SALON. Intelligence artificielle, Big data, robots, objets connectés… Toutes ces technologies impactent le secteur de la protection physique privée. Jean-François Sol-Dourdin, le directeur de la division Gestion des Risques de Reed Exposition France, qui organise le salon Expoprotection au mois de novembre 2018, analyse les effets insoupçonnés de cette révolution.
Les marchés de la sécurité privée, qui incorporent les risques professionnels et industriels ainsi que la prévention des actes de malveillance, se portent bien. Les enjeux de sûreté et de santé au travail s'avèrent très porteurs. Jean-François Sol-Dourdin, qui organise le salon Expoprotection à la porte de Versailles du 6 au 8 novembre prochain, fait le point sur les tendances de ces secteurs : "Le secteur de la sécurité incendie est un secteur mature, verrouillé, qui bouge peu et évolue moins vite que les autres, en restant très lié à la réglementation". Pour lui en revanche, celui de la santé-sécurité au travail est en pleine expansion, porté par la question de la prévention et gestion des risques.
"La révolution digitale aura des répercussions innombrables et drastiques", fait-il valoir. Au-delà des questions d'informatisation et de cyber-sécurité, les innovations - dont plus de 300 seront présentées sur le salon - s'appuient désormais sur tout un panel de technologies numériques. Ainsi, les solutions proposées devront communiquer pour s'insérer dans les prochaines "smart cities" ou dans les "industries du futur", qui font la part belle à l'automatisation. Les mutations sont nombreuses : e-santé, mobilités nouvelles, ubérisation de l'économie, privatisation de la sécurité en substitution au régalien… "Il y a une nouvelle cartographie des risques, avec des menaces toujours en avance, ce qui en fait une affaire de spécialistes", détaille Jean-François Sol-Dourdin, qui pointe des manques en termes de formation, de certification et de compétences.
Internet des objets et équipements connectés
Il évoque tout d'abord le problème - incongru mais réel - de "sécuriser les solutions de sécurité" en tout premier lieu. En effet, les équipements connectés telles les caméras de vidéosurveillance constituent aujourd'hui des points d'entrée privilégiés pour les hackers. Le spécialiste raconte : "Le risque zéro n'existe pas, mais la menace prend toujours le chemin nécessitant le moins d'efforts et évite les points qui présentent la moindre résistance". D'où l'intérêt de mettre en place des mesures de prévention, même basiques.
Le directeur de la division Gestion des risques de Reed Exposition France poursuit, sur les équipements de protection individuels : "Sur le salon, il y aura beaucoup d'EPI, qui représentent une grosse partie du business, avec une forte représentation italienne". Il note l'apparition d'EPI connectés qui seraient même appelés à se généraliser dans les années qui viennent. Jean-François Sol-Dourdin anticipe même le développement de textiles intelligents, qui intégreront à la fois les fonctions de production d'énergie et de connectivité, qui rendront obsolètes les équipements accumulant différents composants rapportés. Rappelons que plusieurs startup françaises travaillent sur des EPI intelligents, comme CAD.42 ou l'Ideas Laboratory de Grenoble. L'organisateur du salon Expoprotection souligne également que l'apparition des exosquelettes pourrait, tout en soulageant certains travailleurs en corrigeant leur posture et en démultipliant leurs capacités, également constituer une source de risques nouveaux, non encore totalement appréhendés.
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La réglementation, un frein ou un bouclier ?
Le digital devrait également bouleverser le secteur assuranciel, comme le révèle l'expert : "Dans une société où l'on sait tout, grâce au Big data, et où on peut calculer finement le risque individuel, grâce à l'intelligence artificielle, c'est tout simplement la fin de la mutualisation des risques. Et donc l'explosion des coûts pour certains !". Seul rempart contre cette dérive, selon Jean-François Sol-Dourdin, la réglementation qui restera garante d'une certaine égalité entre les assurés. Toutefois, cette même réglementation connaît de grandes difficultés à suivre le rythme effréné des innovations et des évolutions. Il rebondit : "Les ruptures technologiques violentes sont des sources de risques. On assiste à des changements du modèle économique avec la question de l'usage plutôt que de la propriété ou le fait que l'individu soit devenu un produit. Et le cadre réglementaire est une question cruciale". Il cite l'exemple de l'utilisation des drones, domaine où la France était en avance sur les autres pays, et où l'Hexagone perd peu à peu ce leadership au profit des Etats-Unis ou de la Chine, qui adaptent plus rapidement leurs textes. La déferlante numérique n'a pas fini de faire couler de l'encre.