ANALYSE. Les conséquences concrètes de l'incendie de Grenfell ne cessent de se préciser au Royaume-Uni : décotes d'actifs immobiliers dont le bardage est le même que celui de la tour, financement des travaux de remplacement des ITE en place... Autant de scénarios qui risquent de devenir réalité, en France, dans les mois à venir ?

A Londres, la valeur d'un appartement est subitement passée de 540.000 euros à 57.000 euros, nous informe le Guardian. Pourquoi ? Parce que son bardage est du même type que celui de la tour Grenfell, ravagée par un incendie en juin 2017, causant la mort de 71 personnes.

 

Refaire l'enveloppe du complexe d'habitation concerné (Galliard Homes) reviendrait à plus de 30 millions d'euros d'investissements. Mais qui va payer ? "Le conflit qui en résulte, qui pourrait mettre des années à être résolu, laisse potentiellement des milliers de personnes avec un appartement invendable en l'état", assure le Guardian.

 

Qui paiera les travaux de remplacement des bardages : l'État ? Les entreprises ?...

 

Même problématique dans 80 appartements de Battersea (sud de Londres) : qui paiera les travaux pour remplacer les panneaux de façades, les mêmes que ceux utilisés à Grenfell ? Un avocat assure au Guardian que les résidents pourraient intenter une action en justice pour forcer les acteurs concernés à payer les travaux sans attendre. Et les dossiers pourraient s'accumuler : le Gouvernement a dénombré 306 bâtiments de plus de 18 mètres considérés comme 'à risque', dont 13 hôpitaux et écoles. Les bardages de sept immeubles publics ont d'ores et déjà été remplacés.

 

 

Dans le complexe d'habitation de Croydon, au sud de Londres, la société ayant construit le projet s'est engagée à payer les 2,3 millions d'euros pour prendre en charge les travaux de retrait des panneaux. "C'est une excellente nouvelle pour les résidents de ce complexe qui devaient faire face à une dépense insurmontable pour sécuriser leur habitat", commente le maire local. "D'autres constructeurs devraient suivre cet exemple pour éviter ces dépenses aux locataires et commencer les travaux essentiels de sécurité incendie", a appuyé Sajid Javid, secrétaire d'État au Logement.

 

En France, combien de bâtiments ont le profil de la tour Grenfell ?

 

Ce type de situation pourrait-il devenir réalité de ce côté-ci de la Manche ? Peut-être, lorsque le Gouvernement aura publié les conclusions de son second rapport sur la sécurité incendie, dont l'objectif est de dénombrer le nombre de bâtiments, en France, dont le bardage ressemble à celui de la tour Grenfell. Même si ses conclusions ne sont pas encore rendues publiques, quelques observations de bon sens peuvent donner une idée de la quantité concernée. Ainsi, en juin 2017, dans son premier rapport à la suite de l'incendie de Grenfell, le CSTB rappelait : "[Dans la construction neuve RT2012], la part de marché de l'ITE est de l'ordre de 15% pour les bâtiments de 1ère et 2ème familles, 25% pour les bâtiments de 3ème famille, et 50% pour les bâtiments de 4ème famille."

 

L'organisme évaluait par ailleurs à 10.000 à 15.000 le nombre de bâtiments d'habitation relevant de la 4ème famille (entre 28 et 50 mètres, les bâtiments les moins bien couverts par la réglementation incendie française actuellement en vigueur). Sur cette masse de bâtiments, il ne serait pas étonnant que quelques centaines, voire plus d'un millier (selon le niveau d'exigence considéré) aient fait l'objet d'une isolation thermique par l'extérieur comparable à celle de Grenfell - même configuration de produits utilisée ou mêmes types de malfaçons que celles rencontrées sur la tour de logement social britannique. Sans oublier que les panneaux de façades utilisés sur Grenfell ont été produits dans une usine française - il faut toutefois préciser qu'ils ne sont pas, à eux seuls, la cause du sinistre : ils ont été mal utilisés dans le cadre de la rénovation de la tour londonienne.


L'exemple de Roubaix en 2012

 

Ainsi, si le rapport à venir des pouvoirs publics arrivait à une conclusion de ce type, il deviendrait tout à fait imaginable que des scénarios comparables à ceux exposés par le Guardian se déroulent un jour en France.

 

Pour rappel, un type d'incendie similaire à celui de Grenfell avait eu lieu, en 2012, sur la tour Mermoz à Roubaix, provoquant un décès :

 

 

Les architectes britanniques veulent exclure les matériaux combustibles à plus de 18 mètres
L'Institut royal des architectes britanniques (Riba), équivalent outre-Manche du Conseil national de l'ordre des architectes (Cnoa), s'est récemment inquiété du fait que les pouvoirs publics britanniques n'avaient pas assez pris la mesure des réformes à faire pour protéger les résidents. Ils en appellent notamment à exclure les matériaux combustibles pour les immeubles de plus de 18 mètres, prévoir deux escaliers d'évacuation pour les bâtiments de plus de 11 mètres, et installer systématiquement des extincteurs automatiques à eau au-dessus de 18 mètres.

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