RESSOURCE. Un colloque consacré au bois s'est tenu lors de l'édition 2019 du salon Batimat : la succession des tables rondes avait pour objectif de souligner l'intérêt de ce matériau pour doper le secteur de la construction tout en préservant l'environnement. Focus.

La forêt française représente un tiers du territoire métropolitain, soit 16 millions d'hectares, dont les trois quarts relèvent d'une gestion privée. Étant capable de piéger environ 83 millions de tonnes équivalent CO2 chaque année, ce qui correspond approximativement à 20% du total des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l'Hexagone, la forêt est également en mesure d'éviter la production de 42 millions de tonnes équivalent CO2 tous les ans. Le potentiel environnemental de la ressource sylvestre est donc indéniable à l'heure du réchauffement climatique.

 

 

Pour autant, il vaut mieux prendre son temps quand on décide de recourir à la filière bois : quand on plante un chêne, on ne peut en récolter les fruits (si l'on peut dire) que 150 ans plus tard. De plus, les spécialistes s'accordent à dire que la diversification des massifs et des essences est aujourd'hui primordiale pour assurer la régénération du matériau, tout comme les éclaircissements des forêts. Une gestion efficace et durable qui serait déjà d'actualité, bien que certains reprochent à la France d'avoir une politique forestière encore trop timide. C'est pourquoi les professionnels de la filière demandent à considérer la forêt comme un bien d'intérêt général, notion juridique et administrative nécessaire pour mieux intégrer le bois dans le secteur de la construction.

 

Notre-Dame de Paris, l'Hermione, Guédelon... autant de chantiers sur lesquels le bois s'illustre

 

Lors d'un colloque sur le bois qui s'est tenu le 5 novembre 2019 sur le salon Batimat, les intervenants ont eu l'occasion de revenir sur l'utilisation du bois dans des chantiers aussi variés que la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le vaisseau l'Hermione de La Fayette ou encore le château médiéval de Guédelon, dans l'Yonne. Le bois serait ainsi "un enjeu de savoir-faire à perpétuer sur le chantier de Notre-Dame" pour l'architecte du patrimoine Marie-Amélie Tek, pour qui ces travaux sont un moyen de revaloriser le savoir-faire et les expérimentations des métiers d'art.

 

Benoît Dulion, président de la société Dulion Charpente, membre du Groupement des entreprises de restauration de monuments historiques (GMH), estime quant à lui qu'il faudrait "des installations collectives, comme des plateformes ou des panoramas, pour permettre aux visiteurs de découvrir le chantier et de se réapproprier le lieu". Jugeant le délai de 5 ans imposé par le président Emmanuel Macron "irréaliste", Marie-Amélie Tek affirme que les professionnels se doivent de "conserver l'âme de Notre-Dame, et ne pas signer le chantier, ne pas le récupérer". Le président des Experts forestiers de France, Philippe Gourmain, attire l'attention sur un autre point : "Le problème de Notre-Dame n'est pas le bois ni la charpente ; le problème de Notre-Dame, c'est la pierre car la stabilité de l'édifice repose sur la pierre".

 

Création d'une marque "Bois de France" pour encourager professionnels et particuliers à recourir au matériau

 

Afin d'inciter les entreprises de la construction mais aussi les citoyens désireux de faire (re)construire leurs habitations, la Fédération nationale du bois a créé la marque "Bois de France" : celle-ci ne repose sur aucun critère de qualité mais sur des aspects d'origine et de savoir-faire français pour l'exploitation de la ressource sylvestre. Les professionnels du bois travaillent notamment avec l'organisme PEFC France, qui a mis en place un système de certification forestière basé sur les fonctions économiques, environnementales et sociales des forêts. A l'heure actuelle, a priori deux tiers des forêts françaises seraient certifiées PEFC.

 

Car les atouts de ce matériau ne manquent pas, comme le rappelle Tifenn Guennec, ingénieure environnement à l'institut technologique FCBA : "Le bois est intrinsèquement dans l'économie circulaire puisqu'il est intégralement renouvelable, donc il n'implique pas d'exploitation de matières premières. Les forêts sont par ailleurs des puits de carbone, et les produits en bois stockent du carbone tout au long de leur vie. De plus, le bois est un matériau souvent réutilisé, donc il nécessite moins de transport, et sa transformation s'effectue dans une industrie française utilisant une électricité largement décarbonée." "Tout se complète et tout interagit", abonde la déléguée générale adjointe de la FNB, Caroline Berwick. La boucle semble donc être bouclée, à l'heure où la demande des consommateurs est de plus en plus forte sur des produits locaux et certifiés. Dans le même registre, les marchés publics intègrent de plus en plus des demandes de bois régionaux et labellisés dans leurs procédures.

 

"60% des bois qui sont mis en oeuvre en France ont pour destination le bâtiment"

 

Une montée en puissance qui se constate dans la dernière édition de l'Observatoire économique de France Bois Forêt : "60% des bois qui sont mis en oeuvre en France ont pour destination le bâtiment. La construction est donc le premier débouché de la filière", confirme Eric Toppan, adjoint au directeur général de la Fédération des forestiers privés de France. "Le bois est une solution clairement connue et identifiée, et représente 10% de part de marché." Une croissance "régulière et durablement installée" pour les professionnels, qui précisent que 2.100 entreprises réalisent chaque année des constructions en bois dans l'Hexagone. Dans le détail, les charpentiers représentent la moitié des entreprises de construction bois, les menuisiers 25%, et les constructeurs de maisons individuelles environ 10%. Un marché qui a réalisé en 2018 un chiffre d'affaires de 1,2 milliard d'euros, avec plus de 50% des entreprises qui ont plus de 10 ans d'existence et qui sont en majorité des PME de plus de 13 salariés. Les régions les plus dynamiques sont le Grand Est, la Bourgogne-Franche-Comté et l'Auvergne-Rhône-Alpes ; à l'inverse, l'Île-de-France et la Provence-Alpes-Côte-d'Azur sont à la traîne. Au total, 25.000 logements bois ont été construits en 2018 selon l'Observatoire, dont 10.800 maisons individuelles. Et certains segments ont le vent en poupe : le bois s'octroie par exemple une part de marché de 27% dans les travaux d'extension-surélévation.

 

 

 

Mais pour le secrétaire général du syndicat Afcobois, Loïc de Saint-Quentin, deux facteurs sont à prendre en compte dans les perspectives de croissance de la filière : "Un environnemental, et l'autre lié à la préfabrication, qui présente une rapidité d'exécution et une qualité de l'ouvrage". Par ailleurs, les plus gros contributeurs à la construction bois sont des constructeurs de maisons individuelles, qui portent donc actuellement le marché : les 4 chefs de file bâtissent chacun environ 150 maisons chaque année. Le segment des maisons individuelles en secteur groupé a même bondi de 49% en 2018. Cependant, si la croissance est plus moins forte sur nombre de segments, la stratégie doit être adaptée : "Il n'y a pas de réponse commune : il faut raisonner segment de marché par segment de marché", poursuit Loïc de Saint-Quentin. "Dans la maison individuelle, le problème c'est l'offre. Le prix est un critère fondamental. Le côté vert joue fort aussi chez les collectivités territoriales qui veulent se donner une image à moindre empreinte carbone. Pour le reste, il faut faire de la pédagogie et communiquer encore et encore, et proposer une offre pertinente aux clients."

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