Une entreprise toulousaine remet au goût du jour un matériau millénaire : la terre crue. Elle propose des briques compressées, qui associent terre et adjuvants, pour apporter de l'inertie thermique dans les constructions durables. Explications.
La terre est utilisée depuis l'aube de l'humanité pour construire des habitations. La brique de terre compressée est apparue, quant à elle, à la fin du 18e siècle, grâce à un Français, Jean-François Cointeraux, promoteur du "nouveau pisé", en utilisant un… pressoir à vin modifié. C'est lui qui reconstruit la ville de La Roche-sur-Yon (Vendée), entre 1804 et 1808, qui avait été détruite pendant la Révolution. A nouveau, des entrepreneurs français se penchent sur cette solution constructive : la société Meco Concept remet au goût du jour la technique de production en la mécanisant et en ajoutant du liant à la terre, afin d'obtenir des blocs mécaniquement solides et homogènes en termes de dimensions. Thierry Perrocheau, le fondateur, nous explique : "Le projet a démarré en 2006, avec la demande d'un architecte qui recherchait une solution pour de l'habitat alternatif au parpaing. La brique de terre crue était produite par des entreprises belge et sud-africaine, mais leurs produits présentaient des défauts".
En 2008, il créé Meco Concept, afin de produire les machines de fabrication des briques. "Ce qui nous différencie, c'est d'abord la forme de ces briques, qui sont comme des Lego® et qui peuvent donc, sous certaines conditions, s'emboîter à sec", nous précise-t-il. Deuxième différence, la possibilité d'alimenter les machines avec un "générateur solaire" (des panneaux solaires ambulants) afin de réduire au maximum l'empreinte carbone de la solution constructive. "La consommation est divisée par 10", assure-t-il, diminuant également la facture. "De plus, nos machines travaillent à l'optimum de la terre sélectionnée, de façon à ce que la quantité d'eau contenue soit toujours de 15 %", poursuit Thierry Perrocheau. Afin de parvenir à la meilleure qualité de brique, une analyse préalable de la terre s'avère nécessaire, et nécessite environ 5 jours, compte tenu des temps de séchage. Mais la prise en main des outils est rapide : "Les gens sont opérationnels en une journée seulement et parviennent à produire des briques de qualité professionnelle. En fait, notre procédé est moins dépendant des compétences de l'opérateur".
Murs porteurs, façades extérieures ou cloisons
Une fois prêtes, les briques peuvent servir à monter des murs porteurs - comme cela se fait en Afrique avec des R+2 car la réglementation est moins draconienne - à remplir des structures poteaux-poutres, ou à réaliser des cloisons à l'intérieur de bâtiments bois notamment. "Elles apportent de l'inertie thermique et de la régulation hydrique, ce qui améliore la performance d'une maison et un air plus sain", détaille le fondateur de Meco Concept. Plus d'une cinquantaine de maisons disposent de murs, de cloisons ou de colonnes d'inertie en brique de terre crue, en France. "Pour les particuliers ou artisans qui veulent en acheter directement plutôt que d'investir plus lourdement dans le matériel de production, nous avons mis en place le réseau Briquethic avec des entreprises partenaires qui disposent de nos machines", évoque Thierry Perrocheau. En Afrique, terre d'élection pour le pisé, l'entreprise est en pourparlers avec de nombreux pays, dont le Gabon, la Côte d'Ivoire, le Soudan du Sud ou le Cameroun. "Le plus gros de ces projets concerne la construction de 12.000 logements", nous avoue le fondateur, "il s'agit de l'aménagement de quartiers pour des fonctionnaires et classes moyennes émergentes".
Dernière utilisation possible : la rénovation patrimoniale. La société Lefèvre a opté pour la brique de terre crue afin de restaurer les murs extérieurs de la contre-garde de la citadelle Vauban de Lille, classée au Patrimoine Mondial. Ubiquitaire, naturelle et économique, la brique de terre crue convaincra-t-elle toujours plus de constructeurs à l'avenir ?
Elle est composée de terre non végétale, comprenant du gravier, du sable et des éléments fins (limons, argiles à 20 ou 30 %), à laquelle est ajoutée un agrégat liant (ciment ou chaux). L'ensemble est placé dans une presse mécanique, hydraulique ou pneumatique, sous une pression de 26 à 46 kg/cm² pour être stabilisée et mise en forme. Environ 180 briques peuvent être produites par heure avec une machine.
L'argile assure la cohésion de la matière en formant des strates. Les liants, quant à eux, permettent d'éviter le phénomène de rétractation ou de gonflement à l'humidité, évitant le craquellement de la brique. La densité obtenue varie entre 1,8 et 2 tonnes/m3, tandis que la résistance mécanique varie de 4 à 10 MPa (soit des valeurs équivalentes à celles des parpaings et des briques cuites).
La brique obtenue présente une bonne qualité d'isolation phonique mais ne constitue pas un isolant thermique en soi. La société Meco Concept recommande, dans le cas des façades, de recourir à l'ITE, de préférence à base de matériaux naturels (chaux-chanvre, panneaux en fibre de bois, liège).