Les deux architectes japonais Yoshiharu Tsukamoto et Momoyo Kaijima s’approprient avec brio le peu d’espace disponible dans les rues de Tokyo. Leurs mini-maisons se dressent fièrement dans les tissus urbains les plus denses. Présentation d’une agence d’architecture japonaise qui a acquis une renommée mondiale.

«Tout le génie de l’agence Bow-Wow est d’inventer de l’espace là où il n’y en a pas». C’est en ces termes élogieux que Françis Rambert, directeur de l’Institut Français d’Architecture, a présenté lundi 11 février le travail de Yoshiharu Tsukamoto et Momoyo Kaijima, deux architectes japonais de passage à Paris, au public massé en nombre dans l’auditorium du Palais de Chaillot. Le duo, vivant et travaillant à Tokyo, parvient en effet à inscrire l’architecture dans des tissus urbains étonnement denses. Un véritable exploit lorsque l’on connaît le comportement du bâti dans les grandes agglomérations japonaises ! Ces dernières sont complètement saturées, faites d’enchevêtrements, de superpositions complexes et variées, d’agencements contradictoires… «Tout échappe à l’ordre établi» résume Yoshiharu Tsukamoto, co-fondateur de l’agence Bow-Wow. Mais ces contraintes, au lieu de freiner l’architecte japonais, le stimulent.

Une démarche analytique
Avant de se lancer dans un projet, les deux associés ont un rituel. Ils procèdent à un minutieux travail d’observation des comportements «dans et autour du quartier, voire même à l’échelle de la ville entière». Sont pris en compte dans cette étude : les habitudes des individus vivant dans la zone ainsi que les conditions climatiques (présence de vent, de chaleur)… «Notre architecture crée des passerelles entre les différents comportements observés» raconte Yoshiharu Tsukamoto.

Pour bien faire comprendre en quoi cette démarche consiste, l’architecte prend l’exemple de son fameux «furnicycle». «A Shanghai, la rue est un lieu non seulement utilisé pour faire du vélo, mais également pour se réunir entre voisins. Nous avons donc eu l’idée de mettre au point un nouveau type de mobilier associant ces deux comportements» confie l’architecte. Le résultat est tout à fait singulier puisque le vélo fait également office de meuble. «Lorsque le trajet est long, on peut s’attabler pour faire une petite pause» s’amuse l’architecte.

«S’insinuer au plus près de ses voisins»
En appliquant cette même méthode de travail fondée sur l’observation des usages à l’habitat, l’agence Bow Wow propose aux japonais une nouvelle génération de maisons. Toutes sont caractérisées par leur très petite taille et par leur verticalité. Des principes qu’ils ont appliqués à leur propre domicile, faisant également office de bureau. Située dans un quartier calme de Tokyo, elle s’érige dans une zone enclavée par un groupement de trois maisons… une situation telle que la maison n’est même pas visible depuis la rue ! «Au Japon, on peut s’insinuer au plus près de ses voisins. La distance légale à respecter est seulement de 50 cm» explique Yoshiharu Tsukamoto, dans un français parfaitement intelligible.

Ce manque d’espace à l’extérieur se fait complètement oublier une fois à l’intérieur : les différentes zones sont complètement ouvertes - la fluidité entre elles est assurée par un escalier en zigzag exploitant toute la hauteur du bâtiment – et, aussi étonnant que cela puisse paraître, extrêmement lumineuses, des baies vitrées étant en effet installées dans le moindre interstice.

Des solutions créatives remarquées
Pour parvenir à composer avec aussi peu de mètres carrés, l’architecte japonais est souvent amené à «emprunter des chemins de traverse». Tel a été le cas avec la «Sway House». L’architecte a pris le parti audacieux d’incliner le bâtiment pour avoir la vision plus vaste possible du ciel. «Le résultat est complexe à réaliser puisque nous avons réalisé une torsion des murs» commente Yoshiharu Tsukamoto.

Un travail inventif qui vaut à son agence, fondée en 1992, d’être aujourd’hui célèbre dans le monde entier. Elle a d’ailleurs été récemment sélectionnée pour la réalisation de logements sociaux, rue Rebierre, dans le 7e arrondissement de la Capitale. Un projet bien différent de ceux réalisés jusqu’à présent : «ce travail n’a pas été évident pour moi car j’ai dû m’adapter aux standards français qui sont totalement nouveaux». Reste à maintenant à savoir si les parisiens se plairont autant que les japonais dans les habitations signées Bow-Wow.

Découvrez quelques unes des réalisations de l'atelier Bow-Wow.

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