cette année, nous avons développé un nouveau chalet pliable en 6min ! Certains restent à l'année comme à Orléans et d'autres sont transportés montés comme à Colmar ".

 

Chalets du marché de Noël de Strasbourg
Chalets du marché de Noël de Strasbourg © Cédric Schell

 

Le plus gros fabricant de chalets de Noël en France en produit 500 par an. "Nous utilisons de l'épicéa, pour sa résistance et des coûts optimisés. Sur des chevrons, on cloue du bardage bois aussi en épicéa. La durée de vie d'un chalet est de 10 à 20 ans selon l'usage, à Strasbourg, certains ont 30 ans !"

 

Un grand sapin… en kit !

 

Le Grand Sapin est l'autre grand symbole de Strasbourg à cette période. Là aussi le chantier est d'envergure. Son prélèvement est réfléchi dans une perspective éco-responsable et le conifère provient d'une forêt gérée de façon durable. Ils sont dix forestiers expérimentés de l'Office National des Forêts à devoir se mettre d'accord avec la mairie pour le choisir. Henri Pierre Gangloff, responsable de l'unité de production, supervise les opérations : « Il doit être branchu, avec un tronc bien droit, une belle forme de conifère, ce qui n'est pas le cas forcément de tous les sapins du massif des Vosges. Sans oublier aussi, qu'il soit accessible dans la forêt. » Côté travaux, deux grues sont utilisées pour le prélever (100 tonnes et 70 tonnes). La base du géant est élaguée, puis l'équipe monte à son sommet en se faufilant à travers ses branches pour poser une élingue autour du tronc. La base est coupée et le sapin hissé avant de le faire basculer lentement, très délicatement, pour le poser sur la plate-forme d'un poids lourd. L'opération dure une demi-journée et le transport huit heures. Durant ce voyage en plusieurs étapes, le roi de la forêt est stocké dans un endroit tenu secret, sous haute surveillance.

 

Sapin
Sapin © Cédric Schell

 

Arrivé sur la place Kléber, le sapin est tout aussi surveillé : "Le moment où on le met à la verticale, c'est toujours un moment de tension, car il y a des contraintes supplémentaires mises sur le tronc. Il faut y aller doucement, mais pas trop non plus, pour ne pas rester dans une position délicate trop longtemps". Pierre Henri Gangloff en est à son 20ᵉ grand sapin mais redoute toujours autant cette étape. Lorsque l'arbre dépasse les 45°, il souffle enfin. Une fois droit dans sa fosse de 2m de profondeur spécialement créée pour lui, du béton est coulé à son pied pour le stabiliser. Il ne ressemble alors en rien à l'arbre de Noël rêvé : il est tout déplumé ! Certaines branches sont coupées pour son transport et, finalement, c'est un sapin en kit que nous admirons chaque année.

 

180 branches venant d'autres sapins sont accrochées à l'arbre. Des personnes travaillant dans les forêts les mettent de côté tout au long de l'année. "Avec ces branches, le sapin devient plus volumineux. Cela lui permet de supporter le poids des décorations". (Guillaume Libsig, adjoint à la maire). Ces dernières ne doivent cependant pas dépasser un poids de 5kg. Pour cette étape, 250 heures de travail sont nécessaires.

 

Des illuminations spécialement conçues

 

Après le montage du sapin vient le temps de sa décoration. Sept kilomètres de guirlandes et 400 décorations faites main sont ainsi installés à l'aide de nacelles, un travail qui demande concentration, dextérité et sens artistique. Pendant trois semaines, divers corps de métier s'allient pour arriver au résultat parfait : électriciens, grimpeurs, paysagistes… Depuis 2014, c'est la société alsacienne Sigmatech qui remporte les appels d'offres de la ville de Strasbourg. Chaque année, "C'est une fierté, un rêve d'enfant", pour son directeur général Romaric Gusto, qui crée une nouvelle décoration et qui emploie une quinzaine de personnes pour l'opération. "Cela n'a pas été facile, car cette année il a plu beaucoup et c'était venteux. L'arbre était bien mouillé".

 

Pour 2023, le cœur a été choisi pour thème principal. "Il y a des cœurs partout, mais pas forcément lumineux, pour qu'il n'y ait pas de confusion avec la Saint-Valentin". Boules et colliers de perles dorées ont été fabriqués en France et créés spécifiquement pour le grand sapin de Strasbourg par l'ESAT Caramentis près d'Albi et par plusieurs associations de l'économie sociale et solidaire ou des artisans passionnés (association Hélène de Coeur, Inclusiv C'CITE). Tout a été pensé à partir de plastiques recyclés, de bois ou de Kelsch (cousu à Seebach, en Alsace).

 

Lumières marché de Noël de Strasbourg
Lumières marché de Noël de Strasbourg © Cédric Schell

 

Plus globalement, près de trois millions d'illuminations et plus d'une vingtaine de kilomètres de fils électriques sont nécessaires pour faire briller la ville durant la fin de l'année. Dans un souci écologique, l'accent est mis sur les leds pour éclairer les rues et le marché. En 2023, la ville a même choisi d'expérimenter un décor fonctionnant à l'énergie photovoltaïque dans les ruelles du triangle Kléber.

 

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