RÉNOVATION. Le co-animateur du Plan de rénovation énergétique des bâtiments revient sur les dernières actualités du Crédit d'impôt transition énergétique. Il note que, sans les fenêtres dans le dispositif, les solutions passives d'isolation sont sous-représentées par rapport aux systèmes actifs de production de chaleur. Alain Maugard formule donc des propositions de rééquilibrage.
Présent au salon Equipbaie-Métalexpo sur le stand de la FFPV-FFB, Alain Maugard livre son sentiment sur les dernières évolutions du CITE : "La rénovation est difficile, dans tous les pays. Seule la hausse des prix de l'énergie augmente la rentabilité des travaux. En France, il y a un problème de continuité des mesures. Ségolène Royal avait mis en place une politique dynamique de la rénovation, avec 30 % de remboursements sur les dépenses. Ça marchait. Mais le secteur des portes et fenêtres a absorbé 50 % du Crédit d'impôt, ce qui était exagéré. Cela méritait un réajustement". Des correctifs ont donc été proposés : concentration du soutien sur le seul remplacement des simples vitrages par des menuiseries performantes, application d'un taux de subvention deux fois moins élevé, soit 15 %, plafonnement à 100 €/menuiserie, et sortie des portes et volets du dispositif. "Cela permettait un retour à des sommes raisonnables, de l'ordre de 80 à 100 M€ par an", poursuit l'animateur du Plan de rénovation énergétique des bâtiments. "A ce moment-là, je pense que le système est juste et logique. Parce que nous devons dire aux Français que face aux coûts de l'énergie, l'important c'est de consommer moins. D'où la réponse 'isolation', des murs, des toitures, des combles, des planchers et des menuiseries". Pour lui, il n'y a aucune raison technique ou économique que le CITE n'intègre pas les fenêtres : "Le but n'est pas de gaspiller l'argent public".
Trop d'efforts sur les systèmes actifs et plus assez sur le passif ?
Cependant, l'exécutif ne l'a pas entendu de cette oreille et n'envisage pas le retour des fenêtres dans le CITE. Ce qui fait bondir les animateurs du Plan de rénovation énergétique des bâtiments. Alain Maugard fait remarquer : "Sur le CITE, l'ensemble des dépenses se répartit entre solutions passives, pour l'enveloppe, et solutions actives, les systèmes de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire. Et quand on regarde ce qui a été voté au Parlement, il y a un déséquilibre important des postes consacrés au passif. Sans les fenêtres, seuls 25 % leurs sont dévolus contre 75 % aux systèmes actifs". Une répartition qui ne le convainc pas. "Si on réintègre les fenêtres, alors on obtient un ratio 35 % pour le passif et 65 % pour l'actif, ce qui est plus équilibré". Celui qui a été président du CSTB ajoute que les investissements dans l'enveloppe sont durables, voire définitifs, là où ceux alloués aux systèmes actifs sont moins durables, avec des systèmes qu'il faut entretenir pour conserver leur performance et qui, malgré tout, sont frappés d'obsolescence.
Mais comment financer ce retour - limité - des fenêtres dans le CITE ? "L'idée c'est de trouver 100 M€ d'économies sur les systèmes actifs, pour que le budget reste constant. En tant que président de Qualibat, je peux vous dire que parfois on constate des prix aberrants de la part de certaines entreprises. Il y a donc de l'ordre à mettre là-dedans. Et il ne serait pas aberrant de trouver ces économies en évitant des exagérations". Le co-animateur du Plan de rénovation énergétique des bâtiments soutien donc l'idée d'un plafonnement des remboursements sur certains équipements actifs. Autre idée, celle d'instaurer un "parcours de rénovation" dont les travaux sur les combles ou sur les fenêtres seraient les principaux point d'entrée. Il explique : "BBC Rénovation coûte cher et les travaux en une fois sont importants. Il faudrait donc proposer un parcours intelligent par étapes, avec un audit énergétique gratuit (ou presque) réalisé par une entreprise qualifiée. Elle donnerait alors les étapes à franchir pour parvenir finalement au niveau BBC Rénovation, et décrocher ainsi un 'Passeport Réno'. A ce moment-là les Français seront poussés à finir leurs parcours de travaux". Alain Maugard ajoute qu'une prime de fidélité pourrait alors être versée aux ménages qui arriveraient au bout de leur démarche.
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Le couplage avec les protections solaires et la ventilation rediscutés en 2019
"Ces propositions ont été formulées au Conseil supérieur de la construction et à son président, Thierry Repentin", affirme le co-animateur du Plan de rénovation, qui ajoute que le temps a manqué pour qu'elles soient étudiées avant les débats sur le projet de loi de Finances 2019. Sur le calendrier justement, il précise : "Le PLF passe au Sénat, qui votera peut-être des amendements. Puis il y aurait alors une navette avec l'Assemblée nationale. Parfois des consensus intelligents sont trouvés…". Alain Maugard conclut : "Ce serait assez décevant d'avoir une solution qui ne tient pas la route". Pour lui, la non réintégration des fenêtres dans le CITE serait catastrophique et créerait des dégâts irréversibles dans la filière. "Il sera très compliqué de remettre la machine en route". Face à l'urgence "fenêtre", le spécialiste ajoute que les problématiques de ventilation et de protection solaire, souvent associées aux menuiseries, seront abordées en 2019, peut-être pour entrer dans le cadre du CITE 2020 au moment de sa transformation en prime ?