GRANDS TRAVAUX. Une partie des déblais de creusement des tunnels du Grand Paris Express doit être épandue sur des terres agricoles de la région, ce qui ne va pas sans soulever des oppositions. La SGP assure que la moitié de ses déblais déjà excavés ont été valorisés par une autre méthode.

Le chantier du Grand Paris Express requiert l'extraction de 45 millions de tonnes de terre. Mais où seront stockés ces encombrants déblais ? En Ile-de-France, riverains et élus s'inquiètent de voir des terrains agricoles se transformer en "poubelle". Début mai, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés à Etampes (Essonne), à une cinquantaine de kilomètres de la capitale, pour protester contre un projet de stockage de déblais sur un terrain de 34 hectares situé dans le village voisin de Saint-Hilaire.

 

Un simple "remodelage de terres agricoles" qui entend "préserver des terres naturelles non polluées", plaide le groupe Bouygues qui chapeaute le projet. Mais élus et associations écologistes dénoncent un risque de pollution des sols, des sous-sols et des nappes phréatiques. Le plan prévoit le déversement pendant huit ans de 1,4 million de mètres cubes de déchets issus notamment des travaux des chantiers du Grand Paris Express.

 

"On a tous les désagréments : on paie l'impôt, on ne bénéficiera jamais du Grand Paris et en plus on nous demande de recevoir les déchets".

 

L'Association pour la défense de la santé et de l'environnement (ADSE), un des principaux opposants au projet, redoute donc l'arrivée d'une noria de camions dans cette campagne paisible. Les terres à stocker sont présentées comme "naturelles", mais "on sait très bien que le tri ne sera pas correctement fait", assure à l'AFP Marie-Josèphe Mazure, présidente de l'ADSE. "On a tous les désagréments : on paie l'impôt, on ne bénéficiera jamais du Grand Paris et en plus on nous demande de recevoir les déchets", abonde Stéphane Demeulemeester, le maire de Saint-Hilaire. "Il y a suffisamment de secteurs déjà pollués en Ile-de-France. Pourquoi venir polluer un secteur propre ?".

 

 

La moitié des déblais a été valorisée, d'après la SGP

 

Le dossier est en cours d'instruction à la préfecture de l'Essonne, qui dit lui apporter "une vigilance particulière" et a demandé des précisions, notamment sur l'origine des terres et leur impact potentiel sur les eaux souterraines. De son côté, la Société du Grand Paris (SGP) précise que le projet devra également être "agréé" par ses services pour pouvoir recevoir des terres de ces chantiers.

 

La SGP, qui dispose d'un budget d'un peu plus d'1 milliard d'euros pour la gestion des déblais, indique avoir "identifié 400 sites" pour les recevoir, mais espère surtout trouver des solutions alternatives comme le recyclage ou le remblaiement de carrière de gypse. Près de la moitié des 16 millions de tonnes de terre déjà excavées a ainsi été valorisée, précise-t-elle. L'autre partie est majoritairement stockée dans les départements franciliens, principalement sur le site de Villeneuve-sous-Damartin en Seine-et-Marne.

 

La Seine-et-Marne craint pour ses terres agricoles

 

Ce vaste département, qui représente à lui seul la moitié de la superficie de l'Ile-de-France et accueille 60% des déblais du Grand Paris Express, est depuis longtemps une "terre d'accueil" des déchets de tous types, en particulier dans sa partie nord-ouest, constate la Chambre d'agriculture d'Ile-de-France. "Les terres agricoles, c'est plat, c'est pas cher et il n'y a pas trop de contraintes à partir du moment où c'est bien desservi", note Laurence Fournier, sa secrétaire générale chargée des affaires foncières.

 

 

"Personne n'en a rien à faire, comme dans ce coin-là il y a plein de décharges pourquoi ne pas continuer ?", lâche Mireille Lopez, présidente de l'Adenca, une association de défense de l'environnement de Claye-Souilly et ses alentours, qui se bat contre la multiplication de sites de stockage de déchets. "Dans la forêt de Fontainebleau, on n'en met pas !", déplore-t-elle, "il devrait y avoir un rééquilibrage à l'Ouest et au Sud".

 

Difficile d'interférer

 

Le Département affirme avoir travaillé avec la Région pour une meilleure répartition. "On peut étendre les sites actuels mais pas en créer de nouveaux. On a fait ça pour limiter l'inquiétude locale", assure Patrick Septiers, président (UDI) du Conseil départemental de Seine-et-Marne. L'élu reconnaît qu'il est cependant difficile d'interférer lorsque les deux parties - entreprise et propriétaire du foncier - concluent un accord financier.

 

"On n'est pas contre le Grand Paris. Ce qu'on veut, c'est juste un peu de bon sens, on a déjà des carrières, des sols dégradés un peu partout en Ile-de-France, il ne faut pas sacrifier à nouveau de la terre agricole", plaide Laurence Fournier.

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