ECONOMIE CIRCULAIRE. Une partie des terres excavées du Grand Paris va être acheminée en Normandie pour être utilisée comme remblais. L'utilisation des déchets de ce projet avait provoqué un tollé, après que des journalistes aient pointé le taux de sulfates supérieur aux normes autorisées.
Transformer des déchets en matières premières. L'idée séduit, au point que le site de l'ex-raffinerie Petroplus près de Rouen va utiliser environ 900.000 tonnes de terres excavées du chantier du métro Grand Paris pour son remblai. Une information confirmée auprès de l'AFP par Eric Branquet, l'expert à qui la société Valgo à confier le pilotage du chantier normand. Déjà 350.000 tonnes ont été importées par la Seine à Petit-Couronne sur le site où Amazon a un projet de plateforme logistique sur 16 des 52 hectares en reconversion. L'ex-site Petroplus a besoin au total de 1,1 millions de tonnes de remblai, soit 750.000 m3.
Ces terres comprennent des sulfates à un taux autorisé (4.000 à 4.500 mg/kg environ) en raison des techniques prévues pour éviter leur migration dans l'environnement, souligne l'expert. À partir de 1.000 mg/kg, une dérogation est nécessaire selon l'Etat.
Une polémique dans la région
À quelques kilomètres du site seulement, à Cléon, l'utilisation de terres excavées du Grand Paris avait fait grand bruit en mars. L'émission "Complément d'enquête" avait trouvé des taux bien supérieurs, de 8.900 mg/kg. Suite à cela, deux conseillers départementaux Frédéric Marche (DVG) et Nadia Mezrar (PS), inquiets, avaient écrit à l'État. Les sulfates sont "une substance nocive pour l'homme dans l'eau potable", avaient-ils rappelé. Le courrier indique que 650.000 tonnes doivent y être déversées pour remblayer un lac qui jouxte la Seine et des nappes phréatiques.
Des récents prélèvements montrant que la réglementation était respectée ont rassuré les élus, interrogés par l'AFP le 8 juillet. Ils ont tout de même admis restés "vigilants". De son côté, le mouvement Extinction Rébellion a voulu récemment alerter sur ce sujet, en organisant une action de blocage de sites industriels près de Paris le 29 juin.
40 millions d'euros pour dépolluer le site
Si Eric Branquet assure comprendre l'inquiétude liée au cas de Cléon, il affirme que celui de Petit-Couronne n'a rien à voir. Après remblais, l'eau de la nappe phréatique "sera à huit mètres sous nos pieds" et les remblais sont "compactés" de sorte que "quand il pleut, l'eau ne pénètre pas et donc il n'y a plus de risque de mobilisation des sulfates", détaille-t-il. Les remblais permettront d'aplanir le site et d'élever le niveau du sol d'au moins 50 cm, ce afin de l'éloigner de la pollution résiduelle sous-terraine de la raffinerie. Un peu plus de 2.000 m3 d'hydrocarbures ont été pompés dans la nappe.
Pour Eric Branquet, recycler ces terres est une bonne chose, puisque cela permet d'éviter de prendre des terres naturelles qu'il faudrait, de plus, acheminer par camion, alors que les remblais du Grand Paris sont amenés par la Seine. Cela représente également une grosse économie pour Valgo car les remblais non recyclés lui coûteraient 15 millions d'euros. "Si vous devez payer des sommes gigantesques de matériaux pour remblayer, l'économie du recyclage de la friche n'est plus possible", estime l'expert. Au total, 40 millions d'euros sont nécessaires pour dépolluer l'ex-raffinerie. 2.000 à 3.000 emplois devraient être créés grâce à la reconversion de la friche. Le chantier du Grand-Paris doit produire 23 millions de m3 de terres excavées, selon l'État.