La question du logement des sans-abri et des ménages modestes, qui a fait irruption dans la campagne électorale avec la proposition du candidat Lionel Jospin de "couverture logement universelle", divise les candidats d'accord sur le constat du mal-logement mais pas sur les remèdes.

En fixant comme objectif, le 17 mars, qu'il n'y ait plus de SDF d'ici à cinq ans, proposant de "faire appel aux ONG (organisations non gouvernementales) qui seront dotées de moyens financiers nécessaires" pour résoudre le problème de la grande pauvreté, Lionel Jospin a fait entrer la grande exclusion dans une campagne plutôt réservée sur ce sujet.

Il a aussi repris dans son programme le projet de Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au Logement, d'instaurer une "couverture logement universelle" (CLU), sorte de couverture médicale universelle (CMU) adaptée au logement.
L'idée avait été lancée par le réseau associatif il y a deux ans, et concrétisée en janvier par le Conseil national de l'habitat.

Partant du constat que les aides personnelles au logement assurent une couverture essentielle mais insuffisante et s'adaptent mal à la précarité, les promoteurs de la CLU proposent de garantir l'accès et le maintien dans le logement, en supprimant notamment la caution et en évitant les expulsions pour impayés de loyers.

"La CLU est un dispositif majeur", a rappelé Mme Lienemann mercredi, lors d'un débat avec les associations à l'Atelier de campagne de M. Jospin. "Pour générale qu'elle soit, elle est un outil pour les plus faibles".

Sur ces deux points, accueil des sans-abri et CLU, le principal adversaire du candidat Jospin se distingue. Proche de Jacques Chirac, Jacques Barrot (UDF), ancien ministre des Affaires sociales, estime que le "slogan zéro SDF est au mieux une utopie, au pire un slogan électoral". "Cela évoque le placement d'office", dit-il à l'AFP.

"Il ne suffit pas de dire qu'on ouvrira 50.000 places", dit-il, reprenant le chiffre avancé par l'équipe Jospin de places supplémentaires en centres d'accueil et d'hébergement d'urgence. "La grande exclusion exige un accompagnement personnalisé, il faut prévoir des structures adaptées, comme les pensions de famille, en partenariat avec les collectivités locales", ajoute-t-il.

Au système de garantie proposé par la CLU, Jacques Chirac préfère une "augmentation des aides au logement par la revalorisation des plafonds de loyers", selon M. Barrot, qui affirme que le candidat fera des propositions en ce sens pendant la campagne. "Il souhaite en faire une avancée sociale majeure", dit-il.

"L'avantage de la mesure de Jacques Chirac est de toucher une France fragile, pas assistée mais méritante", ajoute-t-il.

Regrettant qu'on ne parle pas assez de l'exclusion pendant cette campagne, les Verts défendent la CLU d'autant que, disent-ils, "la formule a été inventée" par eux.

François Bayrou, candidat de l'UDF, affirme "partager la générosité de la CLU", tandis que Robert Hue, candidat communiste, est plus mesuré, jugeant que, si "elle peut contribuer pour une part" à résoudre le problème du logement social, "sans régler celui des SDF", elle "doit être un élément d'une politique globale".

"Porte ouverte à tout et n'importe quoi" pour Bruno Mégret (MNR), la CLU est enfin une énigme pour Jean-Yves Autexier, proche de Jean-Pierre Chevènement (MDC), qui "n'en voit pas les contours" et la juge "trop imprécise".

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