RAPPORT. Pour les dirigeants de Real Estech, qui ont rendu leur rapport au gouvernement, 80% à 85% des travaux de construction pourraient être réalisés en usine. Les atout d'une telle industrialisation sont nombreux, mais des évolutions sont nécessaires, notamment d'un point de vue réglementaire.

Bernard Michel et Robin Rivaton, respectivement président et directeur général de Real Estech, association de promotion de l'innovation dans le secteur immobilier, ont été missionnés par Julien Denormandie, alors ministre chargé du logement, fin 2018, pour rédiger un rapport sur l'industrialisation de la construction. Sans surprise, ces deux militants de l'innovation considèrent que la construction hors-site est "une opportunité pour le secteur de la construction". Ce mode constructif, qui se distingue de la préfabrication par son caractère industrialisé, s'inscrit par ailleurs "pleinement dans la logique de performance recherchée par la RE2020".

 

Pour les auteurs du rapport, qui l'ont remis ce mois-ci à la ministre de la transition écologique, deux constats sont à faire sur le secteur de la construction. Premièrement, il est "atomisé, aux faibles marges, investit peu et innove peu". Deuxièmement, il subit "une complexité grandissante dans la construction, une augmentation des coûts, du non-respect des délais et une baisse de la qualité".

 

80% à 85% des travaux de construction pourraient être réalisés en usine

 

Face à cela, la construction industrialisée "présente de nombreux atouts", expliquent les auteurs. Elle permet "de mieux contrôler la qualité, de réduire les coûts de construction, et de réduire les délais notamment grâce à la production et à l'assemblage en usine". Ainsi, "80 à 85% des travaux pourraient être réalisés en usine", alors qu'actuellement c'est à peine 10%. Dans le détail, cette solution permet de conduire simultanément des phases qui, traditionnellement, sont réalisées successivement sur un chantier, et donc de réduire les coûts. La production en usine garantit en outre une qualité constante, ce qui peut également avoir un effet positif sur l'occurrence de sinistralités. Un autre atout, enfin, consiste en la réduction des nuisances en phase chantier.

 

Le hors-site est également une opportunité pour développer des innovations industrielles en France, pouvant faire émerger des techniques constructives durables, à un coût carbone maîtrisé, explique le rapport, avec des exemples d'utilisation du bois, ou encore du recyclage. Plus généralement, "la construction industrialisée permet de construire plus durablement en raison de sa capacité à rationaliser les ressources et à évoluer".

 

Pour favoriser l'industrialisation, trois types de transformations sont à accompagner :
- conception et suivi numériques ;
- sites de production centralisés et automatisés ;
- méthode de gestion de la production et assemblage au plus juste.

 

Ainsi, le développement de ce mode constructif est à allier à une utilisation massive des technologies numériques (dont le BIM), expliquent Bernard Michel et Robin Rivaton. Par ailleurs, des financements sont nécessaires, pour créer le maillage industriel de production sur l'ensemble du territoire et soutenir l'émergence d'un marché. Enfin, plusieurs évolutions législatives sont indispensables.

 

Calculer le "juste coût" de la construction

 

Le rapport formule donc 14 propositions afin de favoriser et améliorer l'offre du hors-site. Ces propositions sont organisées autour de cinq enjeux. Le premier est celui de "révéler le juste coût de la construction". En effet, les avantages ex-post du hors site "ne peuvent être valorisés que si le juste coût de la construction est connu lors du choix des promoteurs dans les zones d'aménagement concerté et pour les fonciers publics". Celui-ci comprend à la fois le coût de la construction et celui de l'exploitation.

 

Le deuxième enjeu est la nécessité d'encourager l'innovation industrielle, en créant par exemple "un référentiel de certification pour les éléments préfabriqués dérogatoire du dispositif standard appliqué aujourd'hui pour les avis techniques sur les matériaux" car ce dernier est "trop long, requiert des expertises multiples et se révèle trop coûteux".

 

Révision de la loi Mop pour faciliter la solution hors-site

 

Troisième enjeu : améliorer l'accès à la commande publique. Pour cela, le rapport préconise de réviser la loi Mop "en étendant les critères de dérogation pour passer un contrat de conception-réalisation au recours à un processus de construction industrialisée dont au moins 90% de la production (en valeur) a été réalisée dans un site de production en France".

 

L'autre changement juridique nécessaire, selon les auteurs, concerne les contrats de construction de maisons individuelle, qui contraint aujourd'hui le choix et s'avère un frein à la construction hors-site. Enfin, la structuration de la filière de la formation initiale et continue est le dernier enjeu. Sur l'ensemble des secteurs industriels, les besoins en recrutements "devraient dépasser 200.000 personnes par an dans les prochaines années", rappellent les talents. Or l'industrie peine à attirer les talents.

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