Les nouvelles orientations en matière de prévention des risques liés à la présence d'antennes relais de téléphonie pourraient conduire à une hausse de leur nombre. Les études scientifiques s'opposent aux décisions politiques ou judiciaires.

La Ville de Paris et les trois opérateurs français (Bouygues Telecom, Orange et SFR) ont conclu un accord vendredi 14 février dans la soirée. Il fixe " un seuil d'exposition [aux ondes électromagnétiques] 20 à 40 fois inférieur aux normes légales ".

Si l'Hôtel de Ville a " négocié avec les opérateurs pour l'ensemble de Paris ", c'est parce que la capitale présente une densité particulièrement forte de zones sensibles, au sens du rapport Zmirou, remis en 2001. Ce serait 1.600 sites, tels que des écoles, des crèches ou des établissements de soins, qui serait concernés.

Le rapport Zmirou préconise en effet de ne pas installer de stations de base à moins de 100 mètres des crèches et des écoles. Si cette décision pourrait être une " référence nationale ", selon les propres termes de l'adjoint (Vert) au Maire Yves Contassot, elle est contestée par les scientifiques.

Rassurer la population

Cette unique recommandation du rapport est accompagnée de la précision qu'elle n'a pas d'effet sanitaire. Alors pourquoi la prendre en considération ? " Dans le but de rassurer les parents d'élèves concernés ", a expliqué Bernard Veyret, membre du Comité d'experts Zmirou et directeur de recherche au CNRS, au cours d'un débat public organisé le 30 janvier 2002 au Palais de la Découverte.

Cette décision politique a un poids considérable. Actuellement, la France compte plus de 36 millions d'utilisateurs de portables, pour plus de 35.000 antennes ou stations de base. Chaque antenne émet, sur un plan horizontal, sur un cône de 120 à 150 degrés. Il faut donc les associer par trois pour avoir une direction dans tous les sens. Sur un plan vertical, en revanche, la puissance est concentrée sur un angle très étroit, de l'ordre de 5 à 6 degrés. Et le rayonnement est légèrement incliné vers le bas, ce qui explique qu'un utilisateur au pied d'un immeuble recevant une antenne peut ne pas capter.

Au-delà de ce rapport, toutes les études scientifiques menées sur le sujet des antennes relais affirment ne pouvoir déterminer un quelconque lien entre l'émission d'ondes et le risque de cancer. Ainsi, à la fin du mois de janvier 2003, l'Autorité de Régulation des télécommunications (ART) a rendu publique une étude portant sur ce sujet.

Commandée à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), cette synthèse reprend les conclusions du rapport Zmirou. Elle indique par ailleurs que " le niveau d'exposition du grand public aux champs émis par les stations de base est faible et en tout état de cause inférieur aux normes en vigueur ".

Elle ajoute que " les enquêtes épidémiologiques mises en œuvre depuis plusieurs années, ainsi que l'ensemble des études réalisées à ce jour sur les téléphones mobiles numériques, n'ont pas démontré de risque pour la santé ".

Dans ce cadre où conclusions scientifiques et intérêts politiques s'opposent, des initiatives contradictoires ont été prises dans plusieurs villes. A Nice, le tribunal administratif a choisi, le 2 janvier dernier, de ne pas suivre le principe de précaution en annulant dix-sept arrêtés municipaux encadrant les conditions d'implantations d'antennes relais. A Compiègne, le maire Philippe Marini a décidé, le 12 février, de placer les antennes sous surveillance.

" De nombreuses interrogations continuent à s'exprimer chez certains élus, donnant eux-même l'écho aux inquiétudes de nos concitoyens, à propos de possibles effets sur la santé des rayonnements électromagnétiques provenant de différentes études ", s'est-il expliqué, en prenant à témoin, lui-aussi, le rapport Zmirou.

Pollution visuelle

A Paris, l'association écologiste Agir pour l'environnement s'est félicité hier dimanche que la mairie " ait réussi à faire entendre raison aux opérateurs de téléphonie mobile ". Malgré " une législation laxiste, les opérateurs se sont finalement engagés à baisser significativement les seuils d'expositions ".

Ce seuil sera fixé, dans un document devant être signé dans une quinzaine de jours, à un niveau compris entre 1,2 et 2,5 volts par mètre (v/m), alors qu'un décret de mai 2002 prévoit des seuils entre 41 et 58 v/m.

Une telle mesure doit conduire à l'installation davantage d'antennes de moindre puissance pour permettre une couverture de réseau équivalente. " Les opérateurs de radiocommunication ont d'ailleurs intérêts à émettre le plus faiblement possible, pour pouvoir réutiliser plus facilement les fréquences dont ils disposent ", indiquait, au Palais de la Découverte, Jean-Claude Bouillet, Directeur du département Radiofréquence et protection de Bouygues Telecom, dont le groupe conçoit et pose les antennes via sa filiale BTP.

Finalement, la victoire des défenseurs de l'environnement et de la santé publique pourrait avoir pour première conséquence la multiplication de ces antennes sur les immeubles. Et cela, on en est sur, constitue une pollution visuelle.

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