FOCUS. Dans plusieurs régions, des chartes partenariales de bonnes pratiques pour la gestion des chantiers ont été signés entre les différents acteurs du BTP. Le but : faciliter la reprise des travaux et les échanges entre les intervenants. Exemple en Nouvelle-Aquitaine.

Début juin, les acteurs du BTP franciliens annonçaient la signature d'une charte de bonnes pratiques pour la gestion des chantiers sur son territoire. L'objectif affiché est de donner un cadre de dialogue et une lecture commune des difficultés rencontrées par les intervenants d'un chantier, afin de faciliter la reprise de l'activité du secteur. La Capeb, la FRTP, l'UFB, LCA-FFB, l'USH, l'Unis et l'Unsfa font partie des signataires de ce texte, qui a aussi reçu le soutien du préfet de région Michel Cadot.

 

L'Ile-de-France n'est pas le premier territoire à avoir mis en place ce type de charte. Un texte semblable réunit déjà les acteurs du secteur dans sept régions, comme dans les Hauts-de-France par exemple, ou encore en Normandie.

 

C'est aussi le cas en Nouvelle-Aquitaine depuis début mai. Très vite, les acteurs de la région ont jugé nécessaire de tous se mettre autour de la table, pour définir un cadre commun. "En amont de la reprise des chantiers, cela a permis de gagner du temps et d'instaurer un dialogue entre la maîtrise d'ouvrage et les entreprises", a constaté Stéphane Martel, président de la LCA-FFB Nouvelle-Aquitaine, contacté par Batiactu. Un travail de concertation qui permet de mettre tout de suite sur le tapis certains sujets sensibles.

 

Partage des surcoûts

 

Le premier et peut-être le plus évident concerne la question des surcoûts générés par les nouvelles procédures et les mesures sanitaires, ainsi que leur prise en charge. "Il était important d'évoquer ce sujet tout de suite, pour voir comment les gérer et les partager, explique Philippe Renouil, secrétaire général de la FFB Nouvelle-Aquitaine. Les entreprises ne peuvent les supporter intégralement." La maîtrise d'ouvrage non plus, répond Stéphane Martel.

 

Les signataires de la charte s'engagent tous ainsi clairement à en discuter et les répartir. Et si un acteur rechigne, le document peut servir de référence et d'exemple pour peser dans les discussions, et trouver un terrain d'entente selon la FFB et LCA-FFB.

 

 

Interprétation commune du guide de l'OPPBTP

 

Autre point abordé : la question des délais, "qu'il faut traiter tout de suite", insiste Stéphane Martel. "Tous les acteurs et les clients ont compris que la crise sanitaire aurait des répercussions sur les livraisons. La signature de la charte fige le principe pour les prendre en compte. C'est important pour que nous ne nous voyons pas reprocher le décalage dû au covid au moment de la livraison, lorsque l'épidémie sera terminée".

 

Le travail de concertation permet aussi de se mettre d'accord sur l'interprétation du guide de l'OPPBTP. "Tout le monde doit appliquer les mêmes règles du jeu. Or, nous avons parfois pu observer des acteurs surinterpréter le guide", raconte Philippe Renouil. Ce qui a pu poser des problèmes concernant l'organisation de la coactivité, "certains la refusant au départ plutôt que de chercher des pistes pour l'aménager".

 

Futurs appels d'offres


La charte évoque aussi les futurs appels d'offres, les signataires s'engageant "à tenir compte des nouvelles règles du jeu et des nouveaux coûts", ajoute-t-il. Un aspect sur lequel la FRTP Nouvelle-Aquitaine est vigilante. Son président, Christian Surget, note que peu de marchés sont lancés et s'en inquiète.

 

Il observe par ailleurs que les "quelques affaires qui sortent sont à des prix très bas, ce qui mènera au suicide des entreprises. Sans compter que certaines dévorent leurs carnets de commandes, se retrouvant en surcharge de travail pour rattraper le chiffre d'affaires qui n'a pas été réalisé pendant le confinement. Elles vont rapidement les épuiser". La rentrée pourrait donc être très rude si une relance des appels d'offres, au bon prix, n'est pas mise en œuvre rapidement, alerte-t-il.

 

De plus en plus de signataires

 

Le document étant une charte, il n'a pas de valeur opposable. Malgré tout, "le fait de fixer un cadre est incitatif. Nous avons chacun nos spécificités, mais cela nous pousse à évoquer les sujets communs, à nous ouvrir et à nous comprendre. L'aspect coconstruction de la reprise est important, d'autant plus que le bâtiment et les travaux publics sont par nature des métiers de partenariat", vante Christian Surget.

 

De plus en plus d'acteurs rejoignent la liste des signataires de cette charte régionale qui évolue au gré des textes réglementaires. "Rapidement, tout le monde HLM et les bailleurs ont accepté de signer, ainsi que la Région. La préfète ne l'a pas signée, mais l'a validée. Depuis, cela fait effet boule de neige", selon Philippe Renouil. La mairie de Bordeaux et la métropole ont depuis rejoint la liste des signataires. "La présence d'acteurs de poids permet de faire adhérer autour d'un projet commun plus facilement, estime de son côté Christian Surget. Mais si un de nos partenaires ne fait pas partie de la liste, il sait que la charte existe, et cela nous permet de nous en servir comme base de départ pour les discussions".

 

"La meilleure solution", pour Julien Denormandie


"La réussite de cette charte tient dans le fait que ce sont les professionnels qui en sont à l'initiative. Si nous avions fait entrer l'État directement dans l'équation, elle n'aurait pas été aussi juste", pense Stéphane Martel.

 

Le gouvernement soutient cependant ce type d'initiatives, et a même demandé aux préfets de promouvoir ces chartes. Dans une récente interview aux Echos, le ministre de la Ville et du Logement Julien Denormandie estime d'ailleurs que ces chartes régionales sont "la meilleure solution" pour "donner un cadre à la prise en charge des surcoûts au niveau local".

 

Ainsi, en Nouvelle-Aquitaine, "la reprise a été rapide", note Stéphane Martel, même si quelques opérations sont un peu plus complexes à redémarrer. Dans le bâtiment, entre 70 et 80% des chantiers sont à nouveau ouverts, et la quasi-totalité des entreprises sont de nouveau en activité. Enfin, du côté des travaux publics, tous les effectifs permanents sont de retour sur le terrain. Cependant, et même si la charte facilite le dialogue, le redémarrage se fait toujours en mode dégradé, et les plannings ne sont pas encore tous réajustés.

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