Benoît Hamon présente, ce mercredi 24 juillet, son projet de loi sur l'économie sociale et solidaire, qui comporte notamment un article qui exigera désormais du chef d'entreprise de moins de 250 salariés qu'il les informe de son intention de vendre sa firme dans les deux mois précédant toute transaction. Le patronat crie au scandale, tandis que dans le secteur des Scop BTP, c'est la satisfaction. Explications.
Le texte que présente ce mercredi Benoît Hamon, ministre délégué à l'Economie sociale et solidaire (ESS), comportera notamment deux dispositions "pour faciliter la reprise en sociétés coopératives et participatives par les salariés", mais qui risquent aussi de bouleverser la vie des PME. En effet, la première concerne les cessions d'entreprise : les patrons auront désormais l'obligation d'informer leurs salariés de leur intention de vendre l'entreprise deux mois avant toute transaction. Autre mesure de taille, la création d'un "statut allégé" ou "Scop d'amorçage" qui permettrait aux salariés une reprise en Scop avec peu de fonds propres.
Reconnaissance du secteur de l'ESS
"Le fait qu'il y ait un ministère dédié à l'économie sociale et solidaire, et maintenant une loi qui va aider ce secteur - 10% du PIB français et 2.5 millions de salariés - est la preuve d'une reconnaissance et le fait qu'il doit être encadré", nous précise d'emblée Olivier Diard, Délégué général de la Fédération des Scop BTP. "Il y avait besoin d'un texte pour fermer les contours d'un secteur qui pèse, produit de la richesse et emploie", ajoute-t-il.
Et de rappeler que dans le BTP, ce sont 35% d'entreprises qui disparaissent chaque année, faute de repreneurs. "Cette loi est une des solutions pour assurer la transmission, donc la pérennité de nos entreprises, que ce soit en coopérative ou pas d'ailleurs", souligne le délégué général. A titre d'exemple, il nous indique qu'en 2012, une quarantaine d'entreprises ont été transformées en Scop.
"Solution inadaptée et contre-productive"
Concernant la mention d'obligation de prévenir les salariés deux mois avant toute transaction, Olivier Diard estime qu'il s'agit d'une "fausse polémique". Et d'ajouter : "Cela ne va pas enrayer le processus de transmission. Je vois cette idée plutôt comme une chance et non une contrainte. C'est même, je pense, un progrès en termes de démocratie et de respect des salariés".
De son côté, l'Union professionnelle artisanale (UPA) dénonce une solution "inadaptée et contreproductive". D'une part parce que "la transmission d'entreprise ne se prépare pas en deux mois avant l'acte de vente mais plusieurs années auparavant" et parce que "le dialogue naturel entre le cédant et un ou plusieurs repreneurs d'entreprise, serait inévitablement faussé (…)". L'organisation demande ainsi aux parlementaires de "ne pas voter en l'état les articles 14 et 15", qui entraveraient l'acte de vente d'une entreprise. Olivier Diard de renchérir : "Je pense surtout - et ça ne va pas faire plaisir - que le patronat est contre car ce sera pour lui plus de contrainte et moins de liberté. D'où cette levée de boucliers".
La Scop, une solution à regarder de près
Quant à la deuxième annonce de ce texte, qui est de mettre davantage l'accent sur les Scop, "c'est intelligemment pensé", s'exclame Olivier Diard. Estimant que la "Scop d'amorçage" est une "phase de transition" pour arriver à la Scop, il la trouve "adaptée à la situation". Tout en précisant que la Scop n'est pas la solution à tout, mais qu'elle est à "regarder d'un bon œil". Benoît Hamon a évalué à 100.000 le nombre supplémentaire d'emplois créés dans les cinq ans à venir. "Nous estimons ce chiffre à 5.000 dans le secteur du BTP", se réjouit le Délégué général de la Fédération des Scop BTP.
Sans compter que l'outil ne serait pas complet sans l'accompagnement financier qui va avec. Ce dont se réjouit encore Olivier Diard, qui voit dans les 500 M€ qu'attribuera la Banque publique d'investissement (BPI)et qui seront fléchés dans le secteur des l'économie sociale et solidaire, une réelle volonté du Gouvernement de s'atteler à ce sujet. Et de conclure : "Il ne faut pas avoir peur de cette loi. C'est un modèle qui peut être une solution".
"La loi ne va pas assez loin sur le sujet des groupes coopératifs, comme il en existe à l'étranger. C'est un thème sur lequel nous travaillons encore avec le ministère, même si le projet de loi est présenté aujourd'hui. Nous avons les moyens en France d'avoir des "champions internationaux" pour représenter le secteur du BTP. On ne désespère pas que ça arrivera un jour…", nous confie Olivier Diard.