Dans un référé sur le réseau des 26 caisses de congés du BTP, qui gère le chômage intempéries et les congés payés, la Cour des comptes a fait des recommandations afin d'aller vers de nouveaux ajustements. Au menu : abattement de masse salariale, niveau des réserves, règle du prorata, pérennisation du régime des congés payés ou unification des taux de cotisation. Détails et réponses des ministères.

A la suite d'une enquête approfondie sur les caisses de congés du bâtiment et des travaux publics, la Cour des comptes a rendu plusieurs recommandations, le 26 février 2016, pour tendre vers un fonctionnement optimisé du dispositif, à l'attention des ministères des Finances et des Affaires sociales.

 

Tout d'abord, rappelons que le réseau des caisses du BTP gère deux régimes distincts : congés payés, créé en 1937 ; chômage intempéries créé en 1946. Aujourd'hui, il existe 26 caisses, dont 2 nationales. Quant aux 24 caisses régionales, elles ne devraient plus être qu'au nombre de 8 en métropole et 2 dans les DOM, à l'horizon 2020. La Cour des comptes précise également que le réseau comptait en 2013-2014, 218.231 entreprises adhérentes, déclarant 1.5 million de salariés pour une masse salariale de 32.4 Md€. Les congés payés (CP) représentaient 4.4 millions de paiement d'indemnités pour un montant de 6.5 Md€, tandis que le chômage intempérie (CI) a assuré à hauteur de 72 M€ la prise en charge partielle des indemnités versées aux salariés lors d'arrêts de travail (8.9 millions d'heures).

 

Ajustements dans le régime CI

 

Concernant le régime du chômage intempéries, qui est complémentaire au régime général de l'activité partielle et cofinancé par l'Etat et l'Unedic, la Cour estime qu'il a toutes ses raisons d'être et que son existence n'a pas lieu d'être remise en question. En revanche, elle énonce deux préconisations.

 

La première est une consultation des entreprises sur le niveau de l'abattement et sur l'ouverture d'un accès optionnel aux TPE. En effet, depuis 1949, un abattement portant sur la masse salariale permet de réduire l'assiette de cotisation de CI, mais aussi le droit à remboursement, dans une proportion qui décroît de façon inverse à la taille de l'entreprise. En clair, ce serai plus de deux-tiers des entreprises et près de 30% des salaires qui seraient exclus de ce mécanisme de solidarité… au profit des grandes entreprises. Celles-ci, par la voix des grandes fédérations professionnelles, estiment que les petites entreprises « disposent d'une souplesse suffisante pour trouver du travail pour leurs salariés en cas d'intempéries et ne doivent pas être obligées de cotiser sans perspective de contrepartie », souligne la Cour des comptes dans le référé. Mais elle tempère : « Le bien-fondé de cet argument reste toutefois à vérifier ».

 

Dans un courrier daté du 26 avril 2016, les ministères répondent prévoir « d'étudier l'opportunité d'un ajustement du niveau de l'abattement (…) et de la mise en place d'un accès optionnel aux TPE ». Des travaux qui doivent être conduits « au second semestre 2016 », assurent les ministères.

 

Demande d'expertise

 

Autre recommandation par rapport au régime CI, qui porte sur le niveau des réserves : la Cour demande que soit définies les normes d'une gestion sécurisée du régime intempéries au regard de la sinistralité observée sur une longue période. Et non de façon empirique, comme c'est actuellement le cas. Ainsi, en avril 2014, le régime ne disposait que de 26 M€ de réserve, contre les 224 M€ exigés par l'arrêté ministériel du 15 juillet 2013. Une situation qui a conduit à approuver tardivement des augmentations de taux de cotisation pour reconstituer la réserve, et de fait à diminuer le niveau réglementaire de la réserve afin d'éviter un relèvement trop brutal des cotisations.

 

Les ministères ont indiqué avoir demandé une expertise de la Caisse centrale de réassurance (CCR) qui pourra apprécier la pertinence des hypothèses d'évolution des paramètres financiers du régime. Un partenariat est en cours de formalisation et des réponses sont attendues prochainement.

 

Congés payés : un régime nécessaire ?

 

Concernant le régime des CP, la Cour des comptes est plus radicale. Elle explique que si cette caisse, mise en place au lendemain de la loi des congés payés de 1936 pour assurer la portabilité des droits à congés dans un secteur caractérisé à l'époque par la discontinuité de l'emploi, elle n'a aujourd'hui plus lieu d'exister. « Cette époque est révolue et le secteur du BTP ne présente plus de particularités faisant apparaître la nécessité de telles caisses », même si une large majorité d'entreprises et de salariés plébiscitent les services rendus par cette caisse.

 

Aussi, la Cour recommande-t-elle, par rapport à ce régime, la suppression de la règle du prorata, qui vise à faciliter le recouvrement des cotisations en retard, en obligeant les caisses à suspendre, au prorata des impayés, le versement des indemnités de congés aux salariés des employeurs défaillants. Une mesure, définie par décret en 1997, qui va à l'encontre du caractère inconditionnel des droits à congés pour les salariés.

 

Réponse des ministères : « Cette recommandation va dans le sens d'une véritable mutualisation du régime des congés payés qu'on ne peut que partager ». Cette limitation à la mutualisation, qui n'existe que dans le BTP, est-elle encore pertinente, s'interrogent les ministères.

 

La Cour recommande aussi de réexaminer le bilan coût-avantage du régime CP, laissant le soin aux ministères de procéder à une analyse contradictoires avec les parties prenantes. « Le gouvernement demeure attaché au principe de la mutualisation des congés, comme y sont également attachés les partenaires sociaux des professions concernées. Pour autant, nous demeurons attentifs à une évaluation régulière de la qualité des services rendus par les caisses aux salariés et aux employeurs », notent les ministres.

 

Caisses du BTP : quel avenir ?

 

« Si le maintien du régime est confirmé, il sera nécessaire de mettre fin aux disparités territoriales des taux de cotisations de congés payés entre les différentes caisses du bâtiment », indique la Cour des comptes. Des différences qui ne pas « objectivement justifiées par un coût technique différent », ajoute-t-elle.

 

Forte de l'avis favorable de la direction générale du travail (DGT), elle penche donc pour « un taux unique de cotisation des caisses régionales du bâtiment » et vers « le regroupement des caisses nationales et territoriales ». Cependant, cette initiative ne pourra pas être enclenchée avant l'achèvement de la réorganisation en cours du réseau autour de 8 caisses territoriales : les fédérations professionnelles - hors Capeb qui est d'ores et déjà favorable à l'application d'un taux unique national - préfèrent retarder ce processus au motif de ne pas déstabiliser l'économie du secteur par des alignements trop rapides, précise la Cour. Qui, elle, est favorable à l'adoption « sans attendre » de ce principe d'unification des taux et d'engager le processus dès 2017.

 

Les ministères partagent l'intérêt d'une plus grande convergence pour arriver à un taux unique. En revanche, le regroupement des caisses pour ne former qu'une caisse unique « ne constitue pas aujourd'hui un objectif en soi, même si elle n'est pas exclue à long terme ».

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