RÉACTIONS. Après la validation par le Gouvernement du prélèvement à la source à compter du 1er janvier 2019, les réactions des organisations professionnelles ne se sont pas faites attendre. C'est la déception qui l'emporte.
Le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu (PAS) sera bien appliqué à compter du 1er janvier 2019, comme Edouard Philippe l'a confirmé le 4 septembre. Une forme de défaite pour les organisations professionnelles du BTP et des TPE-PME, qui n'ont pour l'instant pas réussi à convaincre les pouvoirs publics sur les contraintes administratives et sociales que vient faire peser ce dispositif sur les petites structures.
Un "transfert de coût sur les entreprises"
Le Premier ministre défendait le dispositif en estimant qu'il n'apporterait pas de difficulté majeure dans son application, rappelant que la TVA était un impôt déjà prélevé par les entreprises. Mais Alain Griset, président de l'Union des entreprises de proximité (U2P), lui a répondu, le 5 septembre au matin, sur LCI. "Le taux de TVA est un taux stable, bien connu, alors que celui de l'impôt sur le revenu est soumis à des variations selon l'évolution de la vie des salariés", a-t-il affirmé. "Ceux-ci viendront poser des questions sur leur taux. Le PAS, c'est le transfert du coût de l'administration sur les entreprises." Le président de l'U2P précise qu'il continuera d'échanger avec le Gouvernement d'ici janvier 2019, dans la mesure où le PAS tel qu'il est envisagé n'est "pas adapté aux TPE".
"Les décideurs ne connaissent pas grand chose à la vie quotidienne de nos entreprises"
La comparaison avec la TVA n'est pas du goût, non plus, de Patrick Liébus, président de la Capeb, contacté par Batiactu. "Cette idée prouve à quel point les décideurs ne connaissent pas grand chose à la vie quotidienne des petites entreprises", se désole-t-il. "La TVA est un impôt très simple à prélever, et il n'est pas question d'entrer dans la vie privée de qui que ce soit en le faisant, contrairement au PAS. En tout cas, je souhaite bien du bonheur aux centres des impôts à partir de janvier prochain. Car il y aura bien sûr des soucis techniques. Il y a déjà des problèmes dans la mise en œuvre de la déclaration sociale nominative, sachant que de nombreux artisans sont en zone blanche, sans accès au haut débit."
Appel à la création d'un crédit d'impôt
Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB) a aussi exprimé des doutes sur la mise en œuvre technique du PAS, et appelle également à la création d'un crédit d'impôt "car le prélèvement à la source va créer des coûts supplémentaires pour nos artisans et entrepreneurs".
La Confédération des PME (CPME) est au diapason, déplorant le fait que "entrepreneur rimera avec percepteur". "La CPME ne s'explique toujours pas cet acharnement à vouloir faire jouer aux entreprises un rôle qui n'est pas le leur, qui plus est sans aucune compensation. [...] Quoi qu'il en soit la Confédération des PME continuera, comme elle le fait déjà, à accompagner les entreprises en leur communiquant toutes les informations nécessaires."
Les TPE craignent des tensions sociales liées au PAS
Enfin, le Syndicat des indépendants (SDI) n'est pas en reste, puisqu'il dénonce une "erreur historique lourde de conséquences pour les artisans, commerçants et responsables d'entreprises de moins de 20 salariés". Le SDI a d'ailleurs publié une enquête sur le sujet, réalisée du 30 août au 1er septembre auprès de 740 entreprises de moins de 20 salariés. "61% des TPE craignent l'impact sur leurs relations avec leurs salariés", en ressort-il notamment. "La question de l'éventuelle revendication salariale suite à la baisse optique du revenu net reste toujours pendante : la fiche de paie et sa modification (net avant PAS vs net après PAS) représentent des éléments intéressants sur un plan intellectuel mais, factuellement, le salarié s'intéresse d'abord à son disponible mensuel tel qu'il est versé sur son compte bancaire." Seulement 7,9%, d'après l'enquête, des patrons de TPE conseillent au président de la République de mettre en place le PAS au 1er janvier 2019.
La CPME prend toutefois acte de la décision gouvernementale, en invitant ses adhérents à "éditer des bulletins de paie 'à blanc' dès que possible pour s'assurer de leur conformité et corriger les éventuels dysfonctionnements avant le 1er janvier 2019".
"Nous allons consulter les représentants des entreprises de proximité afin de définir l'attitude à adopter face à cette confirmation du transfert aux entreprises de la charge de la collecte de l'impôt sans aucune compensation financière", avertit de son côté Alain Griset (U2P).
"La FFB salue néanmoins l'extension aux réductions d'impôt sur l'investissement locatif (Pinel, Scellier, Censi-Bouvard...) de l'acompte au 15 janvier, initialement réservé au crédit d'impôt aide à domicile", explique l'organisation dans un communiqué. "De plus, son doublement de 30 à 60% est un signal positif en faveur de l'extension du parc locatif privé, alors que les besoins restent très forts."