FILIÈRE. Des acteurs experts dans l'architecture et le bois ont discuté des avantages de ce matériau, dans une conférence organisée par l'Unsfa et le club "Oui au bois". Selon eux, des efforts de formation devraient être davantage déployés pour permettre la construction des futurs bâtiments.

C'est un constat : l'utilisation du bois se développe dans les constructions. Pour parler de ce matériau dont les avantages sont nombreux, trois spécialistes se sont réunis pour échanger à ce sujet le 2 juin, lors d'une conférence sur "l'architecture complexe avec le matériau bois". L'un d'entre eux, l'architecte Antoine Baugé, membre du club "Oui au bois" et responsable et associé de Sylva conseil, a choisi ce matériau, pour sa légèreté, dans la construction d'une coque ovale dans le vélodrome de Bourges. "Aujourd'hui, la demande est assez forte pour construire des bâtiments de plus grandes envergures, comme des immeubles d'habitations de troisième famille", a-t-il remarqué, prenant l'exemple d'un projet de construction de logements en socle béton et structure bois à Pantin, près de Paris.

 

"Une solution durable et écologique"

 

"La couverture bois a un grand avantage", a affirmé de son côté Pierre Hervé, membre également du club, responsable du bureau d'études techniques Stratégie Bois et des développements commerciaux de l'entreprise Soveco, experte en tuiles de bois. S'il affirme que le revêtement en tuile de bois est une solution durable et écologique, il assure qu'il garantit plus de 30% d'économie d'énergie. "Il offre une isolation thermique et un confort incontesté."

 

Pour l'intervenant, les formes proposées par la tuile sont complexes et présentent de grandes possibilités pour parer les façades. "Il faut cependant faire attention car le moindre détail qui ne serait pas respecté à l'assemblage apportera un défaut."

 

Créer une unité entre les bâtiments

 

Les avantages et l'esthétique du matériau bois s'illustrent parfaitement dans le projet de réhabilitation du lycée George Sand, à Yssingeaux (Auvergne-Rhône-Alpes), imaginé par Pierre Chomette, architecte DPLG, responsable de Chomette-Lupi et associés-architectes et membre du club "Oui au bois". "On a un squelette en béton pour contreventer l'ensemble de la structure et 100% de bois, y compris le plancher, dès le premier étage. On ne fait pas passer de câbles électriques à travers l'ouvrage." Les ossatures en bois sont préfabriquées, notamment les murs et charpentes. L'éclairage et la ventilation sont naturels, et le bureau d'architecture a ajouté des panneaux solaires photovoltaïques en toiture et une chaufferie biogaz.

 

"Un travail important est mené pour protéger les façades. Le travail de levage se fait avec des grues mobiles, qui sont un gain de finance et de précision, et permettent une préfabrication en atelier. Elles sont ensuite montées en deux jours sur le chantier, soit une véritable rapidité d'exécution", précise-t-il, reparlant du projet de réhabilitation du lycée en Auvergne. "Le bois permet de créer une unité entre les bâtiments neufs et existants. Le tout est supporté par le béton."

 

Le bois, un élément décoratif

 

Le bois et le béton ne sont pas incompatibles, comme veut le prouver Pierre Chomette, qui a marié les deux matériaux pour un projet de lycée à Tours, avec une structure préfabriquée en béton et une ossature bois. Il appelle même les acteurs des deux filières à se réunir et à travailler ensemble. Pour le lycée de Liffré, en Bretagne, l'architecte a choisi un habillage en aluminium et une isolation par l'extérieur. Un amphithéâtre sous la forme d'un grand galet de bois a été installé. "Pour avoir de grandes portées, on a utilisé du CLT, comme dans le plancher. Aussi, les élus ont compris qu'il y a une vraie ventilation naturelle qui est conçue dans ces ouvrages, grâce au bois, apportant aussi un élément décoratif à l'intérieur."

 

Pierre Chomette considère que construire des bâtiments en matériau bois relève d'une méthode de travail qui doit être "entièrement revue". "Il faut alerter les citoyens et les élus pour leur expliquer qu'on ne peut pas faire ce qu'on veut. La construction est complexe et obéit à certaines règles, notamment de sécurité. Aussi, un projet bois n'est pas uniquement composé d'un habillage bois. Aujourd'hui, il existe une grande série de peaux." Une déclaration que ne peut qu'approuver Antoine Baugé qui indique que le maître d'ouvrage qui développe un projet doit s'entourer d'une équipe "rodée à l'exercice face aux difficultés techniques". Si l'architecte a déjà deux bâtiments de quatrième famille en bois en cours de construction, il ne pense pas que cela représentera l'avenir de l'architecture.

 

Trop peu de formations ?

 

 

Les limites à l'utilisation du bois, c'est la formation. "Les professionnels doivent prendre conscience que c'est un élément technique. C'est une erreur de vouloir aller trop vite, de ne pas avoir la bonne approche et d'appliquer celle que l'on a d'un autre monde, comme celui du béton", a jugé Pierre Hervé. Les écoles devraient davantage proposer des formations, a-t-il estimé. "Aujourd'hui, il faut entre trois et quatre ans à un ingénieur béton pour être formé au bois."

 

Cela passe aussi par une véritable connaissance de la filière, selon Pierre Chomette. "Il faut avoir des compétences, un savoir-faire pour comprendre pourquoi on utilise du bois dans un bâtiment, même chez les élus." Ce à quoi Antoine Baugé précise : "Il y a une grande contradiction, entre le fait de vouloir du bois à tout prix ou pas du tout. Certains citoyens se disent écolos et ont peur qu'on coupe un arbre."

 

"Il faut localiser les ressources"

 

À cet exemple, Pierre Chomette acquiesce. Selon lui, la filière bois s'est structurée dans l'hexagone mais elle est "encore loin" d'être au niveau d'un pays comme la Finlande. "En France, on a plus de bois que ce dont on a besoin pour construire mais on ne peut pas bâtir avec n'importe quel bois."

 

Interrogés sur les pénuries de matières premières qui touchent notamment le bois semi-transformé, Antoine Baugé ne se dit pas inquiet. Pierre Hervé ajoute même que les scieries françaises sont "capables de faire face à cette crise et n'ont pas augmenté leurs prix" mais qu'il existe en revanche "une spéculation sur le bois". "Les fournisseurs européens avec lesquels j'ai pu m'entretenir avaient vendu, en mars, 150% de ce qu'ils vendent habituellement en une année. Ce qu'il manque, ce sont les lamelles pour faire du bois", a ajouté Antoine Baugé. Il a appelé à localiser les ressources ces prochains mois, bien qu'il pense que les "choses vont revenir à la normale".

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