RÉACTIONS. Pour le président du Plan Bâtiment Durable, l'idée de bonus-malus appliquée aux passoires énergétiques n'est pas une punition mais, au contraire, une opportunité pour diminuer les frais de mutation. Il nous livre son point de vue, tout comme le Cler, Réseau pour la transition énergétique.
Le ministre de la Transition écologique et solidaire souhaite éradiquer les passoires thermiques et envisage différentes pistes, comme la mise en place d'un bonus-malus sur les frais de mutation lors de l'acquisition d'un bien. Une idée qui ne déplaît pas à Philippe Pelletier, le président du Plan Bâtiment Durable, qui nous explique pourquoi : "Il ne s'agit pas de punir mais de sortir par le haut. Ce n'est pas un écrasement mais, au contraire, une opportunité pour payer moins cher en frais de mutation". L'avocat détaille : "Le moment de la transaction est le bon pour faire des travaux, puisque l'acheteur prévoit souvent d'en faire. L'esprit est de rénover le bien, y compris énergétiquement. Et le levier fiscal est un très bon signal prix pour l'acquéreur".
Mais comment fonctionnerait ce système de majoration ou exonération partielle des droits de mutation ? Philippe Pelletier nous explique : "L'idée n'est pas de faire entreprendre les travaux par le vendeur, d'autant que les épaves thermiques qui sont détenues par des gens pas aisés ont déjà perdu de leur valeur. Dans les faits, l'acquéreur déposera l'intégralité des frais de mutation auprès de son notaire, au moment de l'achat du bien. Et, dans un délai défini de 18 ou 24 mois par exemple, sur présentation de justificatifs des travaux, il pourra en récupérer une partie". Le dispositif permettrait même, selon l'avocat, de monter directement des dossiers de financement en "acquisition-amélioration" auprès des banques.
Le bonus forcément équilibré par un malus
Le versant bonus est donc expliqué, mais qu'en sera-t-il du malus ? Là encore, le président du Plan Bâtiment Durable, nous éclaire : "Les droits de mutation vont aux communes et aux départements. Pour ajuster leurs finances, ces collectivités devront donc équilibrer le bonus par un malus. A moins que l'Etat ne compense les non recettes liées au bonus - chose qui paraît inconcevable - il y aura forcément des droits de mutation majorés". La pénalité sera donc portée par l'acheteur d'un bien non performant thermiquement dans lequel il ne ferait aucune intervention. Philippe Pelletier soutient que les collectivités locales devraient avoir le droit de moduler leur fiscalité afin de récompenser les initiatives méritoires. Il propose même l'application de ce principe de bonus-malus à deux autres taxes : "Pour l'enlèvement des ordures ménagères tout d'abord. Il n'est pas normal qu'une copropriété qui trie ses déchets paie la même taxe qu'une autre qui ne fait rien. L'intelligence serait de la moduler en fonction des efforts des occupants. La taxe foncière ensuite, qui pourrait également saluer le fait qu'un immeuble soit raccordé à un réseau de chaleur alimenté par des énergies renouvelables par exemple".
Le spécialiste du "droit souple", toujours favorable aux incitations plutôt qu'aux punitions, nous rappelle également que les travaux embarqués ne sont pas une obligation au sens juridique du terme. "Ils sont considérés comme pouvant être aidés, et, autre garde-fou, cette obligation ne joue que si l'équation économique est au rendez-vous, c'est-à-dire si les travaux sont réalisables sans problème architectural, si le coût au mètre carré est soutenable et si le temps de retour sur investissement demeure raisonnable", conclut-il. Des mesures de bon sens selon l'avocat.
Le Cler apprécie l'idée, mais souhaite la voir intégrée dans un grand plan de rénovation énergétique
Pour le Cler, Réseau pour la transition énergétique, la sortie de cette information constitue une "surprise", comme l'affirme Joël Vormus, son directeur adjoint, à Batiactu. "Nous n'avions pas vu cela venir. Mais nous soutenions déjà l'idée de moduler la fiscalité à l'efficacité énergétique d'un bâtiment, donc nous sommes satisfaits de cette annonce", ajoute-t-il. Toutefois, le Cler attend de voir ce dispositif, s'il devait jamais voir le jour, intégré dans un grand plan cohérent de rénovation énergétique de l'existant, avant de se prononcer plus avant sur sa pertinence. "Si ce bonus/malus est adossé aux DPE, il faudra que ceux-ci soient améliorés, notamment en profitant des retours d'expérience en la matière des autres pays européens", argumente Joël Vormus. "D'autres problèmes subsistent par ailleurs : en matière de rénovation énergétique, l'offre technique n'est pas toujours à la hauteur, et les structures d'accompagnement des particuliers ne sont pas assez financées." Le Cler rappelle également qu'un 'bonus' pour les propriétaires existe déjà en matière d'efficacité énergétique, auprès des collectivités locales qui peuvent limiter la taxe foncière en fonction des efforts consentis.