DIAPORAMA - Le mythique cinéma Louxor de Barbès (Paris) a été inauguré, mercredi 17 avril, après trois ans de travaux et un budget de 25 millions d'euros. Trois salles et un bar avec terrasse donnent sur le métro aérien et Montmartre, le tout dans un décor "Art déco égyptianisant". Cette opération de rénovation audacieuse est signée par Philippe Pumain. Découverte des coulisses.
Dès ce jeudi 18 avril, les premiers spectateurs découvriront l'intérieur du cinéma Le Louxor. Refaite telle qu'elle était en 1921, la grande salle, surnommée la Pharaonne, et aujourd'hui baptisée "Youssef Chahine"* nous renvoie dans les films égyptiens à l'image de La Rose pourpre du Caire de Woody Allen. "Avec ses scarabées en or, un immense soleil ailé au-dessus de la réplique de l'écran d'origine, de 5,42 x 9, 00 m, ses cobras et ses balcons nichés à une hauteur importante, nous avons voulu faire renaître ce lieu de culture mythique dans Paris, nous confie Philippe Pumain, l'architecte en charge de la rénovation. Une restauration effectivement nécessaire, car l'intérieur du bâtiment était méconnaissable…"
Réalisé en 1920-1921 par l'architecte Henri Zipcy et le céramiste Amédée Tiberti pour le groupe Lutetia-Wagram, le Louxor, situé à la confluence des Xe, IXe et XVIIIe arrondissements, a une longue histoire. Il a été, en effet, exploité comme cinéma jusqu'en 1983, avant de devenir une discothèque -la Dérobade puis le Megatown-, et d'être désaffecté en 1988.
Apporter de la culture dans un quartier populaire
Cela faisait donc dix ans, depuis son rachat par la Ville de Paris sur décision du maire (PS) Bertrand Delanoë, que sa rénovation alimentait la chronique, entre polémiques sur la destination du lieu et échanges sur la restauration néo-égyptienne, mais aussi des interrogations sur le coût global des travaux, estimé à 25 millions d'euros. "Grâce à la bonne compréhension de l'architecte, nous avons pu même économiser 3 millions d'euros sur cette lourde rénovation", s'est félicité, mercredi 17 avril, le maire de Paris. Et d'ajouter : "Pour des raisons historiques, sociales et "cinéphiliques", ce lieu classé "Art et essai" est, en effet, très attendu dans ce quartier populaire à cheval sur trois arrondissements (9e, 10e et 18e). La culture peut changer les choses dans ce quartier, déjà métamorphosé par les opérations de logement social."
Au final, la ville a décidé en 2003 de racheter les murs et de lui redonner une énième jeunesse. L'esprit Art Déco des années 1920 donne l'impression de flotter dès le rez-de-chaussée jusqu'à la terrasse extérieure. "Nous avons voulu revenir au palais égyptien disparu dans les années 1930, souligne l'architecte Philippe Pumain. Nous aurions pu nous contenter d'en faire une salle moderne, mais nous avons trouvé que c'était une bonne idée de lui rendre ce caractère exceptionnel."
A l'extérieur, les façades ont été intégralement restaurées dans leur état de 1921 avec restitution des mosaïques, vitraux et "grands mats égyptiens" disparus et le dispositif d'entrée original a, par ailleurs, remis en place avec son porche totalement ouvert sur le boulevard Barbès-Rochechouart.
A l'intérieur, cette fois-ci, la grande salle Youssef Chahine, au rez-de-chaussée, dotée de 334 fauteuils, arbore de superbes têtes de pharaons en relief et des frises calquées sur les originaux de 1921. Les trois niveaux sont restitués à l'image de l'orchestre, le balcon et le poulailler, et ses décors recréés : faux marbres peints, masques de pharaon en relief, frise néo-grecque, hiéroglyphes...
"C'était un vrai travail d'archéologie architecturale, nous explique le porteur du projet, reconnu notamment pour sa salle de concert symphonique du Théâtre Mariinsky à Saint Petersbourg, avec Fabre/Speller et Christian Laporte, architectes associés. Nous nous sommes justement inspirés de deux photos noir et blanc de l'époque pour redonner le même esprit identique."
*Cinéaste égyptien, décédé à l'été 2008.
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Le choix de la sobriété dans les deux autres salles
En sous-sol, la nouvelle salle moyenne (136 places) avec ses colonnes en staff marron bronze et son plafond au décor d'étoiles offre également un clin d'œil aux tombeaux égyptiens. La petite salle de 74 places qui lui fait face, créée dans une ancienne cave, se met, elle aussi, à l'heure égyptienne avec ses voûtes en palmier. Pour ces deux salles, l'architecte Philippe Pumain a bien fait le choix de la sobriété.
"Par ailleurs, la structure du Louxor - portiques, plafonds à caissons, poutres-échelles- largement réalisée en béton armé a pour l'essentiel, été conservée et renforcée dans la mesure où elle ne présentait pas la résistance aux surcharges, tant d'exploitation que climatiques, requises pour un équipement recevant du public", précise l'architecte. De même, les fondations existantes n'offrant pas une résistance suffisante du fait de la présence d'anciennes carrières de gypse remblayées sous le Louxor, ont été reprises par un réseau de 175 micropieux fondés à 25 mètres de profondeur pour garantir la pérennité du bâtiment.
Une salle pensée pour les handicapés
En matière de maîtrise de consommations énergétiques, l'architecte n'a pas hésité à installer un thermo-frigo pompe sur la nappe phréatique nichée à 80 mètres de profondeur. "Cela permet de chauffer l'édifice en hiver et de le rafraîchir en été, précise Philippe Pumain. Nous répondons donc aux objectifs du plan Climat de la Ville de Paris." Et de poursuivre : "Grâce à la géothermie, le bâtiment aura une consommation maximale inférieure à 80 kWhep/m²/an et un bilan carbone répondant aux normes en vigueur…"
L'accessibilité n'a pas été non plus oubliée : les trois salles ainsi que le salon-espace d'exposition, le bar et sa terrasse sont accessibles aussi aux personnes à mobilité réduites (PMR). "15 emplacements dédiés à leur égard ont été prévus et les trois salles sont équipées de boucles électromagnétiques pour les malentendants et permettent une diffusion en audio-description, détaille l'agence d'architecture. Un système d'écoute par casques sera aussi disponible."
"Pas comme à la chapelle Sixtine, mais un décor de cinéma"
En résumé, un décor de cinéma incarne le Louxor. "Ce n'est pas non une plus une rénovation à l'image de la chapelle Sixtine à Rome mais un décor de cinéma d'un style égyptien Art Déco. Pour ce qui concerne, la décoration "kitch", nous l'assumons. De plus, comme à l'Olympia, cette salle est une boîte dans la boîte", conclut Philippe Pumain. Le peu qu'il reste des décors d'époque est protégé derrière.
*Cinéaste égyptien, décédé à l'été 2008.
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Au carrefour de trois arrondissements
Au carrefour des 9ème, 10ème et 18ème arrondissements de Paris, le nouveau Louxor, Palais du cinéma, a été inauguré ce mercredi 17 avril.
La salle Youssef Chahine
La grande salle du Louxor (334 fauteuils) a été baptisée du nom du cinéaste égyptien Youssef Chahine, décédé en 2008.
Un traitement architectural dans chaque salle
Un traitement architectural dans chaque salle a été entrepris par l'architecte Philippe Pumain. Le parti pris intérieur de la grande salle a consisté à respecter la volonté du concepteur Henri Zipcy, en retrouvant la cohérence esthétique entre les façades néo-égyptiennes et les parois intérieures de la salle.
Retrouver la cohérence esthétique
Les parois intérieures ont été intégralement restaurées.
Le plafond de la salle principale
Le plafond de la salle Youssef Chahine.
Une restauration minitieuse
Une restauration minutieuse.
334 fauteuils
334 fauteuils dans la salle principale et 8 emplacements adaptés aux personnes à mobilité réduite.
Salle moyenne
136 fauteuils dans la salle moyenne et 4 emplacements adaptés aux personnes à mobilité réduite.
Petite salle
71 fauteuils et 3 emplacements adaptés aux personnes à mobilité réduite.
Le salon
Une salle d'exposition de 34 m².
Le bar
Le bar d'environ 35 m² à l'intérieur.
Des mosaïques restituées
Vue des mosaïques restituées depuis la terrasse d'une surface de 35 m².
Les circulations rénovées
A l'intérieur des couloirs.
A l'intérieur du porche extérieur ouvert
A l'intérieur du porche extérieur ouvert.
Vue du porche extérieur
Vue du porche extérieur, prise depuis l'un des escaliers conservés dans sa forme historique.
Maîtrise d'ouvrage : Mission Cinéma Ville de Paris
Maîtrise d'ouvrage déléguée : Direction du Patrimoine et de l'Architecture de la Ville de Paris
Maîtrise d'œuvre : Philippe Pumain architecte mandataire
2010 : obtention du Permis de Construire, début des travaux de gros œuvre
2011 : septembre, fin des travaux et lancement de la délégation de service public. Débutent les travaux de second œuvre.
Décembre 2012 : La société CinéLouxor se voie attribuer la délégation de service public.