Considéré comme le secteur qui présente les chiffres les plus alarmants en matière de santé, de risques au travail et de conditions de travail, le BTP est au cœur d'une étude sur la pénibilité et la retraite, publiée par le cabinet Alpha. Il en ressort une solution aux environs de 500 M€ qui devrait générer des économies pour les régimes chômage, invalidité et maladie employés pour se séparer des salariés devenus trop âgés. Détails.

Une étude du groupe Alpha, cabinet de conseil spécialisé dans les relations sociales et le développement local, publiée au dernier trimestre 2009, apporte quelques repères en matière de pénibilité et de retraite dans le BTP. Le cabinet préconise ainsi une solution de retraite anticipée « juste et réaliste », dont le coût global net serait compris entre 460 et 560 M€, et concernerait une population bénéficiant structurellement de ce dispositif, estimée entre 36.000 et 44.000 en régime de croisière.

 

L'étude d'Alpha se présente comme l'actualisation d'un travail précédent, publié en 2004, dont l'objet était de contribuer au débat sur la définition de la pénibilité et sa prise en compte dans le système de retraite propre au BTP, suite à la promulgation de la loi sur les retraites du 21 août 2003 et la question de la pénibilité au travail. Alors que les négociations interprofessionnelles sur ce sujet se sont achevées sur un échec en juillet 2008, la pertinence de l'étude de 2009 demeure d'autant que le BTP reste un secteur où cela se justifie pleinement. En effet, le cabinet Alpha revient sur deux points importants qui constituent son étude : le BTP est le secteur qui présente les chiffres les plus préoccupants en termes de santé et de risques au travail, ainsi que des conditions de travail ; l'exclusion par le chômage, la maladie ou l'invalidité des travailleurs seniors, de plus de 55 ans, est une conséquence de la dénégation du phénomène de pénibilité. Pour répondre à ces problématiques, il propose un système de retraite anticipée sur critère de pénibilité et l'estimation de son coût, tandis qu'un décret du 31/12/2009 maintient le droit à la retraite progressive jusqu'à fin 2010. Un dispositif qui permet, en fin de carrière, de cumuler une activité salariée à temps partiel et une partie des pensions de retraite de base et complémentaires.

 

Le BTP, secteur à risques
Taux d'accidentologie élevé, nombre de décès important, maladies professionnelles en augmentation, forte exposition aux facteurs de pénibilité (station debout, postures pénibles, port de lourdes charges, déplacements à pied longs ou fréquents, exposition à des vibrations) : autant d'indicateurs qui permettent d'appréhender la notion de pénibilité dans le BTP. Ce qui a une incidence certaine sur le nombre de salariés exclus progressivement de l'emploi. Ainsi, l'étude révèle que le taux d'emploi des actifs dans le BTP baisse de façon continue à partir de 50 ans (source : Pro-BTP au 31/12/2007). « Malgré des tensions sur l'emploi dans le secteur de la construction constatées ces dernières années, un certain nombre de salariés âgés du secteur subissent un phénomène d'exclusion dès 50 ans, puis de manière croissante. Dans la classe d'âge 55-59 ans, 14% des individus sont au chômage, 15% en invalidité et 5% en maladie de plus de 90 jours », indique l'étude.

 

Le groupe Alpha préconise donc une solution de retraite anticipée qui viendrait compenser la pénibilité subie, générer de nouveaux flux de départs anticipés en retraite, et réduire des sorties d'activité des populations âgées pour raisons de chômage, invalidité ou maladie. Le dispositif établi par Alpha « aurait pour effet, en régime de croisière (au bout de 5 à 6 ans) de remplacer les pratiques excluantes d'aujourd'hui par un régime plus légitime, plus sécurisé et plus digne de mise en retraite ». Pour simuler l'impact et le coût d'un tel dispositif, le cabinet retient le principe d'une anticipation de 5 ans de l'âge de départ possible à la retraite. L'ouvrier devrait justifier d'au moins 15 ans de travail pénible : il gagnerait alors un trimestre pour deux années de travail pénible, ou mieux, un trimestre par année. Les flux de départs anticipés ont été estimés comme suit : « La première année de mise en place du système anticipé verrait un pic de sortie des salariés faisant valoir leur droit entre 25.000 et 33.000 départs (selon les hypothèses). Elle serait suivie d'une période de transition s'étalerait sur 5 ans avec un nombre de départs supplémentaires baissant fortement et progressivement (environ 10.000 départs en cumul sur 5 ans). Au-delà, les flux d'entrants et de sortants du système de bonification tendraient à s'équilibrer ».

 

Au final, « en régime de croisière, cette population serait comprise entre 36.000 et 44.000 et le coût global net compris entre 460 et 560 M€, soit 1.9 à 2.3% de la masse salariale (2007, ndlr) des seuls ouvriers », estime le groupe Alpha. Le financement pourrait se répartir entre l'assurance chômage et maladie du fait des économies réalisées, l'Etat, une contribution des entreprises et une augmentation des cotisations de retraite du secteur modulée en fonction des efforts réalisés pour réduire la pénibilité, proposent les auteurs de l'étude. A ce jour, aucune des organisations contactées (FFB et Pro-BTP) ne souhaitent faire de commentaires… Sujet tabou !

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