PLANÈTE. Après avoir marqué un ralentissement en 2014-2016, les émissions mondiales de gaz carbonique ont sont reparties à la hausse en 2017. Une tendance qui, si elle se poursuit, mènera à une hausse globale des températures moyennes de +3 °C à la fin du siècle, bien loin des objectifs internationaux de lutte contre le changement climatique.

Entre 2000 et 2010, les émissions mondiales ont connu une croissance moyenne de +3,2 % par an, qui s'est ralentie au cours de la décennie suivante. Cependant, en 2017, le rythme s'est tout de même établi à +1,6 %, au-dessus de la moyenne des années précédentes (+1,5 %), pour parvenir à un bilan planétaire de 36,1 milliards de tonnes relarguées dans l'atmosphère (sans compter environ 5 Mrds de tonnes causées par la déforestation). Or, le rapport du GIEC récemment publié indique que, pour avoir deux chances sur trois de parvenir à contenir le réchauffement global en-deçà de +1,5 °C, il ne restait comme quantité à émettre que 420 milliards de tonnes de CO2. Un rapide calcul montre qu'au rythme actuel, il ne reste qu'une dizaine d'années d'émissions, après quoi, il sera trop tard, le "budget carbone" sera épuisé pour le 21e siècle…

 

 

Or, les projections des scientifiques indiquent qu'en 2018, les rejets de CO2 issus de fossiles seront encore plus élevés (entre +1,8 et +3,7 %). Les données, publiées par le Global Carbon Project et obtenues grâce à la participation d'une trentaine de laboratoires mondiaux, montrent que les principaux contributeurs à l'effet de serre sont, sans surprise, les principales puissances démographiques et économiques de la planète. A savoir la Chine (9,84 Mrds de tonnes de CO2), les Etats-Unis (5,27 Mrds t) et l'Inde (2,47 Mrds t) dont l'empreinte carbone va encore croître cette année de respectivement +4,7 %, +2,5 % et +6,5 %... Le CEA note : "L'augmentation prévue des émissions aux Etats-Unis est probablement liée à un hiver 2017-2018 rigoureux et à un été 2018 très chaud". Mais la hausse des émissions en 2018 ne concerne pas que ces pays. La consommation mondiale de pétrole est en hausse (+1,4 % entre 2013 et 2017), "alors que le pic semblait atteint". Le secteur des transports serait le principal contributeur à cette évolution (+4 % du nombre de véhicules sur les routes et +2,7 % de consommation de kérosène par l'aviation commerciale en 10 ans). La consommation de gaz naturel est aussi en hausse continue depuis 2000 (+2 % par an), tendance qui est beaucoup plus marquée en Chine (+8,4 %) qui est en train de remplacer ses centrales à charbon par des usines à gaz. Corinne Le Quéré, professeur à l'université d'East-Anglia, commente : "Jusqu'à présent, la demande en énergie global continue de surpasser les efforts de décarbonation. En revanche, on observe l'émergence de changements, comme la montée en puissance des énergies renouvelables avec la chute de leur coût, et la décroissance rapide de l'utilisation du charbon dans certaines régions".

 

France : bonne élève mais attention au relâchement

 

Attention, l'Europe et la France ne sont pas blanches comme neige. Dans l'Union européenne, les émissions de dioxyde de carbone ont augmenté de +1,4 % entre 2016 et 2017. Elles devraient décroître légèrement en 2018 (-0,7 %). Dans l'Hexagone, les émissions ont diminué sur toute la dernière décennie (-12,5 %) grâce aux efforts entrepris sur le charbon, le pétrole et la production de ciment. Mais elles ont augmenté de +2 % entre 2016 et 2017, pour atteindre les 356 millions de tonnes (soit environ 1 % des émissions globales). Il convient toutefois de tempérer le propos : avec une population de 65 millions d'habitants, la France présente une empreinte CO2 per capita de 5,47 tonnes/an. Un chiffre qui se situe en-dessous de ceux de nos voisins immédiats : 5,86 t/habitant/an en Grande-Bretagne, 6,03 t/habitant/an pour l'Italie ou encore 9,74 t/habitant/an en Allemagne. La Pologne, organisatrice de la COP24 à Katowice, présente un bilan peu glorieux de 8,6 t/habitant/an. Et pourtant, le Vieux continent est beaucoup plus vertueux que d'autres puissances mondiales… Chaque Canadien émet en moyenne 15,9 tonnes de CO2 chaque année, ce qui est un peu moins que leurs voisins Américains (16,26 tonnes/an), et ce qui est beaucoup moins que les Australiens (17,2 tonnes/an) !

 

 

Le CEA s'est penché sur le rôle joué par les puits de carbone naturels que sont l'océan, la végétation et les sols, qui absorbent environ la moitié des émissions mondiales. "L'efficacité fluctue fortement d'une année sur l'autre", constatent les experts. Pendant les années sèches et chaudes, caractérisées par le phénomène climatique El Niño, l'absorption du CO2 atmosphérique est plus faible, ce qui a été observé en 2015 et 2016. Philippe Ciais, chercheur au laboratoire des sciences du climat et de l'environnement de l'Institut Pierre-Simon Laplace, ajoute : "En 2017, les puits de carbone naturels semblent avoir récupéré leurs fonctions (…) Cette 'récupération' globale par rapport à 2015-2016 semble avoir eu lieu principalement sur les continents tropicaux, là où les pertes de carbone avaient été les plus fortes lors de l'évènement El Niño". L'équilibre est donc précaire et la dynamique de hausse des émissions de carbone fossile pourrait venir accélérer la survenue d'événements climatiques mondiaux qui empêchent la planète de récupérer. Un cercle vicieux qu'il est urgent de stopper.

 

Emissions de gaz carbonique par pays en millions de tonnes (population en millions entre parenthèses) :
1. Chine 9.839 Mt (1.400)
2. Etats-Unis 5.270 Mt (324)
3. Inde 2.467 Mt (1.300)
4. Russie 1.693 Mt (144)
5. Japon 1.205 Mt (127)
6. Allemagne 799 Mt (82)
7. Iran 672 Mt (81)
8. Arabie saoudite 635 Mt (33)
9. Corée du Sud 616 Mt (51)
10. Canada 573 Mt (36)

17. Grande-Bretagne 387 Mt (66)
18. France 356 Mt (65)
19. Italie 356 Mt (59)

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