"La danse est un outil pour dessiner l'espace public", Sanna Baldé

 

L'architecte-designer italienne Anna Sanna, ancienne directrice de projets au sein de Jacques Ferrier Architecture, et l'architecte-urbaniste française Delphine Baldé, enseignante en urbanisme à l'Essec Business School et ex-collaboratrice de François Leclercq, pour lequel elle a développé le pôle urbanisme de son agence pendant treize ans, ont créé le Studio Sanna Baldé en 2019. Ensemble, elles conçoivent des projets urbains et architecturaux (logements, équipements, bâtiments tertiaires) en France.

 

Basée à Paris et Nantes, l'agence de 13 collaborateurs a notamment livré le projet Chaufferie à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), dans l'écoquartier LaVallée. Une chaufferie d'énergie renouvelable qui alimente la zone et s'harmonise aux bâtiments du quartier par ses formes minimalistes et teintes vertes.

 

À Vaires-sur-Marne (Seine-et-Marne), c'est un tout autre projet qui a vu le jour mais qui s'intègre lui aussi parfaitement dans son environnement urbain et paysager. La maison de la Fédération française de canoë kayak, livrée en juillet 2024 pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, se veut discrète tout en rendant hommage à la pratique sportive. Dans une interview, Anna Sanna et Delphine Baldé nous racontent leur manière de créer.

Batiactu : Comment la danse contemporaine influence-t-elle votre manière de travailler ?

Delphine Baldé : La danse collective est assez présente dans les espaces publics parisiens, sur les quais, devant le Centre Pompidou, au Centquatre. On sent dans ces lieux une liberté de mouvement. Nous percevons la danse comme un outil pour dessiner l'architecture et l'espace public. Nous explorons le rapport entre espace, rythme, corps et ville dans notre pratique. La danse est un thème de recherche-action dans notre architecture, urbanisme et design. Notre approche de la danse plaît d'ailleurs à certains confrères. Plusieurs de nos collaborateurs pratiquent la danse et nous ont rejoints en partie pour cela. Nous avons même fait une résidence avec une de nos collaboratrices, danseuse. Le fonctionnement de l'agence est assez similaire à la danse. Les échanges sont nombreux et les prises de décisions, collectives.

 

Anna Sanna : Dans nos conceptions, nous réfléchissons aux mouvements des corps. Je pratique la danse depuis mon enfance, et Delphine depuis dix ans. La danse contemporaine est proche de l'architecture et de l'urbanisme dans le sens où elle exprime une libération du corps et de l'espace. En architecture, c'est concevoir des espaces flexibles. La danse peut déconditionner collectivement la place des uns et des autres dans l'espace public, dans une démarche de type "slow walk" comme le propose la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker, avec des danseurs-marcheurs et non une danse performante. L'espace pour le danseur, comme pour le marcheur, n'est pas neutre : il est à occuper, à traverser, habiter, modifier.

Vous avez participé à l'accélérateur de projets architecturaux et urbains Faire, porté par le Pavillon de l'Arsenal en 2022. Qu'avez-vous imaginé ?

Delphine Baldé : Pour ce programme de recherche-action, nous nous sommes intéressées à la fabrique de l'espace public par les corps en mouvement.