COLÈRE. Le projet de réforme du crédit d'impôt pour la transition énergétique consterne l'association des professionnels de la pompe à chaleur (Afpac). Pour eux, les objectifs de rénovation énergétique sont menacés.

Comme l'avait annoncé Batiactu, la nouvelle version du projet de réforme du crédit d'impôt pour le transition énergétique (CITE) a drastiquement diminué les aides proposées pour les pompes à chaleur air-eau en maison individuelle. "Nous sommes très surpris", explique le président de l'Association française des pompes à chaleur (Afpac), Eric Bataille, à Batiactu. "L'administration nous avait présenté le 28 août une version de la transformation du CITE dont nous étions satisfaits, notamment sur les Pac aérothermiques. Nos demandes ont d'ailleurs été entendues sur les chauffe-eaux thermodynamiques, qui sont davantage aidés dans la version finale du texte. A l'inverse des Pac air-eau..." Pour ces dernières, les aides CITE ont été ni plus ni moins qu'amputées de 50% en maison individuelle. L'organisation aurait aimée être sondée en amont, avant que ces annonces finales ne soient faites et les arbitrages effectués.

 

Des aides divisées par deux pour les Pac air-eau

 

"L'objectif gouvernemental de remplacer 600.000 chaudières vétustes part en fumée !", assure du coup l'Afpac dans un communiqué de presse du 26 septembre 2019. "La révision du niveau des primes annoncées en juillet 2019 qui vient de nous être communiquée risque de mettre à bas l'ensemble du dispositif alors que les premiers résultats enregistrés sur 2019 sont dans le droit fil des objectifs fixés", tempête l'association. Les professionnels de la filière regrettent, comme les autres organisations du BTP, l'exclusion des ménages les plus aisés (déciles 9 et 10). Et, pour ce qui est des ménages modestes et très modestes, le reste à charge restera significatif : "4.238 euros pour les très modestes et 5.238 € pour les modestes - sur la base d'un montant des travaux de 12.338 € pour une PAC air/eau", a calculé l'Afpac, ce qui "conduira inévitablement à un maintien des équipements déjà en place, sans aucune baisse de la facture énergétique ni augmentation du pouvoir d'achat".

 

Le risque que "rien ne se passe" en matière de rénovation

 

Les professionnels considèrent ainsi que, les riches étant exclus et les modestes étant en incapacité de payer un reste à charge dissuasif, "rien ne se passera" en matière de rénovation énergétique, comme nous le résume Eric Bataille. "On nous a donné, début 2019, un projet bien ficelé : remplacer 600.000 chaudières en deux ans. Nos industriels, qui n'avaient pas été prévenus à l'avance, se sont organisés, certains ont construit de nouvelles chaînes de production. Des entreprises d'installation ont embauché pour répondre à la demande galopante...", liste le président de l'Afpac, dépité. "Comment voulez-vous qu'une filière vive dans un tel environnement ? C'est un coup d'arrêt très brutal."

 

La Fieec regrette l'absence de la régulation thermique dans le CITE
"La Fieec salue les efforts du gouvernement pour rationaliser le crédit d'impôt et faciliter son accès par les ménages mais regrette la réduction significative du nombre de bénéficiaires du montant global de l'enveloppe et de l'aide apportée à certains gestes particulièrement performants", observe auprès de Batiactu Christel Heydemann, vice-présidente branche électrique de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (Fieec). "Ce dispositif a un rôle prescriptif déterminant quel que soit le montant d'aide accordé. Or, des solutions peu onéreuses pour les citoyens et peu coûteuses pour le budget de l'État sont supprimées de la liste des gestes éligibles. En excluant en particulier la régulation thermique, le gouvernement exclut des gestes visibles par le citoyen, le pilotage de tous les usages énergétiques et la gestion active, à un moment où chacun prend conscience de sa consommation et veut contribuer aux enjeux sociétaux dont la lutte contre la raréfaction des ressources et contre le changement climatique."

 

Le Gouvernement vient par ailleurs de préciser qu'une règle d'écrêtement sera appliquée sur l'ensemble des aides : les aides (prime + CEE) ne pourront pas prendre en charge plus de 90% du montant des travaux pour les ménages très modestes, et 75% pour les ménages modestes. L'État attend ainsi d'un ménage modeste qu'il débourse au maximum 5.238 euros pour faire installer une Pac air-eau, 5.853 euros pour une chaudières à bûches ou encore 519 euros pour la dépose d'une cuve à fioul.

 

Les professionnels en appellent ainsi à une nouvelle mouture du texte en faveur d'une diminution des émissions carbone et d'une massification des actions de rénovation. Et rappelle qu'une forme de dynamique était lancée avec l'offre coup de pouce : en moyenne 17.000 chaudières remplacées par mois avec une montée en puissance régulière laissant espérer l'atteinte de l'objectif de 25.000 chaudières mois à court terme.

 

Le Cler dénonce un double discours
La réforme du CITE n'est pas loin de faire l'unanimité contre elle. Pour le réseau pour la transition énergétique (Cler), "le décalage entre la communication du gouvernement sur la transition écologique et sociale et le budget présenté est choquant !". ALors que le Gouvernement souhaitait visiblement augmenter les aides à la rénovation, "aujourd'hui il fait tout simplement le contraire et présente cette coupe budgétaire comme une mesure de justice sociale", regrette Jean-Baptiste Lebrun, directeur du Cler. L'ONG en appelle à un maintien du niveau des aides et à un reste à charge "zéro" pour les ménages les plus modestes ; mais aussi la "création d'une dotation 'énergie-climat' pérenne pour les collectivités locales engagées dans des plans climat ambitieux".

 

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