LOGEMENT. En plein essor, ce nouveau mode d'habitat, à la frontière entre la colocation et l'hôtellerie, ne possède pas de statut juridique propre. Le ministère de la Cohésion des territoires se dit "en phase d'observation" sur cette question d'une éventuelle réglementation ou législation ad hoc.
On a coutume de dire que l'usage des bureaux évolue mais cela vaut également pour l'habitat. L'éclatement des foyers familiaux, conjugué à la flambée des prix de l'immobilier dans certaines grandes métropoles, explique le succès grandissant en France du "coliving", ce mode d'habitat à la frontière entre la location et l'hôtellerie, apparu dans les années 2000 en Amérique du Nord, qui représente 40% du marché mondial, contre 30% pour l'Asie et 20% pour l'Europe. L'opérateur immobilier Sharies, qui intervient en tant qu'assistant à la maîtrise d'ouvrage et exploitant, travaille actuellement sur deux projets de résidences de coliving qui seront opérationnels en 2021, dans le 15ème arrondissement de Paris, et à Vanves, dans les Hauts-de-Seine. Une autre verra le jour à Strasbourg en 2022, s'ajoutant aux résidences déjà ouvertes par Sharies à Marseille et à Nancy. Dans chacune de ces ceux villes, pour un loyer de 500 euros par mois minimum, les jeunes actifs, expatriés, salariés en mission ou quadras ou quinquas divorcés bénéficient d'une chambre meublée avec salle de bains et sanitaires privés dans un appartement dont ils partagent la cuisine avec les autres résidents. Ménage, linge de maison, service de conciergerie, assurance habitation, abonnements à l'internet et à l'électricité sont compris dans le loyer.
Un loyer conclu dans le cadre d'un bail classique de location meublée. Mais "il n'existe pas de statut juridique propre aux résidences de coliving, qui pourront peut-être faire un jour l'objet de textes réglementaires spécifiques", explique à Batiactu Joseph-Marie Absil, gérant immobilier au sein de la société de capital-investissement Audacia, qui détient 35% du capital de Sharies. Un flou juridique qui soulève des questions, tant pour les opérateurs de coliving que pour les utilisateurs. Par exemple, un logement habité plus de 8 mois par une personne est obligatoirement considéré comme sa résidence principale, ce qui lui permet de prétendre aux aides au logement mais contraint le bailleur à un encadrement du loyer.
Le ministère de la Cohésion des territoires "en phase d'observation" sur le coliving
Entre le bail classique, la location saisonnière, le bail mobilité et le logement-foyer, "la solution pourrait être dans un contrat de location sui generis qui se situerait entre l'habitat et la prestation hôtelière, avec une flexibilité dans la durée d'occupation, la reconnaissance d'un accès à des espaces communs en plus de la location d'un espace privé et la possibilité d'y inclure des services compris dans le loyer et d'autres en supplément", imagine BNP Paribas Real Estate dans une récente étude. Interrogé par Batiactu, le ministère de la Cohésion des territoires, dont dépend le Logement, se dit "en phase d'observation" sur cette question d'une éventuelle réglementation ou législation ad hoc pour le coliving, et donc "ouvert aux remontées d'informations" des acteurs sur le terrain.
Des acteurs qui, outre les opérateurs de coliving comme Sharies, La Casa, Ecla ou encore The Babel Community, comprennent un nombre grandissant d'investisseurs. "Le coworking compte déjà un grand nombre d'acteurs, ce qui n'est pas le cas du coliving. Lorsque je crée une entreprise, c'est pour répondre à une problématique nouvelle, pour combler un trou dans la raquette", souligne Charles Beigbeder, président d'Audacia. La société a donc lancé en septembre un fonds d'investissement dédié au coliving, qui sera doté de 50 millions d'euros. "Nous procéderons à plusieurs closings (levées de fonds) en 2020 pour le fonds Elevation et tablons sur un premier deal en février ou mars. Les dossiers que nous regardons activement concernent Nancy, Nantes, Lyon, Strasbourg et Bordeaux", précise Joseph-Marie Absil. Au total, selon BNP Paribas Real Estate, près de 3.500 nouvelles places de coliving sont dans les tuyaux sur un marché français qui en compte actuellement environ 5.000, concentrées en Ile-de-France.