DÉBAT. A l'occasion de la restitution de la Bourse de recherche Eiffel, le 3 décembre 2019, l'architecte Patrick Rubin, Bernard Roth de l'Association internationale de développement urbain (Inta) et Olivier de la Roussière de Vinci Immobilier évoquaient les chantiers à mettre en oeuvre en vue d'accélérer la réversibilité des bâtiments.
Face à l'urgence climatique, les acteurs de la conception et de la construction doivent désormais ajouter le critère de la durabilité dans leurs cahiers des charges. Si la mutation de locaux obsolètes en logement se met doucement en ordre de marche, il faut d'ores et déjà imaginer les nouveaux bâtiments comme pouvant accueillir toutes les fonctionnalités, du logement au bureau, sans nécessité de travaux lourds.
"On a tous cette image de bâtiment qui explose, et c'est un trauma que l'on ne peut plus supporter aujourd'hui. Il faudrait qu'on les répare deux fois plus vite, et deux fois moins chers", préconise Patrick Rubin, architecte et porte-étendard de la réversibilité. Réparer plutôt que déconstruire, c'est la philosophie même de la durabilité qui doit désormais pénétrer les esprits, de la conception à la gestion du bâtiment. Pour Patrick Rubin, la réversibilité peut déjà s'inspirer d'une trame, non figée, apportant une plus grande flexibilité des espaces : expatrier les réseaux et circulations, épaisseur réduite de l'enveloppe, hauteur sous plafond de 2,70 mètres.
Le coût de la réversibilité
Pour le conseiller scientifique Bernard Roth, de l'Association internationale de développement urbain (Inta), "il faut imaginer dès maintenant des formes de transmutabilité directe" , en phase avec une conception de la ville, non plus autour de sa "morphologie" mais de sa prise en compte "un organisme vivant avec ses métabolismes et ses bifurcations totalement inattendues". Tout en nuançant l'idée d'obsolescence des bâtiments qui ne "sont pas toujours le résultat d'une mauvaise conception, mais simplement situés dans des lieux où les gens ne veulent plus être".
Mais le postulat de la "réversibilité à tout prix" paraît difficile à tenir, déjà parce qu'il restera toujours des édifices anciens qui nécessiteront une réhabilitation lourde pour leur mutation. "Nos projets ne pourront pas tous être mutables, on ne jouera pas à réaliser des murs qui puissent bouger, cela sera très compliqué en terme de gros oeuvre", estime Olivier de la Roussière, président "Immobilier" de Bouygues Immobilier. "Le sujet au fond, c'est celui de la diversité, on ne va pas tout casser d'un côté ni tout restructurer" , opine Bernard Roth.
Olivier de la Roussière met également en avant la problématique de coût, qui pourrait bien freiner la massification de la réversibilité, en prenant l'exemples de Jeux olympiques et paralympiques 2024 qu'accueillera Paris. Dans le volet héritage, le village olympique et le village médias devront être transformés en programmes de logement, "il faudra par exemple penser à démonter des salles de bains, ou les installer en préfabriqués, prévoir la conversion des parties censées accueillir le programme des athlètes....il ne faut pas rêver, cela a un véritable coût".