VISION. La cité du nord de l'Irak, plusieurs fois millénaire, pourrait connaître un renouveau grâce à un plan de reconstruction audacieux. L'architecte d'anticipation Vincent Callebaut a formulé une proposition pour bâtir de vastes ponts-habités, imprimés en 3D à partir des décombres de la ville martyre.
Mossoul, dont le nom fait référence à un ancien pont de bateaux traversant le Tigre, pourrait revivre grâce à ces ouvrages de franchissement, jetés au-dessus du fleuve. Occupée par l'Etat islamique qui y avait proclamé son califat en juin 2014, la seconde ville d'Irak a subi les affres de la guerre avant d'être libérée à l'été de 2017. Bombardée, minée, la ville est ravagée à 50 ou 75 % (selon les estimations), avec 900.000 habitants sans abri, soit la moitié de sa population d'avant les affrontements. La reconstruction sera longue et difficile mais pourquoi ne pas en profiter pour imaginer une ville de l'avenir, offrant une meilleure qualité de vie à ses résidents ?
C'est ce qu'imagine Vincent Callebaut dans son projet "Les Cinq ponts agricoles", lauréat de la 3e place du prix Rifat Chadirji (du nom d'un architecte irakien né en 1926). Il propose de profiter des millions de tonnes de gravats, qui doivent être déblayés prochainement, pour reconstruire la ville de façon durable et responsable. Selon les autorités locales, le plan de reconstruction s'étalera sur les 10 prochaines années et portera d'abord sur les routes et les ponts et sur le rétablissement des services publics comme la fourniture d'eau et d'électricité. Un vaste programme qui nécessitera près d'un milliard de dollars et qui trouverait plusieurs réponses dans le projet porté par l'architecte belge.
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Cinq ponts agricoles de Mossoul : reconstruire sur et grâce aux décombres
Les cinq ponts qui reliaient autrefois les quartiers est et ouest de la ville, ont été détruits pour assiéger Daesh. L'idée de l'architecte est donc de recréer ces points de passage sous la forme de ponts-habités en recyclant les matériaux issus des démolitions. Vincent Callebaut explique dans sa notice : "Il s'agit de recycler la ville depuis son cœur, et non pas de la reconstruire à neuf vers sa périphérie en empiétant sur les terres agricoles avec obsolescence".
Cinq ponts agricoles de Mossoul : des quasi-montagnes artificielles
Autre innovation, l'usage extensif de l'impression 3D, pour reconstruire ces ponts. Leur taille, imposante - ils prendront des allures de collines - permettra de créer plus de 53.000 unités de logements, afin de ré-héberger les réfugiés et personnes déplacées. Fidèle à son habitude de végétalisation, le maître d'œuvre prévoit que les nombreuses terrasses soient dédiées à l'agriculture urbaine et à la permaculture, "afin d'assurer une autonomie alimentaire à leurs habitants".
Cinq ponts agricoles de Mossoul : une évocation des muqarnas
Le module de base sera constitué d'un cube de 3,60 mètres de côté, soit un volume de 12,96 m3. Le visionnaire déclare s'être également inspiré des "muqarnas", des motifs ornementaux en nid d'abeille, typiques de l'architecture islamique, pour empiler ces cubes et constituer des encorbellements qui redescendront les charges structurelles vers les piles. Les maisons types seront l'assemblage de deux, cinq ou dix modules pour parvenir à des logements de tailles différentes (entre 25 et 120 m²). Elles seront empilées en larges groupes formant des quartiers aux façades ocres qui rappelleront également les ziggourats aux terrasses superposées.
Cinq ponts agricoles de Mossoul : des flottes de drones ouvriers pour nourrir l'araignée
Cinq imprimantes 3D serviraient à l'édification des ponts-habités, prenant la forme d'araignées aux grandes pattes articulées. Elles seraient capables de construire 30 maisons par jour, selon l'architecte pour qui "tous les débris seront transformés en ressources". Toujours plus versé dans le futurisme, Vincent Callebaut envisage qu'elles soient alimentées en matériaux par des flottes de drones apportant en continu leur butin qui sera broyé et recyclé. Les multiples bras robotisés permettront de couler le béton, de mettre en place de la mousse isolante ou de pratiques des fraisages dans les volumes.
Cinq ponts agricoles de Mossoul : un habitat digne et durable
L'architecte d'anticipation conclut : "A 400 kilomètres au nord de Bagdad, la reconstruction des cinq ponts de Mossoul tels les mythiques jardins suspendus de Babylone (dans le sud de l'Irak actuel) propose une vision d'un avenir positif et propose un véritable prototype de logements financièrement abordables et adaptable à chaque cellule familiale". Son ambition sera ensuite de répliquer cette démarche pour rebâtir d'autres quartiers et d'autres villes, et fournir des habitats à tous les rapatriés.
Cinq ponts agricoles de Mossoul : des jardins en terrasses
La végétation prendra quelques années à coloniser et faire des terrasses des jardins suspendus aussi luxuriants.
Cinq ponts agricoles de Mossoul :
La ville de Mossoul (d'où est issue le coton léger dit "mousseline") est célèbre pour la douceur de son climat qui jouit de deux printemps, grâce à un automne doux.
Cinq ponts agricoles de Mossoul : que de pales !
Eoliennes et drones cohabiteront-t-ils bien ? L'implantation de grandes turbines à axe horizontal - certes plus puissantes - serait-elle compatible avec des habitations ? L'usage de machines à axe vertical, moins bruyantes et plus efficace dans des régimes tourbillonnants, pourrait résoudre en partie le problème.
Cinq ponts agricoles de Mossoul : Minecraft power
L'utilisation de cubes empilés pour imaginer les structures donne des airs de jeu vidéo aux ponts-habités. Alors, vision d'avenir ou rétro-gaming ?