FISCALITÉ. Un rapport d'évaluation du Sénat, présenté le 9 octobre 2019 par la Commission des finances, estime qu'il est encore trop tôt pour évaluer l'impact positif de l'impôt sur la fortune immobilière. Des premiers constats, le Sénat note toutefois des "effets de bord".
Un impôt qui a profité aux plus fortunés, sans impact notoire sur l'économie réelle, et qui est tout juste parvenu à contenir l'exil fiscal. Tels sont les premiers enseignements de la conversion de l'Impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (Ifi) que tirent les sénateurs dans un rapport d'évaluation, dressant ainsi un bilan mitigé d'une mesure phare du président Emmanuel Macron. Seule bonne nouvelle, l'Ifi a fait preuve "d'un rendement plus fort qu'escompté", permettant d'estomper les effets de la suppression de l'Isf.
En 2017, au lendemain de son élection à la tête de l'Etat, le gouvernement avait lancé le chantier de la suppression de l'ISF, pour inscrire l'Ifi dans l'article 31 de la loi de finances. Dans son rapport, la Commission des finances de la Chambre haute conclut qu'il est encore difficile de prédire l'efficacité du nouvel impôt, dont "le dynamisme (…) dépendra principalement de l'évolution des prix de l'immobilier et des comportements d'optimisation des redevables".
Un gain fiscal peu reversé dans l'économie
Mais des premières observations, l'impact de l'Ifi sur l'économie du pays semble contredire la promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Selon le rapport sénatorial, le gain fiscal issu de la disparition de l'ISF n'a été que "très partiellement réinvesti dans les entreprises en 2018". "L'Ifi paraît en effet souffrir d'un vice de conception", regrettent le président de la commission Vincent Eblé et Albéric de Montgolfier, rapporteur général.
La mise en place de l'Ifi renforcerait par ailleurs un sentiment d'iniquité devant l'impôt, alors qu'une "partie non négligeable de redevables très fortunés" en est exonérée, du fait d'un "faible patrimoine immobilier". A titre d'exemple, 18% des redevables issus de la dernière tranche de l'ex-ISF n'ont pas payé l'impôt sur la fortune immobilière en 2018, récoltant un gain fiscal de 108.822 euros. A contrario, une "part significative des redevables de l'ISF restent assujettis à l'IFI sans pour autant disposer de revenus très élevés". Et les sénateurs de s'interroger sur le caractère "anti-redistributif" de la réforme fiscale.
Cet effet indésirable fait craindre l'émergence d'un cercle vicieux qui amènerait les redevables à modifier la composition de leur patrimoine "au détriment de l'immobilier". Une telle tendance affaiblirait l'Ifi et ses rendements, qui constitueraient autant de recettes en moins dans les caisses de l'Etat.
Un impôt qui a freiné l'exil, sans motiver des retours
Autre élément censé légitimer la création de l'Ifi, la lutte contre l'exil fiscal. Là encore, l'effet de la réforme fiscale est à tempérer. Avec une baisse de 41% des flux d'expatriation des contributeurs ciblés entre 2016 et 2017, "la réforme pourrait avoir contribuer à freiner les départs, sans pour autant provoquer de retours", nuancent les sénateurs. Sur ce point, le premier bilan demeure tout de même "encourageant" pour les parlementaires.
A court-terme, la Commission des finances appelle à corriger en amont les effets de la conjoncture immobilière sur l'Ifi. Notamment la flambée des prix qui "risque de faire entrer dans l'assiette de l'Ifi de nouveaux redevables dont le patrimoine immobilier s'est fortement apprécié", ceux-ci ne disposant pas forcément de revenus élevés. A ce titre, l'indexation de l'impôt sur l'inflation serait une piste de solutions.
Les deux rapporteurs expriment toutefois un avis dissonant sur les solutions à trouver à moyen terme. Le président de la commission Vincent Eblé préconise un retour de l'ISF après avoir opéré sa modernisation. Il considère qu'à ce jour, l'impôt sur la fortune est "le seul levier disponible pour enrayer la concentration croissante des richesses". Le rapporteur général Albéric de Montgolfier estime lui, que l'actuel Ifi doit progressivement glisser vers un "Impôt sur la fortune improductive", qui inclurait les résidences principales et secondaires, les logements vacants ou les immeubles non bâtis.