POINT DE VUE. D'après Vincent Giraudeaux, président de la Fédération des acteurs de la prévention, la clause Molière comporte de bonnes idées, mais ne permettrait pas de résoudre tous les soucis liés à la sécurité sur les chantiers.
Les promoteurs de la clause Molière, qui vise à obliger la maîtrise du français sur les chantiers publics, affirment qu'elle a notamment pour mérite d'améliorer la sécurité sur les chantiers. Toutefois, pour Vincent Giraudeaux, président de la Fédération des acteurs de la prévention (Fap), il n'existe pas de lien formel entre la capacité à comprendre le français et le respect des consignes de prévention des risques professionnels.
"Certains salariés comprennent très bien le français mais ne respectent pas les consignes des préventeurs et des coordonnateurs SPS", explique-t-il à Batiactu. "A l'inverse, des compagnons qui ne parlent pas notre langue y sont sensibles." Pour autant, la Fap ne se déclare pas opposée à la clause Molière. "Il est très important qu'il y ait, sur un chantier, au moins une personne qui parle le français. Et c'est sûr que cela faciliterait les choses si tout le monde le maîtrisait. Mais cela ne réglerait pas d'un coup tous les problèmes de sécurité", affirme Vincent Giraudeaux.
"Un bon schéma, tout le monde le comprend"
D'après le professionnel de la prévention, les préventeurs et CSPS pourraient d'ailleurs, de plus en plus, faire évoluer leurs pratiques, en utilisant davantage de schémas et des plans, pour assurer la sécurité sur les chantiers. "Le Plan général de coordination (PGC), c'est bien un 'plan' ! Or, trop souvent, il devient un pavé d'écriture qui ne comporte aucun schéma ni plan. Certains CSPS estiment que plus ils sont procéduriers, plus ils se couvrent. Alors qu'un bon schéma, tout le monde le comprend, même sans parler la langue locale", explique Vincent Giraudeaux. Il y aurait donc une réflexion plus large à mener sur les modes d'action de la prévention sur les chantiers.
Si la clause Molière ne convainc donc pas tout à fait les préventeurs, c'est au contraire le cas de la carte d'identification du BTP. "C'est une réforme beaucoup plus importante", estime Vincent Giraudeaux. "Lorsque l'on verra un compagnon en situation de risque, nous pourrons ainsi savoir facilement pour quelle entreprise il travaille."
Salariés détachés : la FFB veut une formation obligatoire au français
Dans un entretien à la radio RTL, le 4 mai, Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), a plaidé pour une formation obligatoire au français des travailleurs détachés. L'objectif est de garantir leur sécurité sur les chantiers.
"On demande simplement que ces travailleurs détachés, avant qu'ils ne viennent en France, aient quelques heures de formation en français, qu'ils comprennent les mots essentiels pour pouvoir eux-mêmes se protéger sur un chantier en France", a expliqué Jacques Chanut interrogé sur la "clause Molière". Pour rappel, ce dispositif, qui a pour objectif de rendre obligatoire la maîtrise du français sur les chantiers, a fait l'objet d'une instruction interministérielle le qualifiant d'illégal. Selon ce texte, imposer la maîtrise du français est "discriminatoire" et "porte atteinte au principe d'égal accès à la commande publique". Cet avertissement des pouvoirs publics ne décourage pourtant pas les collectivités locales utilisatrices de cette clause.
"Ce qui est important, c'est d'être certains qu'ils puissent travailler dans des conditions de règles d'hygiène et de sécurité normales (...). On estime que lorsqu'on ne comprend pas un mot de français, on se met soi-même en insécurité et les autres en insécurité sur un chantier", a aussi estimé Jacques Chanut. "S'il n'y a pas une obligation d'apprendre ces quelques mots pour être efficace et protégé sur un chantier ça ne se fera pas."