PAROLE D'EXPERT. Au-delà d'être un outil de conception et réalisation, le BIM peut-il servir à rendre la construction plus verte ? Quel sera le lien qui sera établi avec la préfabrication et l'impression 3D ? Nicolas Régnier, administrateur de l'Association HQE-France GBC, président de Green Soluce et Data Soluce, nous livre ses réponses.
Batiactu : On parle beaucoup du Building Information Modeling (BIM) aujourd'hui, mais il semblerait que tout le monde ne soit pas très avancé dans cette démarche, qu'en pensez-vous ?
Nicolas Régnier : Ça démarre mais très peu de monde fait vraiment du BIM. Les vrais sujets ne sont pas encore traités. Il faut, par exemple, raisonner sur tout le cycle de vie d'un bâtiment, or c'est uniquement la maîtrise d'œuvre qui utilise le BIM aujourd'hui, car il est considéré comme un outil de conception. Or, dans la durée de vie d'une construction, c'est l'exploitation qui devrait être prioritaire. Le véritable BIM devrait être piloté et intégré par la maîtrise d'ouvrage ! Pour y parvenir, il faut rendre la donnée exploitable, structurée, en y mêlant des aspects 3D, car pour l'instant, la maquette numérique reste une juxtaposition de modèle tridimensionnel et de tableur. Il y a pourtant un potentiel énorme pour classer les données dans des bases dédiées et les exploiter facilement. Les maîtres d'ouvrage ont intérêt à investir dans de tels outils afin de contrôler la qualité des bâtiments et faciliter leur maintenance.
Nicolas Régnier : Ça démarre mais très peu de monde fait vraiment du BIM. Les vrais sujets ne sont pas encore traités. Il faut, par exemple, raisonner sur tout le cycle de vie d'un bâtiment, or c'est uniquement la maîtrise d'œuvre qui utilise le BIM aujourd'hui, car il est considéré comme un outil de conception. Or, dans la durée de vie d'une construction, c'est l'exploitation qui devrait être prioritaire. Le véritable BIM devrait être piloté et intégré par la maîtrise d'ouvrage ! Pour y parvenir, il faut rendre la donnée exploitable, structurée, en y mêlant des aspects 3D, car pour l'instant, la maquette numérique reste une juxtaposition de modèle tridimensionnel et de tableur. Il y a pourtant un potentiel énorme pour classer les données dans des bases dédiées et les exploiter facilement. Les maîtres d'ouvrage ont intérêt à investir dans de tels outils afin de contrôler la qualité des bâtiments et faciliter leur maintenance.
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Batiactu : Qu'en est-il du rôle de "BIM manager" qui a émergé ?
Nicolas Régnier : N'importe qui se prétend BIM manager du moment qu'il a ouvert Revit ! Il existe en fait des BIM coordinateurs par corps de métier, qui produisent chacun une maquette. Ces dernières, alimentées par des BIM modeleurs, sont asynchrones, et viennent s'empiler. Le BIM manager collecte l'ensemble de ces maquettes et gère les clashes entre elles. Il ne dessine donc pas. Et il faut faire attention aux responsabilités de chaque métier - architecte, entreprise, etc. - notamment pour garantir la décennale. Mais tout cela n'est pas encore un véritable BIM. Il faudra encore 2 ans pour qu'on se rende compte de ce que cette démarche apporte, car elle n'en est encore qu'à 20 % de son potentiel total.
Batiactu : En quoi la maquette numérique pourrait-elle conduire à des bâtiments à impact environnemental réduit ?
Nicolas Régnier : Des données structurées permettent d'extraire ce que l'on veut de la maquette. Les nouvelles réglementations en préparation prennent en compte le sujet de l'empreinte carbone et de l'analyse du cycle de vie, qui peuvent être des calculs ardus. Demain, avec une maquette optimale et des données sur les matériaux, il sera possible d'obtenir une extraction instantanée. De même, des études sur le confort lumineux des intérieurs, des paramètres utiles pour viser certaines certifications environnementales, nécessitaient auparavant de longs calculs. Avec le BIM, on sera en mesure de lancer des simulations, pour les structures ou la thermique, mais également pour la luminosité naturelle ou pour calculer la qualité de l'air intérieur grâce à des calculs de taux de COV en choisissant les moquettes et peintures appliquées, et s'assurer ainsi du respect des normes et réglementations. Les indicateurs seront plus simples à extraire : la maquette sera un outil d'aide à la décision en simulant facilement des variantes.
Batiactu : Projetons nous encore plus dans l'avenir. D'ici 5 à 10 ans, comment envisagez-vous l'utilisation du BIM ?
Nicolas Régnier : A l'horizon de 2020-2025, une fois que les données du bâtiment seront bien structurées, en exploitant la maquette numérique, nous serons en mesure de modéliser le bâtiment en réalité virtuelle et en réalité augmentée (qui vient se surimposer à la réalité, NdlR). Elle sera totalement immersive grâce à des lunettes et donnera des sensations de volume aux outils de conception assistée par ordinateur. Au-delà des aspects marketing et commerciaux, il y a aura un lien avec l'impression 3D, y compris pour le béton. On peut imaginer des bras robotisés qui imprimeraient une structure de gros œuvre, ce qui autoriserait des formes organiques que l'on ne sait pas faire aujourd'hui avec des coffrages traditionnels. Ils optimiseront la gestion des matériaux en utilisant le minimum de matière possible. Ces formes étonnantes ressembleront à des tissus cellulaires du vivant. Tout cela deviendra possible pour la structure même des bâtiments, ce qui ira dans le sens de la sobriété et du développement durable. Autre anticipation, ces robots pourraient également permettre de produire des moules de préfabrication in situ, ce qui permettrait de supprimer l'étape de transport des éléments béton préfabriqués en usine, un autre avantage environnemental. Enfin, le BIM permet d'ores et déjà une meilleure gestion du phasage des travaux et du planning des opérations.