En France, l'innovation semble en panne. En cause, des délais de mise sur le marché longs, coûteux et administrativement lourds. Afin d'y remédier, les acteurs de la construction souhaitent une remise à plat des process, une idée que vient de reprendre Cécile Duflot.
Le domaine du bâtiment et des technologies qui sont employées dans la construction en général, évolue en permanence. Pourtant, les acteurs du secteur ont parfois le sentiment que certaines démarches pour obtenir une autorisation de mise sur le marché ou de mise en œuvre expérimentale sont encore lourdes, longues et coûteuses. C'est ce qui est ressorti d'une table ronde organisée lors du Congrès Ecobat 2014, qui s'est déroulée la semaine dernière.
Le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, autorité en la matière, fait face à un nombre croissant de demandes de procédures de type Avis Technique (AT) : "Les demandes sont passées de 200 par an à 800 en quelques années. L'explication est la suivante : les innovateurs, afin de concrétiser leurs projets, doivent impérativement trouver un marché et des acteurs souhaitant utiliser leurs nouveaux produits. Or ces acteurs veulent des preuves de confiance, et surtout être certains qu'ils ne causent pas de sinistralité. C'est le fondement du besoin de vérification-évaluation par une tierce partie", précise Christophe Morel, directeur adjoint des partenariats techniques au CSTB.
Une innovation qui toussote
Une situation qui oblige l'instructeur de cette demande d'avis technique à présenter le dossier devant un collège d'experts. Bernard Cosnier, le directeur R&D d'Alkern déclare : "Obtenir un AT est un peu compliqué, cela rajoute un délai à la mise sur le marché". Guillaume Dethan, expert construction durable chez BASF, surenchérit : "Les assureurs veulent un avis technique ou un ATex. Mais les procédures sont longues et chères : dépenser entre 25.000 et 50.000 € et un délai de deux ans, constituent une barrière. Cela fait tousser l'innovation". Car dans le bâtiment, contrairement à de la construction en série comme dans l'automobile ou l'aéronautique, les volumes sont beaucoup plus réduits. "C'est un chantier à la fois. Il faut convaincre, pour chaque projet, le maître d'œuvre ou l'entreprise pour qu'il choisisse le nouveau produit… Et sur les deux ans de procédure pour un AT, il n'y a que 6 mois d'études réelles, le reste du délai étant davantage lié à l'engorgement des services… Un organisme de médiation accompagnant les entreprises dans leurs démarche serait la solution", estime Guillaume Dethan.
Former les professionnels à la mise en œuvre des nouveaux produits
Pour le CSTB, Christophe Morel répond : "Nous sommes parfois perçus comme le censeur, empêchant la mise en œuvre de certains produits. On nous donne le mauvais rôle. Nous travaillons à sensibiliser les innovateurs très en amont de la phase de R&D de leurs produits, afin d'intégrer au plus tôt cette perspective d'évaluation du produit". L'important serait donc que l'industriel s'appuie sur un plan adapté afin de choisir la bonne évaluation à demander au moment le plus opportun. "Cécile Duflot a demandé au CSTB de signer des partenariats avec différentes plateformes régionales d'ici à la fin de 2015, comme ce qui a déjà été fait avec le FCBA (initiative Synerbois)", poursuit le directeur adjoint, une démarche qui pourrait permettre d'accélérer les processus d'avis technique. "Le développement de nouveaux produits demande en tout cas des reins solides afin d'assurer un business plan qui s'étale sur 5 ans dont 3 ans en R&D et 2 ans de démarches, avant les premières ventes potentielles", souligne Guillaume Dethan qui soutient que le marché du bâtiment ne serait pas ouvert aux petites start-ups.
Outre ce frein, lié au temps et au coût, le CSTB explique qu'un autre écueil existe : "Nous voyons passer des produits sophistiqués mais le gain présupposé se joue lors de la mise en œuvre. Une garantie de performance de cette étape se pose alors comme question". Une position qui rejoint celle du directeur R&D d'Alkern : "Il faut former la main d'œuvre et les entreprises à la mise en œuvre des nouveaux produits. Les accompagner est important car l'innovation n'ira pas loin si son utilisation est ratée et qu'elle accroît les risques de sinistralité", conclut Bernard Cosnier. L'évolution des règles de l'art de façon plus rapide ferait partie des priorités selon l'expert de BASF : "C'est un vrai sujet. Certaines règles de l'art n'ont pas bougé depuis 25 ans. L'ITE est encore considérée comme une technique non conventionnelle !". La pertinence des programmes RAGE et RGE est donc totalement d'actualité.