Grâce aux progrès techniques, aux évolutions de réglementation et à l'amélioration de sa perception, la construction bois devrait changer d'échelle et passer de marché confidentiel à offre alternative évidente. Le cabinet Xerfi livre son analyse et dresse les perspectives à l'horizon de 2020.
Le marché français de la construction bois s'apprête-t-il vraiment à changer d'échelle ? Déjà, en 2015, le cabinet Xerfi promettait au secteur de la maison individuelle en bois un avenir radieux. Pourtant, ce matériau a cédé des parts de marché pour tomber à moins de 9 % en 2016. Et dans le logement collectif, il ne représente que 4 % des réalisations neuves. Quelles sont désormais les perspectives des professionnels du bois dans les années qui viennent ?
Dans la nouvelle étude "Le marché de la construction bois" (*), les analystes en sont sûrs cette fois : la construction bois va sortir de sa niche et décoller au niveau national. Car, pour l'heure, cette activité est encore fortement régionalisée dans les zones historiques que sont l'Auvergne-Rhône-Alpes, la Nouvelle Aquitaine et le Grand Est. Et elle reste cantonnée à des chantiers de petites dimensions, comme des surélévations-extensions qui représentent environ un tiers des opérations. Mais, comme le note Guillaume Retour, l'auteur, "le principal obstacle au développement des constructions bois semble enfin levé". En plus des progrès des techniques d'utilisation du lamellé-collé et du lamellé-croisé, dont la résistance mécanique est suffisante pour envisager de grandes structures, il cite la volonté nouvelle des bailleurs et promoteurs de privilégier ces modes constructifs afin d'anticiper les évolutions réglementaires. En effet, l'apparition du label E+C- avec la prise en compte de l'impact carbone, devrait créer un appel d'air vers le bois, seul matériau capable de séquestrer du CO2 au lieu d'en émettre. L'étude Xerfi souligne : "La production d'éléments en bois pour la construction nécessite quatre fois moins d'énergie fossile que le béton et 130 fois moins que l'aluminium".
La préfabrication gagne en importance
Pour ses défenseurs, le bois présente d'autres avantages, dont des performances thermiques intéressantes ou une facilité de mise en œuvre liée à sa légèreté et à la possibilité de préfabriquer des éléments en usine. L'assemblage sur site se révèle ensuite rapide et sans nuisance pour le voisinage. Les pouvoirs publics ont donc décidé de lancer la troisième étape du Plan Construction Bois, pour la période 2017-2020. Il sera, cette fois, "résolument tourné vers l'accompagnement des besoins de la maîtrise d'ouvrage", en accroissant les connaissances des bureaux d'études, bureaux de contrôle et assureurs afin de leur donner confiance dans les solutions techniques les plus récentes. Il est notamment prévu que "le procédé de construction en préfabrication" soit intégré au code de la Construction et de l'habitation. Xerfi ajoute : "Parallèlement, une nouvelle grille de paiement devrait être adoptée dans le cadre de contrats de construction de maisons individuelles. Jusqu'ici les CMIstes en bois étaient soumis à la règle générale qui institue un paiement progressif à mesure de l'avancement du chantier". Un problème pour des industriels dont les coûts sont concentrés en phase de préfabrication.
L'étude évoque l'autre problème récurrent : le manque de structuration de la filière, pointé du doigt depuis des décennies. Outre le morcellement de l'exploitation forestière, l'analyste Guillaume Retour souligne le manque de compétitivité des 2.000 entreprises françaises du secteur en raison de leur petite taille et de leur manque d'intérêt pour la construction bois qui représente moins de la moitié de leur chiffre d'affaires. Mais, face à l'évolution de la demande, "les principaux promoteurs immobiliers et les leaders du bâtiment devraient toutefois rebattre les cartes en participant à la structuration de l'offre, à court et moyen terme". Xerfi donne les exemples de Nexity, qui a pris le contrôle de Térénéo à la fin de 2014, d'Eiffage qui a créé une entité Construction Bois agissant comme une entreprise générale en juin 2017, Vinci qui mise sur sa filiale Arbonis, ou Cougnaud et son acquisition de Guillet Production.
L'effet IGH bois pour attiser l'envie
L'impulsion viendra également de la sortie de terre de 36 immeubles de moyenne et grande hauteur en bois, un peu partout dans l'Hexagone. Ils serviront de démonstrateurs technologiques et "par la même occasion [de] vitrine grand format auprès du grand public, des maîtres d'ouvrage et des prescripteurs". Des partenariats se créeront à cette occasion, tout comme l'Alliance Internationale Woodrise, lancée à Bordeaux au mois de septembre dernier favorisant les synergies internationales, les échanges de connaissances et l'adoption de bonnes pratiques, en capitalisant sur l'expérience engrangée.
Selon l'analyste de Xerfi, la profession devra porter son attention sur le renforcement de l'industrialisation/automatisation des procédés qui aura une incidence majeure sur les coûts de construction, par le jeu des économies d'échelle. Une stratégie qui nécessite des investissements en capitaux, comme l'ont fait des acteurs amont comme Swiss Krono ou Vosges Lam. L'étude signale également la conclusion d'un partenariat entre le constructeur de maisons individuelles IGC et la société Panomur, pour l'utilisation d'un mode de préfabrication breveté, avec à la clé un investissement de 450.000 euros dans un site de production dédié. Sur ce segment des maisons, les spécialistes entrevoient une arrivée du bois en "entrée de gamme" grâce à des maisons en kit (Becokit, Honka, Ecokit). L'entreprise Ossabois (groupe Bouygues) a ainsi lancé une offre en maisons groupées à partir de 930 €/m².
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Selon Guillaume Retour, le salut viendra de deux autres segments : le logement collectif, y compris le social et les résidences étudiantes qui représentent d'importants marchés à venir, et le non-résidentiel, qui conduiront "l'ensemble de la filière de la construction bois sur le chemin de la croissance". Optimiste, il conclut : "Avec des prescripteurs (architectes et autres professionnels du bâtiment) et des maîtres d'ouvrage (promoteurs, collectivités, sociétés HLM) de plus en plus sensibles aux atouts du bois, mais aussi une filière plus structurée, les principaux ingrédients sont en passe d'être réunis pour assister au décollage du marché". Le bois s'implantera-t-il durablement dans le paysage du BTP français ?
(*) "Le marché de la construction bois - Nouveaux bâtiments, industrialisation des procédés, amélioration de la visibilité : quelles perspectives pour les acteurs à l'horizon 2020 ?", groupe Xerfi