CONTESTATION. Une cinquantaine d'entrepreneurs des travaux publics, dont le président de l'antenne locale du Morbihan de la Chambre nationale des artisans des travaux publics et du paysage (CNATP), ont rejoint le mouvement des agriculteurs à Lorient. Ils refusent la suppression de l'avantage fiscal sur le gazole non routier.
Ils étaient une centaine à s'être réunis pour bloquer un dépôt pétrolier, à Lorient, et ils sont prêts à rester. Dans cette cité portuaire du Morbihan, de nombreux professionnels des travaux publics ont rejoint les agriculteurs dans leur mouvement de contestation. Depuis jeudi midi 25 janvier 2024, paysans et entrepreneurs des travaux publics se sont ralliés au port de commerce pour contester la suppression programmée de leur avantage fiscal sur le gazole non routier (GNR). Cette suppression, actée dans la loi de finances du 29 décembre 2023, impose aux entreprises de s'acquitter d'environ six centimes de plus par litre de GNR, chaque année entre 2024 et 2030. Cela représente une économie de 900 millions d'euros d'économies pour l'État, selon ce dernier.
La mesure ne plaît pas au secteur du BTP. "Nous ne souhaitons pas payer cette surtaxe de six centimes et nous allons nous battre pour cela", affirme à Batiactu Norbert Guillou, gérant de l'entreprise TPSL et président de la CNATP Morbihan (Chambre nationale des artisans des travaux publics et du paysage). Comme ses confrères, il s'est uni au aux agriculteurs "par solidarité" pour bloquer le dépôt pétrolier. "Nous défendons le même sujet, celui du GNR." Au total, une cinquantaine de représentants des travaux publics ont grossi les rangs de la mobilisation, qui devrait se poursuivre ces prochains jours. "Nous resterons une à deux semaines s'il le faut, tant que nous n'avons pas obtenu de réponses de la part du gouvernement", insiste le président départemental de la Chambre.
"Par solidarité" avec les agriculteurs
"Hier soir, les pêcheurs nous ont rejoints. Un nombre plus grand d'acteurs du BTP devrait se mobiliser aujourd'hui, ainsi que des chauffeurs de taxi et des représentants de la filière du transport routier", annonce-t-il. D'autres artisans ont, jeudi, rencontré le sous-préfet de Lorient. "Il les a entendus", précise Norbert Guillou. Désormais, l'homme appelle à un mouvement d'ampleur nationale. "La pression sera plus forte sur le gouvernement si tout le monde se rassemble autour de cette cause. Le gouvernement doit arrêter d'imposer autant de taxes. Tout le monde subit l'inflation, nous sommes pris à la gorge et ne pouvons plus augmenter les salaires de nos employés."
"Difficultés de trésorerie et carnets de commandes qui s'effondrent"
La présidente de la Chambre nationale, Françoise Despret, son secrétaire général David Lemaire et Norbert Guillou ont rendez-vous ce 26 janvier à Paris avec le conseiller technique fiscalité et prélèvements obligatoires du cabinet du président de la République et du Premier ministre pour discuter de ce sujet brûlant. "Lors de ce rendez-vous, nous comptons faire le point sur la conjoncture économique actuelle pour les artisans des travaux publics et du paysage. Cela sera l'occasion de parler des difficultés de trésorerie de nos entreprises et des carnets de commandes qui s'effondrent", témoigne David Lemaire, joint par Batiactu. "La crise actuelle pousse les grosses entreprises à se tourner vers les marchés privés, normalement couverts par nos petites entreprises."
Le secrétaire général de la CNATP ne cache pas son inquiétude face à un contexte économique difficile. "Nous avons récemment subi la hausse des prix des carburants et celle des matériaux." Concernant la suppression de l'avantage fiscal sur le gazole non routier, la Chambre se dit "opposée" à cette mesure et "attend des compensations". "Nous entendons le monde agricole et nous demandons à ce qu'il y ait équité sur les marchés, pour ne pas que le BTP soit le seul à subir la hausse de la taxe."
L'U2P réagit
L'Union des entreprises de proximité (U2P) indique "partager la revendication" de "vivre dignement de son métier et voir son travail reconnu à sa juste valeur" avec le monde agricole. Dans un communiqué, l'organisation patronale française réunissant cinq organisations, dont la CNATP et la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment), affirme que l'inquiétude des agriculteurs est "compréhensible". "Elle illustre un malaise général qui est ressenti par de nombreux professionnels représentés par l'U2P, et qui trouve sa source dans plusieurs sujets d'inquiétude et de mécontentement", comme les difficultés à recruter et à rembourser les prêts garantis par l'Etat (PGE), et "la multiplication et l'empilement des normes et réglementations". L'U2P appelle le gouvernement à "entendre le malaise des agriculteurs et de nos nombreux chefs de petite entreprise" en apportant une réponse "forte et immédiate".