Depuis un peu plus d'un an, Ocre, une entreprise féminine de BTP de Marseille, tente de convaincre donneurs d'ordre et professionnels que ce secteur d'activité, porteur d'emplois, n'est pas l'apanage des hommes.

Grâce à Ocre, Martine Moreno, 35 ans, et Claire Lubin, 34 ans, peuvent finalement faire un métier dans le bâtiment. «Les enduits, la peinture, cela m'a toujours plu, raconte Martine, occupée sur le chantier d'une maison à Aix-en-Provence. J'ai essayé d'en discuter avec les conseillères à l'école mais on m'a dit que ça n'existait pas». Elle s'est alors orientée vers la restauration où elle a travaillé pendant dix ans avant de revenir à son premier élan.

Claire, maîtrise en poche, a enseigné quelques années le français à des étrangers sans grande satisfaction. «J'ai fait un bilan et il en est ressorti: le bâtiment. J'y avais songé auparavant mais c'était quelque chose d'impossible. Fille de profs, j'ai été formatée universitaire, le bâtiment cela n'entrait pas dans le moule». Elle a depuis obtenu un CAP de carrelage et mosaïque.
«Il y a un besoin énorme de main d'oeuvre dans le secteur du BTP, on s'est dit pourquoi pas nous ?», explique Martine Durand, assistante technique de l'entreprise qui emploie sept personnes dont cinq femmes. D'autant que Marseille compte une forte proportion de femmes sans grand niveau de qualification, notamment d'origine étrangère, pour lesquelles une carrière dans le BTP pourrait constituer une alternative au destin de chômeuse qui les guette souvent, renchérit l'une des cinq fondatrices d'Ocre, Arinna Latz.
Mais l'idée d'employer des femmes n'emballe pas vraiment les patrons du BTP. «Pour eux, cela signifie beaucoup d'ennuis: prévoir des lieux où se changer, des sanitaires. Ils ont aussi peur de déstabiliser le groupe de travail en mettant des femmes au milieu d'hommes», dit Martine Durand. D'où l'idée de Arinna Latz et de quatre autres femmes de lancer leur propre entreprise pour embaucher et former des femmes.
Pour démarrer, elles ont obtenu des aides de l'Etat, du Fonds social européen, des conseils régional et général. Elles disposent aussi d'une aide de deux ans à l'accompagnement social de chaque salarié embauché. Ocre –qui porte aussi la «casquette» d'association de réinsertion– s'est spécialisée dans le second oeuvre (peinture, enduit, carrelage...) et la finition, moins pénibles physiquement et dans lequel les femmes excellent, explique Martine Jourdan, une des autres co-fondatrices.
Depuis fin janvier 2005, la société a réalisé une trentaine de chantiers pour 100.000 euros de chiffre d'affaires grâce à un bouche-à-oreille efficace. «Dans cinq ans on veut être incontournable sur le marché du BTP en PACA et employer de 12 à 15 personnes», dit Mme Latz. Des femmes mais aussi des hommes pour ne pas se mettre en infraction avec la loi ou hériter de l'étiquette «féministe». «Il n'est pas question d'exclure les hommes mais de promouvoir le travail des femmes», affirme Arinna Latz.
Selon la directrice d'Ocre, Isabelle Guillon, la fédération du bâtiment et l'ANPE encouragent désormais volontiers les vocations féminines. Un constat tempéré par la déléguée régionale au droit des femmes Françoise Rastit qui juge que «les résistances restent fortes dans le gros œuvre». Et d'ajouter: «Si les femmes y entrent c'est que le BTP attire de moins en moins les hommes».

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