Métropole parmi les plus créatives dans le monde, Berlin reste, quinze ans après le Mur, un perpétuel chantier troué de no-man's-lands, patchwork surprenant d'une capitale qui ne semble pas avoir vraiment retrouvé son unité.

Les milliers de statuettes d'ours colorées -le symbole de la ville- de l'Allemand Ottmar Hoerl disposées à travers la ville et destinées à en égayer les avenues ne peuvent rien y changer. Berlin garde les cicatrices profondes, omniprésentes du Mur. Quartiers animés alternent avec zones de silence et d'abandon.
Quand le métro aérien contourne par le sud la Potsdamer Platz et ses tours futuristes, jadis place trépidante redevenue un centre animé à l'américaine, des terrains vagues bordent de part et d'autre des immeubles modernes ou décrépis.
Même impression près de la gare de l'est, l'Ostbahnhof, où, la nuit, la ville semble fantômatique avec ses vestiges de 1,3 km de Mur tagué, derrière lesquels on découvre, au bord de la rivière Spree, une plage de sable avec son bar à la mode.

Dans le quartier gouvernemental du Spreebogen, devant la chancellerie moderniste des architectes berlinois Alex Schultes et Charlotte Franck, le vaste espace reste planté d'arbres chétifs.
Quant à l'Alexanderplatz, elle forme à la stalinienne un centre trop vaste et hétéroclite pour être agréable à l'oeil et au pas.

Berlin, explique à l'AFP l'urbaniste Robert Sander, a réussi le défi de connecter à nouveau ses principales infrastructures et de se doter rapidement d'un plan de développement cohérent. On ne saurait parler, souligne-t-il, d'une expansion sauvage et Berlin est une ville fonctionnelle aux larges axes de circulation.
"Mais les pronostics optimistes de la première heure ne se sont pas confirmés, tant les attentes économiques que la croissance de la population", reconnaît ce sociologue au Deutsche Institut fuer Urbanistik (DIFU, Institut allemand d'urbanisme).
Ce qui laisse de Berlin une impression à la fois fascinante et déprimante: cité qui ne cesse de se transformer, mais aussi qui n'a pas retrouvé d'unité et pâtit d'une reconstruction hâtive après-guerre.

Si, à l'Est, les espaces à l'abandon sont plus nombreux, des joyaux s'y trouvent, bien loin du quartier impersonnel de l'Europacenter et du plus grand magasin d'Europe continentale, le KaDeWe, ex-vitrine de Berlin-Ouest.
Cependant, à l'Est, le quartier rénové de Saint-Nicolas ou l'avenue bordée de monuments baroques Unter den Linden ne suffit pas à redonner à Berlin sa chaleur.

Pour mieux la sentir aujourd'hui, il faut plonger au fond de Wedding ou de Kreuzberg, avec leurs boutiques en tous genres, leur population bigarrée, ou à Prenzlauer Berg, quartier branché, dont les façades autrefois défigurées par la mitraille de la Seconde Guerre mondiale sont repeintes.
L'Est aussi offre ses quartiers désuets, non sans charme, comme Pankow ou Koepenick.

Architecturalement, Berlin reste une des villes les plus novatrices au monde. L'Italien Renzo Piano, le sino-américain Pei, l'Américain Peter Eisenmann - auteur de l'impressionnant Holocaust Mahnmal, ensemble de stèles de béton commémorant l'extermination des juifs -, beaucoup d'autres architectes mondialement connus sont venus apporter leurs touches. Des ambassades futuristes ont rivalisé d'audace.

C'est aussi la ville des paradoxes parfois teintés de nostalgies: celui du Palais de la République, ancien siège -amianté- du parlement de la RDA, qui, énorme cube de vitres sombres, attend sa destruction pour 2005. Ou encore le Tacheles, ancien squat, lieu d'art branché, incarnant l'idéal d'un Berlin alternatif.

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