Des dizaines de cabanons multicolores restent accrochés, pour certains depuis plus d'un siècle, aux falaises de Saint-Brieuc, résistant à l'assaut des éléments et de la mairie qui détruit, quand il n'y a plus d'héritier, ces constructions enfreignant la loi Littoral.

Ces cabines de bain améliorées, entourées de jardinets, font depuis le XIXe siècle partie du patrimoine de Cesson, un quartier maritime de l'agglomération briochine. Beaucoup de cabines datent des années 1930 et des premiers congés payés.

Chaque été, ces cabanons de bois, qui s'héritent de génération en génération, reprennent vie, à l'instar de celui de Lionel Gaubert, 65 ans. Allongé dans sa chaise longue face à la plage, le retraité, qui habite le reste de l'année près de Saint-Brieuc, dit avoir racheté son cabanon bleu il y a 45 ans à son beau-père. «Ces cabanes, il ne faut pas qu'ils nous les enlèvent, on y est trop attaché, et nos enfants aussi», plaide-t-il.

Claude Riou, un plâtrier retraité de 71 ans, a réalisé son rêve en achetant il y a 15 ans une cabine sans eau ni électricité, mais qu'il a équipée minutieusement. «J'ai creusé moi-même le rocher auquel elle est adossée pour gagner 90 cm de largeur. C'est beau, hein'», dit-il, en faisant visiter les lieux qu'il occupe de février à novembre.

Paulette, une grand-mère de «70 ans environ», passe depuis son enfance toutes ses vacances d'été à la Cité Baby, un «quartier» de ce village de cabanes, autrefois peuplé de familles nombreuses. «Il n'y a plus de vie comme avant, plus de buvette sur la plage, plus de boulanger pour livrer le pain», regrette-t-elle. «Mais mes petits-enfants, qui ont pourtant une maison aux Rosaires (la grande plage de l'agglomération briochine), ne manqueraient pour rien au monde leur mois de vacances ici. Ils y retrouvent leurs copains, c'est plus convivial».

Cependant, lorsqu'un propriétaire de cabanon meurt sans héritier ou qu'une vague assassine endommage irrémédiablement une construction, la mairie rachète et détruit l'installation pour se mettre en conformité avec la loi Littoral.

Unique en Europe, la loi Littoral du 3 janvier 1986 vise notamment à contenir l'urbanisation des côtes. Le Premier ministre Dominique de Villepin a demandé la semaine dernière, en installant à Matignon le Conseil national du littoral, que cette loi soit appliquée «avec rigueur».

Alain Cadec, adjoint au maire, ne cache pas «une certaine tendresse» pour ce village d'irréductibles, tout en les rappelant à la loi. «Je me vois mal arriver avec un bulldozer et raser tout ça, car cela représente une partie de l'histoire briochine». «Mais toutes ces cabanes sont dans une zone de non-droit. Or, les collectivités ont des obligations en matière de construction, d'hygiène, d'assainissement», souligne l'élu.

Paulette fulmine contre les autorités et pointe du doigt d'immenses villas neuves construites en bord de falaise, non loin de son cabanon: «Et ces maisons de banquiers, vous croyez qu'elles la respectent, la loi Littoral'».







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