HABITAT INDIGNE. Quatre associations de lutte contre le mal-logement se sont joints ce mercredi dans un appel commun à destination de l'État et des collectivités. Elles réclament un plan national ambitieux de résorption de l'habitat indigne en France.
Malgré la reconnaissance "d'un constat, assez amer, d'une explosion de l'habitat indigne à mettre en corrélation avec une crise de logement", le drame marseillais semble être le coup dur de trop pour Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, initiatrice du cri d'alarme.
A ses côtés, ce mercredi 9 janvier 2019 lors d'une conférence de presse, la Soliha, l'Association nationale des compagnons bâtisseurs et le réseau Procivis qui ont ensemble appelé le gouvernement à "fixer des objectifs ambitieux" en matière de lutte contre l'habitat indigne, citant en exemple le vaste plan de rénovation thermique dans les logements lancé en 2010.
"60.000 logements rénovés par an, a minima" est le nouveau mantra des acteurs de lutte contre le mal-logement. Cet objectif chiffré est pour l'heure bien loin des résolutions actuelles de 10.000 à 15.000 logements rénovés par an, "pour seulement 78% des objectifs atteints en 2017", a déploré Christophe Robert, l'air grave.
L'habitat insalubre se reconstitue
Avec 600.000 logements potentiellement indignes - environ 1 million d'habitants - recensés par la Fondation Abbé Pierre, "cela impliquerait des efforts sur dix ans, un temps très long pour certains, mais l'action serait six fois plus forte que ce qui a été fait par le passé", assure le délégué général de la Fondation Abbé Pierre. Même en résorbant ce stock de logements précaires, la lutte contre l'habitat indigne risque de faire un pas en avant deux pas en arrière, "puisque l'habitat insalubre se reconstitue par de nouvelles formes : les caves, les garages ou la division pavillonnaire".
Dans ce plan national que les acteurs associatifs appellent de leurs vœux, d'anciennes mesures feraient leur retour à l'image de l'allocation logement "accession" supprimée dans la loi de finances 2018, une rehausse des APL, et "un recadrage social de la politique du logement" en poursuivant la production de logements sociaux et en encadrant les loyers en zone tendue.
Plus que des ambitions chiffrées, il est surtout question de leur application par les territoires, via un dispositif coercitif de contractualisation entre l'État et les collectivités. Ces dernières doivent également, selon Xavier de Lannoy, président de la fédération Soliha, "demander, alerter, et mettre en œuvre les moyens pour lutter contre ce grand silence de l'habitat indigne, qui est le dernier refuge pour ceux qui y vivent et qui se taisent".
Déshabillage des moyens
Les collectivités locales et territoriales accusent le coup d'une baisse de ressources et de dotations impactant peu à peu leurs services : "Il n'y a plus de personnel en nombre suffisant pour mettre en place et suivre les arrêtés de péril ou d'insalubrité", concède Xavier de Lannoy qui dénonce "un déshabillage des moyens". Car en filigrane, se pose aussi la problématique des moyens humains alloués à la résorption de l'habitat indigne.
Malgré une critique de la politique du gouvernement en matière de logement et de lutte contre l'habitat indigne, Christophe Robert assure "qu'il n'est pas question de dire que rien ne se fait ou que rien n'existe". Il regrette plutôt "l'insuffisance" des mesures, appelant plutôt à des dispositifs législatifs forts à l'image de la loi SRU, tout en reconnaissant que la loi Elan va dans le bon sens, en matière de sanctions envers les marchands de sommeil.
Au ministère du Logement, Julien Denormandie a fait valoir son bilan depuis un an et demi, dans la lutte contre l'habitat indigne. De la loi Elan à "Initiative copropriétés", le ministre a surtout insisté sur les marchands de sommeil, "à considérer comme des trafiquants de drogue, en les frappant au porte-feuille".
Une solution qui ne règlera pas tout, juge Christophe Robert, et qui ne se substituera pas "au travail de fourmi, presque cousu main, d' information et d'accompagnement des ménages, de détection des logements insalubres et de leur rénovation".
Drame de Marseille: la Fondation Abbé Pierre se porte partie civile
Le délégué général de la fondation pour le logement des personnes défavorisés Christophe Robert a confirmé cet après-midi l'information publiée par Franceinfo : il annonce que la Fondation Abbé Pierre a l'intention de se porter partie civile suite à l'effondrement des deux immeubles marseillais. "C'est la première fois que nous nous portons partie civile dans une information judiciaire contre X pour homicide involontaire", a fait savoir Christophe Robert.