DECRYPTAGE. Depuis le 1er janvier 2018, tous les logiciels enregistrant des règlements de clients non assujettis à la TVA, comme ceux des particuliers, ont l'obligation d'être certifiés. Qui est concerné ? Comment ça marche ? Quelle démarche faut-il entreprendre ? Marc Lamort de Gail, expert-comptable, nous répond.
Le nouveau dispositif de logiciel anti-fraude à la TVA, entré en vigueur ce 1er janvier 2018, concerne un très grand nombre d'entreprises. En effet, dès lors qu'elles enregistrent le règlement d'un non-assujetti à la TVA (c'est le cas pour les particuliers) dans un système informatique, elles ont l'obligation d'utiliser un logiciel attesté ou certifié (Lire notre article : "Logiciel anti-fraude à la TVA : après la confusion, les clarifications"). Une nouvelle obligation qui a des conséquences pour les entreprises mais aussi, pour les éditeurs de logiciel, qui doivent obtenir cette certification pour les logiciels concernés.
Quelle est la démarche à suivre, qu'est-ce qu'une attestation et une certification, comment les obtenir ? A quoi servent-elles ? Marc Lamort de Gail, pilote du groupe de travail de l'Ordre des experts-comptables/Académie des sciences et techniques comptables et financières, nous explique.
Batiactu : qu'entend-on par logiciel conforme ?Marc Lamort de Gail : L'entreprise doit détenir un certificat ou une attestation émise par l'éditeur qui garantit que l'on respecte 4 critères :
1- L'inaltérabilité des données. C'est le fait que l'on ne puisse plus modifier les données, liées au règlement des clients, une fois qu'elles sont enregistrées. Les clients concernés sont les clients BtoC, particuliers ou non assujettis à la TVA.
2- La sécurisation, c'est-à-dire garantir qu'on ne peut pas modifier ces données par des dispositifs électroniques, soit grâce au scellement électronique ou, au chaînage des enregistrements l'un par rapport à l'autre. C'est un hachage de la donnée, une photographie électronique de cette dernière. On recalcule une clé qui prend en compte, au plan informatique, l'enregistrement N-1 et N pour avoir un calcul précis. Ainsi, si jamais quelqu'un voulait changer la donnée, cela se verrait.
3- La conservation des données pendant 6 ans, soit la durée de la prescription fiscale.
4- L'archivage. On doit sortir ces données au moins une fois par an du logiciel pour les archiver, c'est-à-dire les mettre dans un format qui n'est pas un format propriétaire. L'on doit pouvoir, par exemple, utiliser une simple application de type 'bloc-note' pour les lire. L'administration fiscale ne veut pas s'embarrasser d'acheter toutes les licences pour lire ces données de caisse.
Batiactu : Comment obtenir un certificat ?
Marc Lamort de Gail : Les éditeurs peuvent demander à se faire certifier par l'un des deux organismes, LNE ou Infocert, ou bien s'auto-attester en utilisant le référentiel d'attestation que le groupe de travail rassemblant, l'Ordre des experts-comptables, l'Académie des sciences comptables, le LNE et les éditeurs a défini. Les deux solutions ont la même valeur. Le fait de produire un faux certificat ou une attestation ne répondant aux attentes de l'administration peut avoir de très lourdes conséquence en termes de sanctions.
Batiactu : Des logiciels ont-ils déjà ces attestations ?
Marc Lamort de Gail : Oui, il y en a à peu près 250 certifiés côté Infocert mais ce sont surtout des caisses enregistreuses, alors que les logiciels concernés vont bien au-delà de la simple caisse enregistreuse. Est désormais concerné tout logiciel qui a une fonction de caisse, qu'il s'agisse d'un logiciel de comptabilité, de facturation ou de gestion commerciale dès lors qu'il enregistre les paiements des clients. Ce type de logiciel doit donc être certifié. Du côté du LNE, 70 ont déjà été certifiés ou sont en cours de certification.
Batiactu : Tous ces logiciels n'avaient donc pas l'obligation d'être certifiés jusqu'à présent ?
Marc Lamort de Gail : En fait, l'administration avait bien publié ses exigences dès août 2016 dans son instruction. Le communiqué de presse du ministre Gérald Darmanin indiquait qu'il allait restreindre le champ au système et logiciel de caisse sauf qu'il ne définissait pas ce qu'était un logiciel de caisse. Et l'administration l'a défini au mois d'août 2017 dans ses FAQ. Sont concernés tous les logiciels qui enregistrent des règlements clients non assujettis à la TVA. Le ministre a en outre précisé à la Fédération française du bâtiment qu'"un simple logiciel de facturation, qui n'enregistre pas de paiement, n'entre pas dans le champ, mais un logiciel de facturation qui les enregistre est concerné. Dès que les assujettis (à la TVA) effectuent au profit de clients non assujettis, ils entrent dans le dispositif, sans que la décision de délivrer des factures à leurs clients particuliers puissent être opposée à l'administration".
Batiactu : Vous confirmez donc que les entreprises du bâtiment qui ont des clients particuliers et qui utilisent un système informatique pour enregistrer les paiements de leurs clients doivent demander une attestation ou la certification à leur éditeur ?
Marc Lamort de Gail : Soit elles ont des éditeurs qui leur ont fourni un logiciel ou des intégrateurs qui les ont adaptés et elles demandent la certification ou l'attestation, soit elles l'ont développé elle-même. Dans ce dernier cas, elles doivent se faire certifier par le LNE ou Infocert.
Les entreprises du bâtiment doivent donc demander à leur éditeur ce qu'il fait pour la certification ou l'attestation.
Batiactu : Que va-t-il se passer si les éditeurs n'ont pas cette certification ou attestation ?
Marc Lamort de Gail : Nous sommes dans une année pédagogique, mais s'il y a un contrôle, il faudra que l'éditeur montre qu'il a engagé le processus. Par contre, s'il s'agit d'une caisse enregistreuse alors il faudra être prêt. Si c'est un logiciel complexe, un logiciel maison ou un ERP (ndlr : système de suivi de projet avec facturation) alors là, il faut sans doute du temps pour se préparer et engager les travaux. Dans tous les cas il faut montrer que l'on a demandé à son éditeur d'engager le travail de conformité.
Batiactu : Que faut-il faire pour avoir la certification ?
Marc Lamort de Gail : Il faut respecter un référentiel de certification. Il y a celui d'Infocert ou celui de LNE. Il y a aussi le référentiel d'attestation que nous avons élaboré dans notre groupe de travail. Il y à une trentaine de conditions à respecter dans le cadre de cette préparation à la certification. Le but de l'audit de certification c'est de vérifier qu'ils sont remplis. C'est la déclinaison des quatre critères, cités plus haut, déclinés en pratique.
Batiactu : Où peut-on trouver ce référentiel ?
Marc Lamort de Gail : En ce qui concerne le LNE, il est disponible gratuitement sur son site. Pour celui d'Infocert, il est payant. Et en ce qui concerne le référentiel d'attestation, l'Académie des Sciences et Techniques Comptables et Financières le publiera gratuitement au printemps sur son site, celui de l'association des éditeurs et sur celui de l'ordre des experts-comptables.
Par contre, ce que je peux vous dire c'est que beaucoup d'éditeurs viennent sans s'être préparés et que du coup il y a un taux d'échec non négligeable. Ce n'est pas l'audit qui est consommateur de temps (quelques jours). Ce qui l'est, c'est le temps qu'il faut pour être prêt pour l'audit. Lors de la conférence, l'éditeur Sage a indiqué que c'était 40% du temps de ses développeurs cette année pour cette mise en conformité.
Batiactu : que doivent faire les entreprises et les éditeurs en attendant d'avoir la certification ?
Marc Lamort de Gail : Comme la mise en conformité peut demander un certain temps pour l'éditeur, il peut y avoir un engagement d'une mise en conformité qui peut être signé et nous mettons à disposition un document qui peut être présenté à l'administration fiscale. Il s'agit d'une charte de mise en conformité : document par lequel l'entreprise et son éditeur s'engagent à se mettre en conformité dans un certain délai.
Batiactu : L'administration sera donc clémente pour les entreprises ou éditeurs qui auront entrepris la démarche ?
Marc Lamort de Gail : Nous avons une partie de l'année 2018 pour se mettre en conformité et l'administration comprend qu'il puisse y avoir un besoin de développement et de remise à niveau de logiciel. Ce qu'elle veut c'est surtout que la démarche soit engagée et qu'elle aboutisse à la fin d'année au plus tard.