ESPOIR. Les organisations liées aux matériaux biosourcés souhaitent voir leurs produits mis sur un pied d'égalité avec les autres dans la future réglementation environnementale 2020, et demandent à ce que le principe de seuils carbone obligatoires soit inscrit dans le marbre. Explications.

Il pourrait sembler évident qu'une réglementation qualifiée "d'environnementale" aurait plutôt tendance à valoriser les matériaux biosourcés, tels que le bois, la paille ou le chanvre. Cela ne semble pourtant pas tout à fait acquis, d'après un collectif d'une vingtaine d'acteurs issus des filières de matériaux biosourcés, réunis autour de la Fédération des parcs naturels de France. Certains d'entre eux envisagent même le pire : que les seuils carbone de la RE2020 ne soient qu'indicatifs et non obligatoires. Une hypothèse qui paraît pourtant peu probable au vu des exigences de la stratégie nationale bas carbone et du fait que la prise en compte du carbone représente l'acquis principal de la RE2020.


Fixation de deux seuils pour le carbone

 

Quoi qu'il en soit, plusieurs courriers ont été envoyés ces mois derniers par des représentants des biosourcés, inquiets. La dernière démarche de ce type a été encouragée et chapeautée par la Fédération des parcs naturels de France. Concrètement, deux points sont demandés par ces organisations : la fixation d'un plafond d'émissions de carbone par m², sur toute la durée de vie du bâtiment, au-delà duquel la construction d'un bâtiment est interdite ; et la mise en place d'un indicateur de stockage carbone, de manière à ce qu'un bâtiment ne puisse plus être construit sans stocker un minimum de CO2.

 

 

"Nous ne souhaitons pas que les biosourcés soient privilégiés par rapport aux autres matériau, mais qu'ils soient mis sur un pied d'égalité", explique à Batiactu Philippe Moutet, chargé de mission climat, énergie et architecture au sein de la Fédération des parcs naturels. Il met en avant les nombreux effets induits par un soutien aux filières biosourcées : créations d'emplois locaux, travail pour les artisans, maintien de savoir-faire ancestraux, reconnexion avec d'anciens savoir-faire, circuits courts, qualité architecturale des projets... "Cela contribuerait également à entretenir les forêts, créer de l'activité pour les agriculteurs. Plus généralement, cela correspond aux attentes des Français, de plus en plus sensibilisés en matière d'environnement", complète Philippe Moutet.


L'État va commencer les simulations

 

Où en sommes-nous, concrètement, en matière de définition des seuils dans la RE2020 ? "Nous nous situons au milieu du gué", explique Romain Canler, délégué général de l'Union des industriels et constructeurs bois (UICB), qui figure parmi les signataires du courrier. L'État est en passe de faire réaliser des simulations, basées sur les retours d'expérience de l'expérimentation E+C-, dans le but de situer les bons seuils pour la RE2020. Les résultats de ces travaux ne devraient pas être connus avant mars 2020. "Si nous ne fixons pas dans la réglementation un seuil émissions de CO2 et un seuil de stockage carbone, non seulement on perdra 10 ans, mais en plus il deviendra impossible d'atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone 2050", assure Romain Canler.

 

D'où la volonté des professionnels de tirer la sonnette d'alarme et mettre la pression sur le Gouvernement, à l'heure où chaque groupe d'intérêt cherche à tirer la couverture à lui et influer sur les choix publics. "De puissantes forces contraires s'exercent", observe Romain Canler. L'UICB insiste pourtant sur le fait qu'il ne souhaite pas systématiquement voir le béton remplacé par le bois. "Pour certaines utilisations dans le bâtiment, le bois a un réel avantage sur le béton, mais de manière générale l'avantage compétitif n'est pas si frappant que cela en faveur du bois", nous explique-t-il. "Mais il est sûr que nous n'atteindrons les objectifs bas carbone qu'à la condition d'employer davantage de produits biosourcés dans la construction, en modifiant notre manière de concevoir."

 

Le débat a encore le temps de se tenir, puisque les arbitrages décisifs concernant la RE2020 se tiendront dans le courant de l'année prochaine.

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