REGLEMENTATION. Le premier ministre, Edouard Philippe, a assuré le 30 mai que le compte pénibilité serait simplifié d'ici la fin de l'année 2017. Mais le principe de pénibilité ne sera pas remis en cause. Explications.

Lors de son intervention au journal de 20 heures, le mardi 30 mai, le premier ministre Edouard Philippe n'a pas évoqué de "moratoire" sur le compte pénibilité, comme il l'avait fait le 29 mai auprès de François Asselin, président de la CPME. Volonté de ne pas froisser les syndicats avant le début des négociations sur la réforme du droit du travail ? Quoi qu'il en soit, il a assuré que le dispositif serait simplifié.

 

"La pénibilité est un droit qui a été reconnu et qui est parfaitement justifié", a-t-il affirmé. "Nous ne remettrons pas en cause ce principe et les droits acquis depuis la mise en oeuvre du compte. Toutefois, un certain nombre de critères pénibilité sont assez difficiles à mettre en oeuvre par les entreprises, et font peser sur elles une complexité redoutable." Ainsi, le gouvernement se donne "jusqu'à la fin de l'année" pour mettre en oeuvre un compte pénibilité plus simple à appliquer.

 

"Tenir compte de l'aspect physique de certains métiers, mais d'une autre façon", Patrick Liébus (Capeb)

 

Cette inflexion des pouvoirs publics satisfait notamment Patrick Liébus, président de la Capeb. "Cela montre que le président de la République et le premier ministre ont compris ce que l'on affirme depuis des années, à savoir que ce compte pénibilité tel que nous le connaissons actuellement est une mauvaise idée", affirme-t-il auprès de Batiactu. "A présent, il s'agit de se mettre autour de la table et d'envisager l'avenir de ce dispositif. Selon nous, il faut tenir compte de l'aspect physique de certains métiers, mais d'une autre façon."

 

La Capeb invite ainsi à la création de "conseils de sages" territoriaux, composés notamment de médecins du travail et de membres des syndicats et d'organisations professionnelles. "Ces commissions statueraient sur des demandes anonymes de départ à la retraite anticipé ou de formation", explique Patrick Liébus. L'organisation rencontrera très prochainement Muriel Pénicaud, nouvelle ministre du Travail, pour notamment échanger là-dessus.

 

Quid du financement du prochain dispositif ?

 

Pour ce qui est du financement du dispositif, Patrick Liébus propose une cotisation "minuscule" qui toucherait l'ensemble des entreprises (privées et publiques), et non pas seulement les entreprises dans lesquelles sont exercés des métiers dits "pénibles". "Cela correspondrait aux objectifs de justice et de solidarité", affirme-t-il.

 

Le président de l'organisation professionnelle rappelle, quoi qu'il en soit, que la priorité, pour les artisans du bâtiment, restera toujours celle de la prévention. "Les pouvoirs publics doivent continuer à nous laisser travailler sur ces sujets, à produire nos mémos pénibilité, fiches, dossiers, actions de sensibilisation, justement pour éviter aux salariés d'arriver à des situations sans retour sur le plan de la santé." Le compte pénibilité a souvent été critiqué par les patrons, notamment parce que le temps et l'argent consacré à son application serait autant de ressources en moins affectées au travail de prévention au quotidien.

 

"Dans le BTP, il y a des milliers d'invalidités dues au travail"

 

Du côté de la CGT construction, on reconnaît que le compte pénibilité existant est une "usine à gaz". Mais Serge Pléchot, chargé du sujet au sein de l'organisation, en appelle à "ne pas baisser les bras". "Il faut une négociation formelle dans les branches avec des avancées significatives, donnant aux salariés concernés une perspective de retraite anticipée à 55 ans, en bonne santé", explique-t-il à Batiactu. "Je rappelle que dans le BTP il y a un accident toutes les cinq minutes et un mort par jour travaillé en moyenne, et plusieurs milliers d'invalidités dues au travail."

 

Réforme du droit du travail : des ordonnances "avant la fin de l'été"

 

Edouard Philippe a également donné des détails sur le calendrier de la réforme du droit du travail. "Nous donnerons la semaine prochaine un cadre à la discussion, le champ concerné par la négociation", a-t-il affirmé. "Nous présenterons en juillet devant le parlement sorti des urnes une loi d'habilitation qui sera discutée par les parlementaires, puis nous publierons avant la fin de l'été des ordonnances qui intégreront le fruit de nos discussions."

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