ENTRETIEN. Le Gouvernement est au front pour soutenir les entreprises dans cette situation sans précédent, explique Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), contacté par Batiactu.

Batiactu : Depuis samedi, de nombreuses réunions ont lieu avec les pouvoirs publics pour trouver des solutions à la crise actuelle. Quels sont les différents points abordés ?

 

Jacques Chanut : L'objet des réunions de dimanche était de pouvoir permettre aux marchands de matériaux de pouvoir continuer à alimenter l'activité. Ces professionnels n'étaient pas compris dans la première liste des établissements autorisés à rester ouverts, ce qui a été finalement rendu possible dans la nouvelle liste publiée au Journal officiel ce matin [en effet, les "commerces de détail de matériaux de construction, quincaillerie, peintures et verres en magasin spécialisé" échappent pour le moment à la fermeture obligatoire, NDLR]. Nous souhaitons laisser le choix aux artisans et aux entrepreneurs de continuer, ou pas, leur activité. Nous avons également, avec la Capeb et la FNTP, réfléchi à des moyens d'envoyer nos salariés chercher du matériel chez les distributeurs en toute sécurité. Il y a une notion de régulation des flux.

 

Batiactu : Comment réagissent les maîtres d'ouvrage sur le terrain ?

 

Jacques Chanut : Certains ont bloqué les opérations, et refusent que nos compagnons viennent sur les chantiers. C'est notamment le cas de maîtres d'ouvrage publics, alors même que les pouvoirs publics souhaitent, pour le moment, que les chantiers continuent.

 

Batiactu : En cas de confinement plus rigoureux, qu'envisagez-vous pour le secteur ?


Jacques Chanut : Quel que soit le degré de confinement décidé, nous avons besoin de connaître le cadre de celui-ci, de manière très précise. Parce que plus nous y réfléchissons, plus nous percevons des points de détails et d'organisation à adapter : par exemple, deux compagnons peuvent-ils monter dans la même camionnette ? Et je pose également la question du dépannage d'urgence : ne faudrait-il pas maintenir certains services d'urgence, en cas par exemple de fuite d'eau ou de problématique de chauffage ? Ne voyez pas une critique dans mes propos par rapport à la stratégie gouvernementale, car nous vivons une situation sans précédent, et le Gouvernement est vraiment au feu sur tous ces sujets. Ils font le maximum. Mais force est de constater que nous découvrons de nouvelles subtilités toutes les heures.

 

Batiactu : Une fermeture pure et simple des chantiers est-elle à envisager ?

 

Jacques Chanut : C'est envisageable, mais le Gouvernement doit savoir que nous ne pourrons pas fermer un chantier d'une manière aussi simple et évidente qu'un restaurateur ferme son restaurant. Nous devrons en effet disposer d'une période allant de 24 à 48 heures pour effectuer la sécurisation du chantier, puis le fermer. Par quoi passe cette sécurisation ? Par exemple, installer des clôtures, retirer le matériel de chantier, ne pas laisser d'outils coupants, décoffrer ce qu'on a coulé la veille...

 

Batiactu : Comment les entreprises vont-elles tenir le coup durant cette période où l'activité se bloque ?

 

Jacques Chanut : Si l'activité est bloquée pour 15 jours, nous demandons des mesures fortes, comme la suppression (et non la seule suspension) des charges, de la TVA... Il nous faut tenir en attendant la reprise économique. Il nous faut éviter les dépôts de bilan dans les quinze jours, ainsi que les tensions psychologiques que cela pourrait créer chez certains chefs d'entreprise.

 

Batiactu : Comment voyez-vous la suite de cette crise, le moment de la reprise ?

 

Jacques Chanut : Nos entreprises mettront probablement des années à se remettre d'un tel choc. Il faudra lisser sur dix ans les sommes à rembourser, je pense notamment aux mensualités de crédit. Mais cela sera la préoccupation de demain. Aujourd'hui, la priorité, c'cest la survie économique des entreprises.

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