MONDIAL DU BÂTIMENT. La contrefaçon ne concerne pas seulement le textile et le parfum. Après deux ans d'efforts, la FFB retrousse encore ses manches et alerte ce mercredi les professionnels du secteur. Un chiffre à retenir : ce fléau ferait perdre en moyenne 1,5 milliard d'euros par an aux fabricants français du bâtiment. Explications et témoignages de fabricants.
Au Mondial du Bâtiment, un sujet pendant longtemps jugé tabou s'invite sur de nombreux stands : l'explosion des produits contrefaits dans le secteur de la construction.
Après les produits de luxe, le phénomène pernicieux de la contrefaçon s'étend au bâtiment depuis environ cinq ans. Robinets, carrelages, portes, panneaux solaires, et même les EPI comme les casques, les bottes ou les gants… sont impactés. "Ces produits non-conformes font perdre en moyenne 1 milliard d'euros par an aux fabricants français du bâtiment", nous signalent Gérard Boulanger, conseiller en charge du dossier contrefaçon et Séverin Abbattuci, directeur des affaires juridiques et fiscales à la FFB.
Le montant de la contrefaçon dans le secteur représentait 1,5 milliard d'euros en 2011 en volume. "Et tout porte à croire qu'il n'a fait que s'accroître", glisse le conseiller en charge du dossier. Et Séverin Abbattucci d'enfoncer le clou : "Il est important de lutter ensemble contre ce fléau dont les effets sont lourds de conséquences : mise en danger de la santé et de la sécurité des utilisateurs, dégradation de la qualité des ouvrages, augmentation des sinistres, atteinte à l'image de marque du secteur, concurrence déloyale mais aussi menace sur l'emploi".
Deux après ans avoir alerté les autorités et les professionnels du secteur (lien article 2012), la Fédération du bâtiment poursuit ses efforts. La preuve, en signant ce mercredi 4 novembre, sur son stand au Hall 5A une convention avec la Fédération des Industries Électriques, Électroniques et de Communication (FIEEC) et la Fédération des Industries Mécaniques (FIM).
"Cette démarche implique la sensibilisation des parties prenantes aux enjeux de la conformité aux normes, la formation des acteurs économiques de la filière (installateurs, distributeurs), et le renforcement des liens avec les administrations et autorités en charge des contrôles", ont rappelé les signataires de la convention, Jacques Chanut, président de la FFB, Richard Chery, président en charge de la contrefaçon-surveillance du marché de la FIEEC et Jean-Luc Joyeau, vice-président de la FIM.
Batimat 2013 : 12 entreprises chinoises fabricantes d'adhésifs contraintes de quitter le salon…
Lors de Batimat 2013, "12 entreprises chinoises fabricantes d'adhésifs avaient dû quitter le salon pour motif d'exposer des produits copiés ! Les services des Douanes avaient bien réagi", nous confie Gérard Boulanger à la FFB.Malgré cette prise de conscience, le phénomène est toujours là. En mars 2015, le groupe Terex a alerté sur la contrefaçon de ses grues sur chenille provenant de Corée du Sud et les douanes françaises ont saisi 182.000 détecteurs de fumée défectueux au Havre. Plus récemment, sur le salon Intermat qui s'est tenu du 20 au 25 avril, une saisie de matériel contrefait a été effectuée in situ.
"Il faut être sûr d'avoir les bonnes armes pour protéger notre marque", fabricant français Nicoll
"Il faut être sûr d'avoir les bonnes armes pour protéger notre marque", nous explique Charles Poisson, directeur R&D de Nicoll, fabricant français de produits en matériaux de synthèse notamment des pièces sanitaires et du bâtiment, basé à Cholet.
Le constat est clair : "On observe aujourd'hui de plus en plus de produits à copie identique. Ce sont surtout des mécanismes de WC importés de Chine. On note aussi des problèmes au Maroc avec les siphons, le vidage". En France, Nicoll observe des irrégularités dans le sanitaire et l'environnement.
La société qui dispose d'une politique industrielle fondée sur des actions de brevets n'hésite plus à aller plus loin. "Aujourd'hui, on ne laisse plus rien passer, ajoute Charles Poisson. Dès que l'on est copié, on attaque en justice. Sur six dossiers internationaux, trois d'entre eux sont saisis en ce moment par la Justice."
"300 millions d'euros pour lancer des brevets, 500.000 euros de frais pour copier !"
S'agissant du coût, il est très difficile d'estimer les pertes, reconnaît le fabricant. "Nous le voyons bien sur nos deux derniers projets : lorsque l'on dépense 300 millions d'euros sur la recherche et le développement, l'entreprise qui nous copie, va dépenser elle 500.000 euros".
De son côté, la Capeb Rhône appelle à la vigilance quant aux ventes sur le Web : "En France, les ventes sur internet représentent aujourd'hui 57 milliards d'euros dont près de 10 % (soit 5,4 milliards d'euros) pour les seules ventes du matériel de plomberie et de chauffage, un chiffre en croissance de + 15% par an", détaillait ces jours-ci la Capeb Rhône. Un constat partagé par la FFB : "Tout comme la Capeb Rhône, nous sommes très vigilants sur les contrefaçons issues des ventes des matériaux sur Internet." Cette inquiétude vise notamment les risques d'accidents que ce soit pour les utilisateurs-travailleurs ou les consommateurs. C'est pourquoi les organisations souhaitent mobiliser davantage les acteurs.
"Nous sommes là vraiment dans une manifestation malveillante d'organisateurs criminels qui n'hésitent pas à copier des produits non conformes", s'indigne la FFB. La lutte est belle et bien engagée...
Contrefaçon : deux distinctions juridiques à retenir
Il convient de distinguer en termes juridiques deux points importants :
La contrefaçon qui est une violation d'un droit de propriété intellectuelle par le fait de reproduire ou d'imiter (notion de plagiat). Par exemple, la reproduction d'un béton, sans en avoir le droit ou en affirmant ou laissant présumer que la copie est authentique.
La non - conformité concerne des produits qui ne répondent pas aux critères des cahiers des charges. Il s'agit par exemple, d'un ciment non conforme.