INITIATIVE. Si l'entretien du très riche patrimoine architectural français est déjà une tâche colossale, certaines associations n'hésitent pas à vouloir reconstruire, à l'identique, des monuments disparus depuis des siècles. C'est notamment le cas pour le palais des Tuileries à Paris ou la flèche de la basilique Saint-Denis. Une façon de faire revivre certaines activités du passé... ou de générer de nouveaux revenus.
Quel est le point commun entre le clocher de la très catholique basilique Saint-Denis, le très républicain moulin de Valmy ou le très consulaire (puis impérial) Palais des Tuileries ? Il s'agit de monuments historiques qui ont été détruits par le passé mais dont la reconstruction est la préoccupation première d'associations locales. C'est ainsi qu'un Comité pour la reconstruction des Tuileries s'active, depuis novembre 2011, à réédifier le siège du pouvoir central de 1789 à 1870, incendié en 1871, "afin de rétablir l'harmonie de l'ensemble monumental du Louvre, aboutissement du grand dessein français réalisé en trois siècles".
Un chantier colossal qui viendrait fermer le quadrilatère entre les pavillons de Flore et de Marsan, au Louvre, sur 266 mètres de long, 25 mètres d'épaisseur et 38 mètres de haut. Techniquement, le comité explique vouloir adopter une solution hybride, entre mode de construction traditionnel et exigences des réglementations actuelles des établissements recevant du public : "Originellement, un double parement en pierre appareillée enserre un blocage maçonné d'environ 90 cm d'épaisseur. Ce dispositif serait transposé selon les techniques contemporaines en vue d'une part de garantir un niveau d'isolation thermique acceptable et, d'autre part de s'inscrire dans les performances de portance de plancher qualifiées pour les différents usages envisagés (…) On substituera à l'âme traditionnelle un complexe associant un voile béton porteur à une isolation thermique de type extérieur".
Pour la charpente en revanche, que le projet entend positionner avec fidélité par rapport au plan originel, elle devra être reconstituée à partir d'essences et de sections de bois similaires, avec "des adaptations de détail" qui "pourront être envisagées en fonction d'impératifs réglementaires (désenfumage) ou techniques (ventilation)". De même, les décors intérieurs et huisseries-fermetures seront reproduits grâce à la qualité des sources iconographiques de l'époque "pour le plus grand profit des artisanats spécialisés survivants".
Un outil pédagogique et un argument touristique
La reconstruction du Palais est donc envisagée comme un musée vivant, scénarisé avec mise en scène des techniques de construction : taille de pierre, sculpture, charpente… Une démarche qui s'approche de celle prônée par une autre association, "Suivez la flèche" qui s'inquiète, elle, du clocher disparu de la basilique royale de Saint-Denis. Cette flèche, qui s'élevait à 86 mètres au-dessus de la ville depuis 1219, avait été fragilisée par une tempête et démontée, pierre par pierre, en 1845. L'association locale explique : "Chaque élément est inventorié, les plans détaillés sont conservés à la médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Son remontage serait un chantier unique, dans la lignée des bâtisseurs de cathédrales. Un chantier de plusieurs années, au cœur de la ville, permettant de découvrir le travail d'artisans d'exception : tailleurs de pierre, forgerons, charpentiers…". Les promoteurs du projet mettent en avant la valeur pédagogique en ouvrant le chantier aux classes et centres de loisirs.
Mais la question du financement se pose. Les membres de "Suivez la flèche" estiment que le projet attirera de nombreux touristes, et espèrent que le nombre de visiteurs annuel passera de 130.000 à… 1 million. "Les visites seront payantes, de façon à ne coûter d'argent ni à la ville, ni aux habitants", expliquent-ils. A la façon de ce qui se fait au château de Guédelon, un chantier de construction médiéval, débuté en 1997 dans l'Yonne et qui reçoit près de 300.000 visiteurs par an.
Pour le palais des Tuileries, le mode de financement serait différent. Le Comité explique vouloir créer une fondation "dont le but sera de réunir les fonds nécessaires à la réédification sans que le coût ne pèse sur le budget de la ville ou de l'Etat". Une gageure, puisqu'il s'agira cette fois de trouver les 350 M€ estimés nécessaires, grâce à du haut mécénat international et à une "vaste souscription populaire française". Les Français avaient certes répondu à l'appel pour la quatrième reconstruction du moulin de Valmy, après la tempête de 1999 grâce à une entreprise de construction bois de Villeneuve-d'Ascq, mais seront-ils présent pour ajouter une aile au Louvre ? D'autant que la construction, dégagera une surface utile de 3.000 m² par étage dont la destination n'est pas totalement arrêtée : extension des Arts Décoratifs, implantation d'un théâtre ou d'un centre des congrès prestigieux… Les pouvoir publics n'ont, en tout cas, pas encore manifesté leur intérêt et ne semblent pas enclins à bouleverser les perspectives du Louvre aux Tuileries, ni de la basilique royale.