CONJONCTURE. Bâtiment, construction, promotion immobilière... Dans tous les secteurs, les indicateurs sont presque tous à la baisse au troisième trimestre 2023. Dans le neuf, les mises en chantier et la commercialisation atteignent des niveaux historiquement bas. Et dans l'ancien, la baisse du nombre des transactions continue et celle des prix se confirme. Zoom sur des chiffres qui donnent le vertige.
A-t-on touché le fond ? La note de conjoncture du commissariat général au développement durable publiée le 9 janvier 2024 ne le dit pas, mais montre que la dégringolade de l'activité s'est poursuivie, une fois de plus, au troisième trimestre 2023.
Dans le neuf, le nombre de logements autorisés (88.000 au troisième trimestre) perd -5,3% par rapport au trimestre précédent pour s'établir à 22% en dessous de la moyenne des cinq dernières années (114.000). Ce repli touche aussi bien l'individuel (-4,4%) que le collectif (-5,9%). La baisse du nombre de mises en chantier (-8,1%) continue sa décélération pour le 7ème trimestre consécutif dans l'individuel (-9,6%) comme dans le collectif (-8,1%). "Avec 67 400 logements commencés, les ouvertures de chantier atteignent leur niveau le plus bas depuis le début de la série au premier trimestre 2000", remarque Benoît Mathieu, auteur de la note de synthèse du SDES, le service statistique des ministères chargés de l'environnement de l'énergie, de la construction, du logement et des transports. Sur un an, les nombres d'autorisations et d'ouvertures de chantier (369.300) chutent de -28,7%, à leur plus bas niveau depuis un quart de siècle, soit le troisième trimestre 1998.
Ventes de logements neufs : -40% sur un an
Les ventes de logement neuf aux particuliers (16.200 au 3ème trimestre 2023) poursuivent également leur repli rapide, pour le 6ème trimestre consécutif. Sur un an, il atteint 40%. Seules les annulations de réservation sont à la hausse (24%) et retrouvent le niveau du deuxième trimestre 2020, au moment du premier confinement… Résultat, l'encours de logements neufs proposés à la vente atteint 131.400 logements. Leur délai d'écoulement est désormais au plus haut à 23 mois, près du double de son niveau un an plus tôt ! Pour les maisons, les délais dépassent même désormais les deux ans, à 27 mois en moyenne. Seules les ventes de logements aux institutionnels sont à la hausse : 13.700 ventes en bloc ont été enregistrées au troisième trimestre 2023 (+20,5% par rapport au trimestre précédent). Cette meilleure tenue des ventes aux institutionnels doit beaucoup aux grosses opérations de livraisons de résidences de "coliving". Les acquisitions par les bailleurs sociaux sont également en hausse, mais de manière plus modeste : +3,2% par rapport au trimestre précédent après +11,8%.
Dans ce contexte de fort ralentissement des ventes, les prix de commercialisation des logements neufs se stabilisent : ils n'ont crû que de +0,2% sur un an, après +1,9% et +4,5%.
Dans l'ancien, un volume de transactions au plus bas depuis six ans
Le nombre de transaction de logements anciens continue de chuter : -7,3% au troisième trimestre 2023 avec -6,4% et 4% aux deuxième et premier trimestres. Sur un an, le volume de transactions (928.000) dévisse de -18,5%. Même repli pour le prix des logements : sur un an, ils baissent de -1,9% au niveau national, une première depuis 2015. En province, la baisse est limitée (-0,6% sur un an) tandis qu'elle s'amplifie en Ile-de-France (-5,4% en 2023 après -2% en 2022).
Taux d'intérêt au plus haut, crédits nouveaux au plus bas
La hausse des taux d'intérêt explique en partie ce recul des transactions et des prix ; au troisième trimestre 2023, le taux fixe moyen des crédits à l'habitat a encore augmenté de 0,40 point après +0,52 point et +0,45 point aux deux trimestres précédents. Il atteint désormais 3,28%, soit près du triple de sa valeur deux ans plus tôt (1,12%) et retrouve ainsi son niveau de 2014. Est-ce un début d'inversement de tendance ? La durée initiale moyenne des crédits immobiliers a fléchi d'un petit mois au troisième trimestre 2023 après deux trimestres consécutifs de hausse, à 264 mois. Sur un an, elle s'est cependant allongée de quatre mois. La production de crédits nouveaux à l'habitat -34,9 milliards d'euros- chute à son plus bas niveau depuis fin 2014 et l'encours de crédits s'élève à 1.293 milliards d'euros. Les demandes de crédits continuent de reculer selon les établissements bancaires interrogés par la Banque de France. Ces derniers continuent de durcir leurs conditions d'octroi de crédit.
Activité immobilière et bâtiment continuent de perdre des emplois
L'activité immobilière enregistre une baisse de l'emploi salarié de 5.600 postes sur les deux derniers trimestres, d'une ampleur inédite depuis 2008-2009. Les défaillances d'entreprises ont cependant été moindres au troisième trimestre 2023 (-12% soit 429 dépôts de bilan) après deux trimestres consécutifs de hausse (+13% et +15%). Le secteur de la construction voit aussi le nombre de ses emplois salariés fléchir de -0,3%, comme au trimestre précédent. Idem dans le bâtiment qui a perdu 10.500 emplois depuis fin 2022 : le nombre d'emplois salariés est redescendu à 1.406.700 à la fin du troisième trimestre 2023. Seuls les effectifs du secteur du génie civil se stabilisent (-0,1%) après un léger rebond (+0,3%) au second trimestre 2023.
Carnets de commande : les perspectives d'activité sont dans l'entretien
Tous ces indicateurs augurent-ils d'une nouvelle dégradation des perspectives d'activité ? En grande partie oui, mais le jugement sur les carnets de commande demande à être nuancé. Dans le secteur de la promotion immobilière, l'horizon semble bouché : l'opinion des promoteurs sur la demande de logements est à son plus bas niveau... depuis 1991 ! Dans le bâtiment, les perspectives d'activité se dégradent dans le neuf selon les entrepreneurs interrogés. Le solde d'opinion sur les carnets de commandes dans le bâtiment est en net recul au troisième trimestre 2023 (-15 points). Seules les perspectives d'activité dans l'entretien et l'amélioration se maintiennent : une éclaircie dans un ciel très sombre.