RELANCE. Les organisations représentatives de la filière bois ont envoyé à Bercy et au Conseil national de l'industrie une quinzaine de propositions à court et moyen terme pour relancer l'activité dans leur secteur une fois le déconfinement amorcé. Les constats comme les propositions rejoignent ceux déjà formulés par des acteurs de la construction et du logement.


Quelques jours après que son Plan de continuité d'activité (PCA) ait été validé par la Direction générale du travail, la filière bois prépare l'après-crise du coronavirus. Pour l'heure, et avec toutes les précautions qui s'imposent en la matière, le déconfinement sanitaire de la population française doit débuter le 11 mai prochain, et une relance de la machine économique est jugée plus qu'urgente par nombre d'acteurs publics comme privés au vu de la récession que va connaître la France cette année. C'est donc pour anticiper cette reprise d'activité que les organisations représentatives de la filière bois se sont réunies et ont élaboré une contribution commune, sur proposition du Comité stratégique de la filière (CSF). Au total, 17 propositions ont été envoyées à Bercy ainsi qu'au Conseil national de l'industrie (CNI) pour souligner les mesures à mettre en oeuvre à court et moyen terme au sein du secteur.
 

 

Des organisations de la filière bois qui affirment s'être mobilisées dès le début de la crise sanitaire "pour assurer des productions essentielles", des emballages en carton aux combustibles pour la production d'énergie, tandis que les industries dites de première transformation ont redémarré des activités considérées là aussi comme indispensables, des scieries aux productions de contreplaqué. Rappelant que le bois s'inscrit dans la boucle vertueuse de l'économie circulaire et de la transition écologique, la filière met en avant des solutions de relance "durables" en essayant de prendre en compte le développement économique des territoires.

 

Consacrer la période estivale à la relance de l'activité

 

Premier constat des entreprises du bois : l'existence de points de blocage impactant "toutes les branches d'activité de la filière", et plus largement nombre de secteurs d'activité comme la construction, le logement, l'immobilier ou encore le numérique. Relancer l'activité passera donc par une relance de la demande, ce qui implique de "remettre en route la chaîne productive du bâtiment et du logement", considérée comme une "urgence absolue" par les acteurs du secteur. "Pour la seule filière bois, 50% de la valeur ajoutée et des emplois dépendent du marché final de la construction", précisent-ils. En raison de l'interdépendance des branches et même des filières entre elles, ils estiment que la reprise devra être coordonnée, avec un message de l'Etat "plus clair et plus affirmé".

 

A l'instar d'autres secteurs, la filière bois demande davantage de responsabilité de la part des maîtres d'ouvrages publics mais aussi privés pour ordonner la réouverture rapide des chantiers. Pour ce faire, les professionnels du bois proposent de passer par une ordonnance gouvernementale "définissant un cadre de consensualité entre maîtrises d'ouvrage, constructeurs, entreprises", sur le modèle de la norme NF P 03-001 qui s'applique déjà aux chantiers du bâtiment faisant l'objet de marchés privés. Pour bénéficier d'un peu de visibilité et ainsi reprendre les fabrications en usine, il est aussi suggéré aux autorités de "donner le signal de la réouverture" en priorité vers l'ouverture des dépôts aux fournisseurs. Partant également du principe que la relance s'ancrera sur toute la période estivale, les organisations du bois considèrent que l'Etat "doit lever toutes les interdictions visant les arrêts de chantiers durant la période estivale, notamment dans les zones touristiques".

 

"Produire cet été est une nécessité vitale aux entreprises, après deux mois d'arrêt ou de fonctionnement dégradé, pour soutenir leurs trésoreries bien plus que leurs résultats et éviter des défaillances en cascade", affirme le CSF dans sa note de conjoncture. "Il faut anticiper les problèmes de trésorerie qui s'étaleront au moins jusqu'au mois de février 2021."

 

Propositions pour le moins audacieuses sur l'épargne et la fiscalité des Français

 

Concernant les mesures de soutien à proprement parler, les acteurs du bois demandent que la garantie apportée par BPI France soit complétée par une possibilité donnée aux entreprises de limiter dès maintenant le taux du prêt au taux interbancaire "et de pouvoir choisir la franchise". Plus largement, une politique de soutien à la demande dans les segments de la construction, de la rénovation, de l'aménagement, de l'agencement et de l'ameublement doit être, selon eux, mise en place. Ce qui passerait par le maintien du Prêt à taux zéro et par un assouplissement des règles de déblocage de l'intéressement et de la participation pour des projets immobiliers. En parallèle, les établissements bancaires sont appelés, encore une fois, à jouer le jeu, tandis que les solutions de financement à destination des particuliers pour promouvoir le bas carbone et la transition écologique doivent être pérennisées. Dans ce domaine, le CSF Bois ose formuler une recommandation pour le moins audacieuse, en autorisant "un déblocage partiel de l'épargne des PEL (Plans épargne logement), qui ne clôturerait pas le reste" du compte. Un déplafonnement "pour trois ans des donations de son vivant avec une fiscalité nulle dès lors que ces donations sont réinvesties" dans les travaux de transition énergétique est aussi suggéré.

 

Sur le plan industriel, un appel à considérer le bois français comme matériau à privilégier pour la relance économique est répété, en veillant malgré tout à ne pas pénaliser la production avec certains produits que le marché intérieur ne pourrait absorber. Dans cette optique, "un flux d'exportation de sciages de sapins et épicéas issu de la transformation de bois secs et scolytés [le scolyte est un insecte causant depuis quelques temps d'énormes ravages, ndlr] récoltés dans les forêts françaises atteintes de ces dépérissements" pourrait être soutenu pendant six mois. La valeur de cette matière première ne serait ainsi pas perdue, mais c'est en fait l'ensemble des activités forestières qui devront être relancées afin d'approvisionner les industries du bois, d'où une demande de simplification pour mettre en oeuvre les mesures de soutien existantes, tout en les renforçant avec un accompagnement pour adapter les massifs au changement climatique. Le secteur demande qui plus est de réduire les "contingents d'importation à droits nuls" et de proroger automatiquement et pour trois ans minimum les "mécanismes et taxes anti-dumping mis en place et arrivant à échéance en 2021 et 2022", notamment pour le contreplaqué et le parquet.

 

Maintenir le calendrier de la RE2020 et mieux valoriser les créations locales d'emplois et de richesses en lien avec le bâtiment

 

Sans grande surprise et à l'image de bien d'autres acteurs économiques, les entreprises du bois estiment également nécessaire d'assurer la transition écologique dans un monde frappé de plein fouet par une crise sanitaire et économique majeure. Jetant une passerelle entre la filière bois et le bâtiment, le CSF assure être "en synergie" avec les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et de la Convention citoyenne pour le climat, dont une partie des propositions a été présentée par Batiactu. Et appelle, dans le même registre, à maintenir le calendrier fixé pour l'élaboration de la Réglementation environnementale 2020. Dans les territoires, l'idée est aussi lancée de mieux valoriser les créations locales d'emplois et de richesses en lien avec le bâtiment ; une réflexion qui pourrait être engagée sous l'égide des ministères de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et qui pourrait notamment s'axer sur "les dispositifs incitatifs".

 

 

Toujours dans cette logique du bas carbone, la filière bois nécessiterait un soutien aux investissements productifs, qui pourrait prendre la forme d'un dispositif de suramortissement repensé pour favoriser les équipements industriels. De plus, deux mesures sont mises sur la table pour relancer le bois-énergie, présenté comme la "première énergie renouvelable de France" avec une production de 123 TWh : d'une part, lui "redonner une valeur carbone face aux énergies fossiles", et d'autre part, "relancer le soutien à la cogénération bois dans une enveloppe annuelle de nouveaux projets de 50 à 100 MW, dont une tranche dédiée pour les plus petites puissances". Ici, les financements pourraient se trouver en "remobilisant les budgets déjà provisionnés pour des projets lauréats jamais engagés" et "en examinant la reprise en partie de dossiers d'appels d'offres CRE 5".

 

Manque de considération du bois - et de la construction - par les instances européennes ?

 

Enfin, le dernier axe de réflexion du CSF Bois sur la relance post-coronavirus porte sur une meilleure coopération européenne en la matière. Les professionnels du secteur rappellent notamment que "l'Union européenne ne dispose pas de véritable politique en matière de construction alors que la plupart des normes encadrant les produits utilisés dans la construction sont déterminées au niveau européen", comme les intenses tractations autour de la révision du Règlement produits de construction (RPC) en témoignent depuis plusieurs mois, opposant la Commission européenne aux industriels. Quoi qu'il en soit, les Etats-membres sont appelés à "impulser une nouvelle dynamique en affectant davantage de ressources au suivi du RPC et en se dotant d'une véritable doctrine sur ce sujet".

 

Les entreprises du bois réclament aussi davantage d'encouragements de la part des pouvoirs publics à utiliser le matériau sylvestre, certes à des fins économiques mais aussi environnementales, dans la mesure où un recours plus important au bois contribuerait à mieux gérer les massifs forestiers d'Europe. Par conséquent, l'utilisation du matériau pourrait être intégrée au "Pacte vert" communautaire présenté par la chancelière Ursula von der Leyen en décembre dernier.

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