Dans les Vosges, la filière bois s'organise. Pas question de laisser partir la matière première à l'étranger. Résultat : de la sélection en forêt au séchage, aboutage et rabotage, l'ensemble des acteurs se mobilisent. Si cette initiative est séduisante, pourrait-elle s'appliquer à toute la France ? Réponses et explications.
La France dispose d'un fort potentiel de surfaces forestières, avec environ 16 millions d'hectares, soit quelque 30% du territoire. Des chiffres qui permettent au pays de se classer parmi les premières puissances européennes en matière de volume de bois sur pied (forêts de résineux et de feuillus). Reste que les enjeux pour la filière, qui emploie plus de 300.000 personnes, sont nombreux car celle-ci manque de structuration, d'investissements et de stratégie.
En effet, encore trop de grumes (troncs) partent à l'étranger et plus particulièrement en Allemagne, en Inde et en Chine pour être transformés en meubles, parquets, etc, laissant planer une menace sur les emplois du secteur.
Néanmoins, les acteurs de la filière tentent de se mobiliser. Ainsi, à côté d'opérations isolées, des partenariats se mettent en place pour créer une dynamique. C'est le cas dans les Vosges où l'ONF, les interprofessions régionales, les scieries, les entreprises, soutenues par le Conseil Général, ont lancé une initiative autour de la filière courte. Objectif : faire travailler ensemble les détenteurs de la ressource et les industries des 1ère et 2ème transformation.
Première étape : dans la forêt
Pour y parvenir, la première étape s'établit sur une sélection minutieuse du bois par l'ONF (Office national des forêts). Ici, les coupes sont programmées année après année en fonction de la protection du milieu, des espèces. Un travail important qu'Etienne Zahnd, directeur de l'agence Vosges Montagne de l'ONF a bien compris : «Notre mission s'appuie sur trois notions : accueillir, protéger et produire. Cette dernière est primordiale car si elle s'enrhume, c'est toute la forêt qui tousse. En effet, la production permet de soutenir les autres activités liées à la forêt comme la mise en place de sentiers de randonnées, la réalisation de trame verte, la préservation de la biodiversité etc.», explique cet amoureux de la nature.
Lire la suite de l'article en page 2
De la scierie à la construction bois
Une fois les arbres choisis par l'ONF et coupés par les bûcherons, les scieries locales prennent le relais et s'occupent de ce qu'on appelle les grumes ou plus simplement les troncs. La scierie vosgienne Mathieu, qui a 65 ans d'existence, s'est adaptée au marché afin d'améliorer sa productivité. Au programme : spécialisation dans les gros bois, mise en place de tranches horaires, tri plus pointu, etc. Malgré tout, l'entreprise se voit dans l'incapacité de satisfaire l'ensemble des demandes : «Nous achetons malheureusement encore du bois en Allemagne», déplore le dirigeant, Benjamin Mathieu, qui n'hésite pas à comparer les productions, soit 1 million de m3 en moyenne pour une scierie allemande et 30.000 m3 pour une française.
Sans se laisser abattre, la filière courte vosgienne est bel et bien sur les rails. Pour preuve, l'apparition depuis quelques années de la société Lorraine Industrie Bois (LIB) qui s'applique à faire du séchage, du profilage, de l'entaillage et même de l'aboutage, une activité rare en France. «Nous avons investi 7 millions d'euros, notamment dans des machines technologiques qui permettent de calibrer le bois de manière précise tout en lui assurant une qualité et une solidité», confie Yann Poirot, gérant de LIB. Et d'ajouter avec fierté : «Nous travaillons avec des scieries locales et nous valorisons le bois local, principalement l'épicéa et le sapin». Une fois ces phases achevées, les produits s'orientent vers la construction.
Et maintenant
Aujourd'hui, après plusieurs mois de collaboration, la filière courte des Vosges semble se diriger vers un succès, il faut maintenant progressivement intégrer l'ensemble des acteurs du territoire. Quant à multiplier cette opération aux différentes forêts françaises, l'idée est séduisante mais le passage à l'acte risque d'être compliqué. En effet, le département des Vosges fait figure d'exception puisqu'ici deux tiers de sa forêt sont publics et seul un tiers est privé. Contrairement à l'ensemble de la France où 74% de la surface forestière dépend de propriétaires privés. Le chemin semble donc encore long pour la filière…
Découvrez en images la filière courte vosgienne
Sélection des bois
Dans les Vosges, une filière courte du bois s'organise. Première étape : la sélection des arbres. Un processus réalisé avec l'ONF.
Coupe dans une scierie
Dans une scierie, le parc à grumes (troncs) précède la découpe.
Scierie : étape de la découpe
Une scie à ruban permet de couper les troncs d'arbre.
Tri des bois
Ci-dessus, le travail dans la scierie Mathieu. Outre les machines, "l'œil" des employés est primordial pour trier le bois.
Scierie : empilage, séchage, rabotage...
Après les découpes en longueurs, place à l'empilage, le séchage, le rabotage, le traitement fongicide et insecticide.
Aboutage, entaillage
La société LIB réalise de l'aboutage dans son usine. Objectif de cette étape : optimiser l'utilisation des bois.
Détail du bois
Bois travaillé et prêt pour la construction.
Construction bois
La filière courte permet donc de faire le cycle : de la forêt à la construction.