Transmission de la lumière, isolation thermique, incorporation de matériaux agro-sourcés ou de produits issus de process industriels… le béton est un matériau dont les propriétés ne cessent d'évoluer grâce à des programmes de R&D avancés. Anouk Thebault, directeur des relations avec l'environnement professionnel au Cerib, nous en dit plus.

Batiactu : Quelles sont les innovations auxquelles il faut s'attendre dans le monde du béton ?
Anouk Thebault : Il y a des champs assez différents. L'une des grandes thématiques est l'économie circulaire avec l'intégration de constituants réduisant l'impact environnemental du matériau. Il faut donc travailler en prenant en compte le recyclage amont, c'est-à-dire en intégrant des co-produits issus d'autres filières industrielles. On connaît déjà l'exemple du laitier de haut-fourneau à la place d'une partie du clinker, ce qui est classique. Mais il y a des expérimentations d'intégration de boues de papeteries. Et un travail avec les cendres issues des centrales biomasses. Ou encore l'intégration de fibres issues de déchets textiles dans des bétons fibrés.

 

Batiactu : L'incorporation de composants bio-sourcés est-elle une autre tendance de fond ?
Anouk Thebault : On peut en effet utiliser des composants agro-sourcés plutôt que minéraux dans ce qu'on appelle les bétons végétaux. Par exemple du chanvre, du lin, du miscanthus ou de la bagasse de canne à sucre dans les départements d'outre-mer. L'enjeu est de faire de ces bétons des matériaux porteurs et nous arrivons aujourd'hui à avoir un béton structurel en travaillant sur les dosages, les liants et les proportions. Nous en sommes à la phase d'expérimentation économique avec les industriels et la piste est en cours de validation technique.
Ce qui est important est la notion d'ancrage dans les territoires de la filière béton. Elle s'adapte à la tradition agricole ou industrielle locale et elle travaille ainsi mieux avec le territoire. Tout le monde est ainsi gagnant avec des filières courtes qui réduisent l'impact environnemental. Les déchets de conchyliculture peuvent également être utilisés dans le béton. C'est une piste de développement local.

 

Batiactu : L'utilisation systématique de ressources locales peut-elle être une difficulté ?
Anouk Thebault : A la Réunion, le Cerib (Centre d'études et de recherche de l'industrie du béton) intervient sur la question de la durabilité des bétons qui utilisent des granulats locaux, issus de roches volcaniques, pour un usage marin dans le cadre du grand chantier de la nouvelle route du littoral. Il s'agit d'avoir l'assurance sur la résistance du matériau dans le temps grâce à des analyses, des formulations et des essais.
L'intégration de sédiments fluviaux ou maritimes a fait l'objet d'une initiative. Mais elle n'est pas probante économiquement. Et il y a un problème de durabilité du matériau issu de sédiments marins, avec la présence de chlorure. De plus, l'approvisionnement est un peu complexe. Cette solution restera donc locale pour une question de disponibilité de la ressource.

 

Batiactu : Et les nouvelles propriétés que l'on pourrait conférer au béton lui-même, quelles sont elles ?
Anouk Thebault : Il est déjà possible de lui adjoindre des fonctionnalités comme la dépollution ou la capacité de s'auto-nettoyer. Ces produits existent déjà aujourd'hui. Mais dans les usages du matériau, il faut envisager des performances thermiques très améliorées grâce à des bétons ultralégers. Les bétons drainants se développent également, en préfabriqué ou en prêt à l'emploi, avec des mises en œuvre différentes. Il s'agit d'un matériau dont la structure est travaillée pour permettre le passage de l'eau, ce qui est utile pour les zones urbaines où il faut mieux maîtriser les phénomènes d'inondation liés à la perméabilisation des sols. Le béton devient donc poreux mais conserve ses capacités de portance.
Autre axe de recherche, les bétons qui font passer la lumière ou la chaleur et la fraîcheur, en intégrant des systèmes. Nous travaillons sur un projet européen, "Bright Wall", qui vise à développer une formulation et une mise en œuvre spécifiques afin d'intégrer la lumière à la demande dans des murs en béton. Il sera donc translucide mais également muni d'un contrôle dynamique de la transmission lumineuse. Quant à la chaleur et la fraîcheur, après les bétons isolants structurels, l'étape suivante consiste à faire circuler des fluides à l'intérieur du matériau. Il dispose déjà d'atouts par rapport à l'inertie, mais il faut aller un cran plus loin. Là aussi c'est un véritable axe de recherche, qui constitue une piste intéressante pour les années à venir.

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